La Culture de Kro$oft



Auteur: Laurent POULAIN
Dernière mise à jour: 19 mai 1997


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On ne présente plus la firme de Bill Gate$. Mais si tout le monde en a entendu parler, beaucoup moins de gens connaissent vraiment le numéro un du logiciel. Ce document parle dans sa première partie de la culture du géant de Redmond, et de sa stratégie Internet dans la seconde partie.


Kro$oft présente certaines particularités; défauts pour certains, qualités pour d'autres:


Le marché visé

La firme de Bill Gate$ a toujours traditionnellement cherché à s'imposer sur le marché de masse plutôt que le marché de luxe. Cela a commencé avec MS-Basic, et cela continue à une autre échelle avec Winzob NT attaquant les serveurs Unix par l'entrée de gamme.

Kro$oft cherche également à faire payer continuellement ses clients plutôt que de les faire payer une bonne fois pour toute. En effet, le géant de Redmond peu difficilement étendre son territoire actuel, possédant déjà un quasi-monopole du poste client. Pour grandir, il n'a que deux solutions: se trouver de nouveaux clients en s'attaquant à de nouveaux marchés ou refaire payer ses clients actuels. En toute logique, l'éditeur a décidé de faire les deux.

Ainsi, en plus de s'attaquer au marché du serveur et plus généralement à tout ce qui tourne autour d'Internet, Kro$oft affectionne particulièrement ces temps-ci les modes de paiement par "abonnement" et autres formes de paiement continuel. Par exemple, l'abonnement à MSDN (Micro$oft Developer Network) permet de recevoir pendant un an toutes les versions des systèmes d'exploitation de l'éditeur. Dans un autre secteur, le numéro un du logiciel a proposé à VISA une association, sa solution de commerce électronique à la main, avec en contrepartie un pourcentage sur les ventes effectuées sur le Web. Enfin, Kro$oft est en passe de faire payer une sorte d'impôt sur chaque PC vendu. En effet, lorsqu'on achète un PC à une grande marque, on a toutes les chances de payer également une licence de Winzob [95 ou NT] (et parfois même d'Orifice), que l'on possède déjà Winzob ou pas.

Dernier moyen en date pour refaire payer ses clients: le NetPC. Déjà, celui-ci nécessitera "une modification de la carte-mère". Autrement dit, toutes les entreprises devront remplacer leurs PC par du nouveau matériel, ce qui signifie donc racheter une nouvelle licence de Winzob que Kro$oft ne manquera pas de faire livrer en standard (on remarquera de même qu'Intel n'est pas perdant dans l'affaire). De plus, du fait que le NetPC télécharge automatiquement du serveur les nouvelles versions des produits, celui-ci connaît exactement le nombre de copies téléchargées. On peut alors imaginer un système où le serveur n'accepte d'installer que le nombre de licences payées, empêchant ainsi les entreprises d'utiliser une même licence d'Orifice en le partageant sur un serveur, comme cela se fait actuellement.


Une ténacité hors pair

Une des forces historiques de la firme de Redmond est sa persévérance admirable. En effet, Kro$oft a toujours imposé ses produits du fait de son acharnement et de sa ténacité. Avant de conquérir un marché, le numéro un du logiciel a bien souvent essuyé deux ou trois cuisantes défaites.

En 1981, lorsqu'IBM rechercha un partenaire pour fournir à son PC un système d'exploitation Bill Gate$ n'avait alors pas de produit prêt sous la main (mais en trouva un en un temps record). De son côté, Digital Research, qui avait pourtant un système déjà prêt (CP/M) ne crut pas au PC. On connait la suite...

Un autre exemple est celui de Winzob. Lancé en 1985, Winzob 1.0 fut un flop, ainsi que Winzob 2.0. Winzob 3.0 commença à remporter l'adhésion et Winzob 3.1 rencontra le succès qu'on lui connaît (ne parlons pas de Winzob 95). Mais le géant de Redmond persévéra, encore et encore pour arriver à ce résultat.

