Nolan Bushnell est né en 1944. Fils de parents Mormons (son père
est entreprenneur dans le ciment), il devint dans les années 1970
l'un des tous premiers millionnaires de la Silicon Valley grâce à
l'invention du jeu Pong et à la création de la société Atari.
Nolan grandit à Clearfield, Utah. Un jour, son professeur lui
confie le projet de la classe de science: c'est le début de son
intérêt pour l'électronique. Il se présenta à Utah State et à
l'Université de l'Utah, où il reçut un diplome d'ingénieur.
Etudiant ingénieur à l'université de l'Utah, il passait beaucoup
de temps à jouer au jeu "Spacewar" sur les ordinateurs du campus.
Ce jeu, créé au début des années 60 par un jeune étudiant du
M.I.T, Steve Russell, circulait en effet dans les laboratoires
d'informatique du pays. Cela lui fît prendre conscience des
potentialités d'ajouter des jeux électroniques dans le parc
d'amusement, oû il travaillait l'été. Il essayait de parler de
son projet, mais sans grand succès. Les ordinateurs étaient très
chers à l'époque et l'investissement n'était pas rentable.
Il passa les sept années suivantes à essayer de reproduire ce jeu
sur un ordinateur plus petit et moins cher. Quand le jeu fut
achevé, la version de "Spacewar" revue par Nolan Bushnell, qui
portait le nom de "Computer Space", ne se vendit pas. Frustré,
Nolan changea totalement sa perspective du design des jeux sur
ordinateur.
Plus tard, dans un interview, Nolan dira: "You had to read the
instructions before you could play, people didn't want to read
instructions. To be successful, I had to come up with a game
people already knew how to play; something so simple that any
drunk in any bar could play."
Début 1970, il quitte son job d'ingénieur à Disneyland (qu'il
qualifiera d'ennuyeux) pour la Silicon Valley pour travailler
chez Ampex. Il était bien décidé cette fois-ci à mener à bien son
projet.
Sa première réalisation fût de connecter des mini-ordinateurs sur
des télévisions pour pouvoir jouer à "Computer Space", la fameuse
version commerciale du jeu "Spacewar". Immédiatement, il comprit
que cette première évolution était à la fois trop complexe et
toujours trop chère pour la mettre dans des cafés.
Il quitta Ampex en 1971 et se remit au travail et loua les
talents d'un jeu ingénieur, Alan Alcorn, et lui demanda de
concevoir le jeu le plus simple possible: une balle rebondissant
entre deux raquettes. Mais plutôt que d'essayer d'en faire un jeu
beau graphiquement, ils recherchèrent plutôt d'en faire un jeu
avec une grande jouabilité. Bushnell crût, et à juste titre, que
le public serait plus attiré par un jeu dont les règles seraient
faciles à comprendre et d'une grande jouabilité que par un jeu
beau graphiquement mais compliqué. Bushnell et Alcorn passèrent
des jours et des jours à régler le mieux possible les mouvements
des raquettes et de la balle. Pour rendre le jeu un peu plus
attractif, ils y ajoutèrent du son: un petit "Pok" lors d'un
contact de la balle avec la raquette. Ils réduirent les règles du
jeu à seulement 6 mots: "Avoid missing ball for high score". Ce
qui signifie littéralement: "éviter de perdre la balle pour
obtenir le score le plus important".
Le jeu était si simple qu'il pouvait être jouer par un homme un
peu éméché avec une bière dans la main. Nolan Bushnell était très
satisfait du travail accompli. Et en Novembre 1972, le premier
jeu Pong, et donc la première borne d'arcade, fût installé dans
le bar d'Andy Capps à la Sunnyvale. En quelques jours, ce fût un
immense succès. La rumeur veut que la machine soit tombée en
panne quelques heures après son installation: le collecteur de
pièces était plein, ce qui faisait court-circuit.
Voici un extrait de "Zap! The Rise and Fall of Atari" par Cohen
qui raconte la première nuit de Pong dans le bar:
"One of the regulars approached the Pong game inquisitively and
studied the ball bouncing silently around the screen as if in a
vacuum. A friend joined him. The instructions said: 'Avoid
missing ball for high score.' One of [them] inserted a quarter.
There was a beep. The game had begun. They watched dumbfoundedly
as the ball appeared alternately on one side of the screen and
then disappeared on the other. Each time it did the score
changed. The score was tied at 3-3 when one player tried the knob
controlling the paddle at his end of the screen. The score was
5-4, his favor, when his paddle made contact with the ball. There
was a beautifully resonant "pong" sound, and the ball bounced
back to the other side of the screen. 6-4. At 8-4 the second
player figured out how to use his paddle. They had their first
brief volley just before the score was 11-5 and the game was over.
"Seven quarters later they were having extended volleys, and the
constant pong noise was attracting the curiosity of others at the
bar. Before closing, everybody in the bar had played the game.
The next day people were lined up outside Andy Capp's at 10 A.M.
to play Pong. Around ten o'clock that night, the game suddenly
died." (p.29)
Quelques mois plus tôt, le 27 Juin 1972, il fonda la société Atari
avec un investissement de départ de $250 ! Il prit pour associé
Ted Dabney. Parce qu'on lui avait prédit un échec rapide, Nolan
nomma sa compagnie Atari, qui signifie échec dans le jeu japonais
"Go" (un petit peu comme la phrase "échec et mat" aux échecs). Il
faillit lui donner le nom de "Syzygy", mais il était déjà pris
(heureusement pour nous !). Le logo d'Atari s'appelle le Fuji en
référence au mont Fujiyama à Tokyo.