Quand un produit ne marche pas, Kro$oft sort une nouvelle version en l'améliorant du mieux possible, jusqu'à rencontrer le succès. C'est de cette manière que le numéro un du logiciel a réussi à rencontrer le succès avec Winzob, OLE, Internet Explorer, etc... La règle générale est de ne jamais abandonner un produit. Même boiteux, un produit ou une technologie ne seront jamais abandonnés totalement par Kro$oft qui les replacera à la première occasion (après un lifting dans la plupart du temps).

La persévérance est sans doute la principale qualité qui amena Bill Gate$ là où il est (qu'on soit pro ou anti-Kro$oft, on ne peut pas appeler cela un défaut).


Devenir le numéro un, par n'importe quel moyen

Etre numéro deux n'est pas suffisant pour Bill Gate$. Dès qu'il s'attaque à un nouveau marché il y met toutes ses forces afin de ne pas rester longtemps challenger.

Et une des méthodes de Kro$oft pour y arriver est de freiner ses concurrents, et pas toujours d'une manière très loyale ni légale. En effet, le géant de Redmond est connu par la justice américaine pour de nombreuses actions illégales:


Comme on le voit, le géant de Redmond ne s'est pas privé pour faire de nombreuses actions illégales, et la justice américaine se penche régulièrement sur les pratiques de ventes de la firme de Bill Gate$.

Plus récemment, la tactique du géant de Redmond (tout à fait légale, cette fois) consiste à proposer une licence OEM un peu spéciale aux vendeurs de PC. Contre une baisse du prix de licence, les vendeurs de PC peuvent installer en standard Winzob. Par contre, ils doivent impérativement livrer Winzob avec chaque PC qu'ils vendent. Une manière comme une autre d'écarter la concurrence.


Imposer d'abord sa plate-forme

La plate-forme est, outre un marché traditionnel pour le numéro un du logiciel, une position stratégique. Et un marché-clé de la vente de système d'exploitation est le marché des licences OEM.

Même si une licence OEM rapporte moins d'argent à Kro$oft, cela lui permet, outre le fait de lui assurer une vente d'une licence à chaque achat de PC, "d'empêcher" l'utilisateur d'installer des produits concurrents tels qu'OS/2 ou ... Winzob 3.1. Dernière contrainte des licences OEM en date, l'impossibilité pour le vendeur de PC de modifier quelque écran que ce soit avant le chargement complet du système d'exploitation. Tans pis pour les vendeurs comme Compaq qui aimaient afficher leur logo à côté de celui de Winzob. Et tant pis pour Netscape dont un futur produit a pour ambition de concurrencer le tandem Explorer/Internet Explorer de Winzob, et qui n'aura donc pas sa place dans le monde OEM.

Afin de favoriser les ventes de ce type de licence, l'éditeur propose, en plus d une réduction du prix (fait non négligeable en ces temps où les prix sont si souvent serrés) la dernière version de Winzob 95 uniquement en version OEM.


S'appuyer dessus pour faire gagner ses normes et ses produits

Une fois son système d'exploitation en position, le géant de Redmond l'utilise comme point d'appui pour pousser ses normes et ses autres produits.

Le tout est extrêmement bien coordonné. Dès que la firme de Bill Gate$ sort une norme, celle-ci est automatiquement supportée par tous les produits Kro$oft concernés. Le système d'exploitation, possédant une base installée confortable, aide la norme à s'imposer et les autres produits à attaquer leur marché. Pour peu que les concurrents ignorent les nouveaux standards Kro$oft, les produits du géant de Redmond ont toutes les chances de gagner du terrain.

Par exemple, lors du temps de MS-Dos, le marché de la bureautique était dominé par Lotus et WordPerfect. Mais les deux éditeurs manquèrent la vague Winzob (que l'on pourrait considérer comme une norme pour MS-Dos) au profit de Kro$oft qui imposa Winword et Excel.

Evidemment, les normes concurrentes (ou même les standards) ne sont que très rarement supportés par le géant de Redmond et les produits concurrents tout simplement ignorés. Cela permet de pousser le client à acheter une solution tout-Kro$oft.

Et c'est parce que le marché des plates-formes est stratégique que Kro$oft veut à tout prix imposer son browser et serveur Web, ces deux produits représentant la plate-forme du monde Internet.


Kro$oft et les autres entreprises

L'attitude du géant de Redmond face aux autres entreprises, si elle est toujours constante, dépend du type de société rencontrée. Ainsi,


Le dernier point est une des caractéristiques importantes de la firme de Bill Gate$: il est très difficile de traiter d'égal à égal avec le numéro un du logiciel. Ceci est sûrement dû à ce que j'appellerai le syndrome IBM.

Il n'y a pas si longtemps, Kro$oft est passé du rang de fidèle lieutenant du tyran d'alors (à savoir IBM) au rang de tyran à la place du tyran. Quand on succède à un dictateur et que l'on est un tant soit peu intelligent (et Dieu sait qu'il y a des personnes intelligentes au sein de Kro$oft), la première chose que l'on fait est d'analyser les erreurs de son prédécesseur afin de ne pas les reproduire. Et les erreurs d'IBM sont de ne pas avoir su garder sous sa coupe ses lieutenants, et - faute encore plus grave - d'avoir laissé entre leurs mains des technologies-clés (à savoir le système d'exploitation et le processeur).

Dans ses conditions, on comprend mieux l'attitude de Kro$oft vis-à-vis des autres sociétés: il faut les vassaliser afin de mieux les contrôler. En on comprend d'autant mieux la haine envers Netscape: il n'est pas question de laisser une technologie-clé dans les mains de quelqu'un d'autre. Alors qu'il aurait été si facile de vassaliser Netscape (qui n'attendait que ça), il vaux mieux le couler aujourd'hui afin d'éviter qu'il ne devienne un danger demain.

De même que Louis XIV contrôla les membres de sa cour (qui représentaient plus une menace pour lui que le peuple) en les apprivoisant à coups de privilèges, Bill Gate$ apprivoise le monde de l'informatique (qui représente un danger potentiel, alors que pour ce qui est de l'utilisateur final, Kro$oft sait comment s'y prendre) en lui vendant ses privilèges sous forme de labels estampillés Kro$oft: licences OEM, logos "Optimisé pour Winzob 95", "Kro$oft Solution Provider" et autres certifications "Kro$oft Certified Professional". Il y a un label pour chaque catégorie du monde informatique, du développeur au constructeur d'ordinateurs.

En plus de se faire de l'argent rien que de cette manière, le géant de Redmond durcit petit à petit les conditions pour garder ces privilèges. Ainsi, les licences OEM sont de plus en plus contraignantes, le logo "Kro$oft Solution Provider" réclame maintenant un certain nombre de personnes agrées MCP, on empêche les développeurs d'étudier des technologies concurrentes en sortant toujours plus de nouvelles normes et d'APIs, etc...


Un Marketing très puissant

Cette force, bien que venue plus tardivement, se révèle être un formidable atout dans le jeu de Kro$oft. Il n'y a qu'à voir le battage médiatique autour de Winzob 95, et plus récemment d'Orifice 97 pour s'en convaincre.

Kro$oft a toujours clamé avoir toujours fourni des produits dont les utilisateurs avaient besoin. En réalité, le géant de Redmond arrive tout simplement à faire croire aux utilisateurs qu'ils ont besoin de ses produits. La plupart des utilisateurs ignorant totalement leurs besoins (ce qui est d'ailleurs tout à fait normal), c'est celui qui criera le plus fort qui fera entendre sa raison. Et Kro$oft ne manque pas de puissance pulmonaire.


Kro$oft: de fieffés menteurs

Une des manies les plus agaçantes du géant de Redmond est celle de constamment mentir au public. A croire que ce sont des menteurs invétérés. Quand une compagnie vante son produit sur la base d'arguments subjectifs tels que "révolutionnaire", "qui va faire exploser la productivité", etc... cela s'appelle du marketing. Mais quand elle commence à mentir sur des faits indiscutables tels que des spécifications techniques, cela s'appelle bel et bien du mensonge.