La légende était en marche. Tous les étudiants fûrent accros à
Pong. En une semaine, les étudiants de l'université de Miami
mettèrent plus de 3000 pièces dans une machine. En un an, Atari
vendit 8500 machines.
Ce fût aussi le début d'une nouvelle mentalité dans l'industrie
très sérieuse de l'informatique. Les ingénieurs d'Atari
travaillaient très tard dans la nuit, en buvant beaucoup de
bières et en fumant quelques pétards. Ils avaient quelques fois
des journées de travail de 2 à 3 jours ! Beaucoup d'entres eux
étaient plus interressés par la haute technologie que par l'armée
et les bombes (nous sommes en pleine guerre du Vietnam).
Pour la petite histoire, le quarantième employé à entrer chez
Atari fût Steve Jobs qui, avec Steve Wozniak, créèrent le premier
prototype de l'Apple dans le garage de la famille Jobs quelques
mois plus tard (avec du matériel emprunté à Atari !).
Cependant, tout ne fût pas rose. En 1974, 20 différents jeux Pong
étaient disponibles sur le marché. Mais, Atari n'était
financièrement pas rentable. La société était au bord de la
faillite. Dès 1974, Nolan ordonna la création d'une console de
jeu pour jouer à Pong chez soi. Atari allait donc créer la
première console de jeux après avoir industrialisé les premières
bornes d'arcade: la mythique VCS 2600. Là aussi, le succès fût
immédiat, même si la plupart des gens ne savaient pas comment le
jeu fonctionnait. Son prix de vente fût de $99.
Mais dès 1976, Atari redevint déficitaire. Une nouvelle petite
puce électronique très performante et peu chère venait
d'apparaître: le microprocesseur se démocratise ! De plus, la
concurrence était de plus en plus vive. Pong devint très vite
obsolète. Les ingénieurs désesperaient de ne pouvoir mettre sur le
marché la première console de jeux programmable. Nolan dût se
résoudre à vendre Atari à la Warner Communication Inc. pour $28
millions. Beau bénéfice pour Nolan, mais surtout un nouveau
départ pour Atari. La Warner en effet investit beaucoup d'argent
dans Atari. Nolan resta pendant deux ans encore le patron
d'Atari. Un "patron bizarre" comme il se décrira lui-même.
Il quitta Atari en 1978 en homme riche mais déçu de voir qu'Atari
allait devenir sans lui une des sociétés les plus prospères des
Etats-Unis du début des années 80, grâce à la console VCS 2600
vendue à plus de 20 millions d'unités!
Mais la vie de Nolan Bushnell ne s'arrête pas la. Il crée Chuck E.
Cheese, une société de ventes de pizzas en 1978 ! Dans ces
magasins, on pouvait à la fois y manger une bonne pizza et jouer
à des jeux vidéos. Mais là aussi, après un excellent départ et de
bons bénéfices, il dût vendre en 1985 suite à des pertes de
plusieurs millions de dollars.
Depuis, Nolan a crée pas moins de 18 sociétés (Sente, Axlon, ...).
Il vendit tout pour acheter une société qui réalise des systèmes
de navigation pour voitures.
En 1983, il créa certainement la plus insolite: Androbots. Cette
société développa une série de petits robots pour chez soi.
A la fin des années 80, il est accueilli chez Commodore comme un
évangéliste pour la création et le lancement du CDTV, autrement
dit un Amiga 500 avec un lecteur de CDROM intégré. L'échec de la
machine, du à une cruelle absence de jeux, fut cuisant!
Son dernier projet en date: E2000. Il veut développer des bornes
d'arcade connectées sur Internet dans les bars américains. On
pourra ainsi jouer en réseau à plusieurs joueurs. Les premières
démonstrations ont été faîtes à Seattle début 1997.
Ce que l'on sait moins, c'est que Nolan a faillit racheter la Time
Warner Interactive (anciennement Atari Games, société différente
d'Atari Corporation, je le rappelle) à la Time Warner Company en
1996 pour démarrer ce projet. Mais, la Time Warner préféra vendre
à WMS. Ceci dit, Nolan travaillerait en ce moment avec WMS sur ce
projet. Certains disent même qu'à l'intérieur de ces bornes
d'arcades, on y trouverait la console de jeux Jaguar 64 bit créée
par Atari en 1993, sérieusement remaniée il est vrai, mais dont
les capacités techniques, notamment dans le domaine de la
communication, sont assez impressionnantes (elle possède un port
série 1 Mo/seconde).
Nolan Bushnell est maintenant un homme riche, possédant deux jets
privés, des voitures de luxe, quatre châteaux et un yatch
appellé... Pong.
Nolan Bushnell a été décrit comme un joueur qui gagne, perd et
rebondit. En fait, il explique que le business est le plus grand
et le meilleur de tous les jeux: il y a une grande complexité
dans l'affaire et un minimum de règles. C'est un personnage qui
fascine toujours les américains, car c'est l'exemple type du
"self made man" tant apprécié outre-Atlantique et, de plus, il a
créé une révolution technologique: la démocratisation de la haute
technologie et la création du premier jeu vidéo digne de ce nom.
D'ailleurs, ce génial précurseur est actuellement 5ème au
classement "Hall of Fame" de la Silicon Valley!
Aujourd'hui, il réside à Woodside avec sa femme Nancy et ses six
enfants.
Il reste donc pour beaucoup un homme d'idées mais un piètre
patron. Il a en effet perdu la direction de toutes les sociétés
qu'il a crée. Même sa fortune personnelle en a pris un coup ! Pour
tous les Ataristes, Nolan reste l'homme sympathique qui a créé la
légende Atari. Mais qui s'en souvient ?