Quand Kro$oft présenta Winzob 95, il le présenta comme "n'ayant plus aucun lien avec MS-Dos". Au dire du géant de Redmond, Winzob 95 était complètement réécrit et ne faisait qu'émuler MS-Dos. Lorsque, l'année suivante, des voix s'élevèrent pour dire que Winzob 95 était bel et bien une surcouche de MS-Dos et que Kro$oft leur avait menti, l'excuse du numéro un du logiciel fut que "sinon, les gens ne l'auraient pas acheté". Trouverait-on normal que quelqu'un vende une 2 CV recarossée en Testarossa en la vendant pour une véritable Ferrari pour prétexte que "sinon, personne ne voudrait l'acheter" ?

Autre exemple, la faible différence entre Winzob NT Workstation et Winzob NT Server. Il s'est avéré que les deux produits, bien qu'ayant des prix fort différents, sont quasiment les même. C'est Winzob NT qui, au moment du démarrage, détermine s'il est un une version Workstation ou Server et prend un comportement différent amenant à des performances différentes. Dans cette affaire, le géant de Redmond n'est pas condamnable du point de vue technique. Après tout, une licence mono ou multiposte se base bien exactement sur le même logiciel. Ce qui est par contre condamnable est que le géant de Redmond fasse croire que les produits ne sont pas les même. Le numéro un du logiciel fait croire qu'en vendant Winzob NT Server plutôt que Winzob NT Workstation, il vend un produit différent alors qu'en fait il ne vend qu'une licence différente.

Dans ces deux cas, Kro$oft ne joue pas franc jeu avec ses clients et cache sous des mensonges techniques une stratégie de licence dont il semble avoir honte de dévoiler au grand jour.


Kro$oft est-il le diable ?

Au vu des nombreuses pratiques pas toujours très glorieuses du géant de Redmond, on pourrait se demander si Kro$oft n'est pas l'enfer et Bill Gate$ le diable. La réponse est oui et non. Oui, car le numéro un du logiciel est un véritable dictateur et nombreuses sont les compagnies se plaignant de son joug. Non dans la mesure où il est loin d'être le seul.

En effet, tous les géants informatiques se comportent en tyrans. A commencer par IBM, qui pendant longtemps a écrasé ses clients de tout son poids et de toute son arrogance (c'est d'ailleurs ce qui a entraîné sa chute avec le PS/2). La réputation d'Oracle, autre mastodonte du monde informatique, n'est pas meilleure. A chaque nouveau géant on découvre un nouveau dictateur qui fait tout pour garder son trône et s'agrandir. Mais est-ce unique au monde informatique?

Un exemple plus récent est celui de... Netscape! Si, à première vue, cela peut surprendre, Netscape a bel et bien une mentalité de dictateur. En effet, on retrouve toutes les composantes caractéristiques: création de ses propres normes propriétaires "améliorant" les normes existantes, refus de supporter les normes concurrentes, délires mégalomanes. Ainsi, les plugs-ins de Netscape Navigator ont les mêmes inconvénients que les contrôles ActiveX de Kro$oft: ils sont aussi peu sécurisés et aussi peu portables. Une phrase très révélatrice du PDG de Netscape est la suivante: "je vois de la place pour deux Kro$oft, et je veux être le deuxième". Si Netscape n'est pas plus tyrannique qu'il ne l'est, c'est tout simplement parce qu'il ne peut pas se le permettre.

La seule différence entre Kro$oft et les autres dictateurs serait peut-être l'agaçante manie qu'a le géant de Redmond de faire peu d'erreurs, et de se rattraper très vite quand il en fait une. Ainsi, Bill Gate$, tout mégalomane qu'il soit (mais, à son niveau, qui ne le serait pas), a bien plus les pieds sur terre que quelqu'un comme Larry Ellison (Oracle), qui a prouvé son incapacité à diriger une compagnie à tel point qu'il s'est fait écarté de la direction.




La Stratégie Internet de Kro$oft




Le numéro un du logiciel n'a réalisé que tardivement l'importance d'Internet. En effet, pendant longtemps, Bill Gate$ ne daignait pas s'intéresser au réseau des réseaux. Internet était à l'opposé de la culture de Kro$oft, tant sur le point de vue informatique (Internet était un réseau dominé par le monde Unix alors que Kro$oft était traditionnellement attaché au PC seul) que d'un point de vue habitudes (Bill Gate$, considérant Internet comme un réseau gratuit, disait: "Il n'y a pas d'argent à s'y faire. En quoi est-ce un marché intéressant?"). Il a fallu que deux personnes arrivent à lui faire comprendre qu'il était nécessaire pour Kro$oft de ne pas oublier le marché Internet pour que le géant du logiciel daigne se tourner vers le Web. Mais à quelle vitesse.


La guerre des Nets

Il était évident que si Kro$oft s'attaquait à un nouveau marché, il fallait qu'il en devienne rapidement le leader. Fort de son succès dans le monde du PC, le géant de Redmond a d'abord attaqué Internet avec sa tactique habituelle: proposer ses propres solutions propriétaires et ignorer les solutions existant déjà. Ainsi, MSN (Micro$oft Network), réseau propriétaire, fut présenté comme le successeur d'Internet.

Mais Kro$oft fit la même erreur avec MSN qu'IBM lorsque celui-ci présenta son PS/2 au monde du PC: il présenta un produit propriétaire à un monde grisé par l'absence de standard, sans se soucier du fait que sa base installée était nulle.

Le résultat fut le même que pour IBM: un échec retentissant. Alors qu'il était présenté comme le fossoyeur d'Internet, MSN ne présenta pas le succès escompté et fut loin derrière les géants visés, à savoir AOL et Compuserve.


L'empire Kro$oft contre-attaque

Mais si cette première manche fut un revers pour Kro$oft, celui-ci revint très vite à la charge. Six mois plus tard, l'idée de réseau propriétaire était abandonnée, et une stratégie diamétralement opposée était sur pied, soutenue par l'annonce d'une armée de logiciels destinés à Internet.

Il est intéressant de noter que cette nouvelle stratégie vint totalement à l'encontre de la culture de Kro$oft, qui nous avait habitué à tout sauf à abandonner ses idées sans (presque) livrer bataille, se tourner vers des normes externes, licencier des technologies externes (comme ce fut le cas avec Java) et fournir des logiciels gratuitement (pour ce dernier point, le premier qui eu une telle idée chez Kro$oft fut d'ailleurs traité de communiste par Bill Gate$).

Cet épisode montre une autre force du géant de Redmond : une capacité à s'adapter hors du commun. Alors qu'IBM mit des années à passer de l'idéologie PS/2 à celle du PowerPC, Kro$oft ne mit que six mois pour effectuer un virage à 180 degrés et proposer des choix qu'on pourrait qualifier de contre-nature.


Chasse ton naturel, il reviendra au galop

Si les mouvements du géant de Redmond semblent à priori inhabituels, et si la firme de Bill Gate$ semble s'être racheté une conduite en faisant une croix sur un passé pas toujours très glorieux, elle ne s'est pas pour autant débarrassé de ses anciennes habitudes.


Les logiciels gratuits

C'est un fait incontestable, Kro$oft distribue des logiciels gratuitement. Mais il faut bien voir que dans la manoeuvre, le géant de Redmond espère bien se récupérer en vendant plus de licences de Winzob.


Renoncer à ses produits

Si Kro$oft a renoncé à MSN sous sa forme initiale, il n'a pas renoncé à devenir numéro un des services en ligne, bien au contraire. Ainsi, MSN en est à sa troisième forme. On retrouve ici l'acharnement de Kro$oft à devenir le leader des marchés auxquels il s'attaque.

Autre exemple, ActiveX, la technologie Internet de Kro$oft, est basée sur... OLE. Une fois de plus, Kro$oft replace ses technologies dès qu'il en a l'occasion.


Adopter des standards externes

C'est sans doute le point sur lequel Kro$oft a le plus changé. Mais si le géant de Redmond a bel et bien licencié Java et s'est mis aux standards d'Internet, on peut remarquer un retour discret aux bonnes vieilles habitudes. Sa nouvelle politique, "embrace and extend" l'illustre très bien. La nouvelle stratégie est d'accepter les standards Internet (embrace), de faire oublier son image peu glorieuse au sein du monde Internet. Cela permet de pousser ses "améliorations" d'Internet (extend), améliorations bien évidemment liées à la plate-forme Winzob.

Ainsi, alors qu'il y quelque temps, Kro$oft aurait parlé de Java dans des termes peu flatteurs, voire en l'ignorant carrément ("Java? Soyons sérieux! Regardez plutôt ActiveX et Winzob"), le discours a depuis radicalement changé ("Java? Comme vous avez raison! Ca tombe bien, il se trouve que nous sommes les spécialistes de Java et que Winzob est LA meilleure plate-forme pour Java"). Le grand changement ici est que Kro$oft reconnaît une technologie externe, ce qui ne l'empêche pas d'essayer de lier le succès de Java à celui de Winzob.


Quel avenir Bill Gate$ réserve-t-il à Internet ?

On parle beaucoup d'ActiveX comme cheval de bataille de Kro$oft pour s'attaquer à Internet. Mais quand on pense à ActiveX on pense automatiquement aux contrôles du même nom, répliques de Kro$oft aux applets Java. Mais ActiveX regroupe en fait tout un tas de normes, dont:


Outre le fait que ces technologies vissent la partie client du Web à la plate-forme Winzob (il ne faut pas se leurrer, la portabilité d'ActiveX est une fable), une fois combinées, elles font bien plus que cela. Etudions les diverses technologies de l'éditeur mises bout à bout:

  1. Avec Winzob 97, Explorer (le gestionnaire de fichiers) et Internet Explorer (le browser Web) fusionnent pour donner une interface unique à travers laquelle l'utilisateur accède indépendamment aux fichiers locaux ou aux fichiers Web. Il visualise les pages Web via ce super-Explorer et les autres fichiers avec des visualiseurs tiers.
  2. Grâce à DocObject, l'utilisateur peut visualiser des documents autres que des pages HTML à l'intérieur même de son browser Web, pourvu que le visualiseur tiers soit un serveur DocObject. Comme par hasard, c'est le cas des programmes d'Orifice 95 (oui, oui, je parle d'Orifice 95 et pas d'Orifice 97), ainsi que leurs visualiseurs respectifs gratuit et disponibles sur Internet. Ainsi, l'utilisateur visualise à l'aide de son super-Explorer les pages HTML, les (s'il a pris soin de télécharger leurs visualiseurs respectifs) ainsi que tout document géré par un serveur DocObject. Les autres documents sont visualisés par des programmes séparés.
  3. Grâce à OLE Hyperlinking, un document géré par un serveur DocObject peut créer ses hyperliens, permettant ainsi une navigation entre divers documents DocObject au sein du super Explorer. La navigation du Web s'effectue non plus parmi des pages HTML mais parmi des documents DocObject. Une page HTML n'est plus vue comme un standard mais comme un document parmi d'autres et dont le serveur DocObject est le super-Explorer lui-même.
  4. D'un autre côté, un contrôle ActiveX ou un document DocObject peuvent communiquer directement avec une application serveur via DCOM, shuntant du même coup le serveur Web (présent habituellement entre les deux).
  5. Avec ActiveX scripting et DCOM, une page HTML peut faire de même. Le protocole HTTP ainsi que le serveur Web ne deviennent plus des technologies incontournables.

Comme on le voit, le but d'ActiveX est de vassaliser - encore une fois - le Web, trop souple pour être sans danger pour le géant de Redmond. Le but n'est pas de faire disparaître HTML et HTTP, mais de les destituer de leur statut de standards incontestables du Web au profit de la plate-forme Winzob.


Kro$oft sort de l'informatique

Conscient que ce n'est pas seulement avec du logiciel qu'il pourra discuter sur un pied d'égalité avec des géants tels les opérateurs télécom, Bill Gate$ sort du domaine strictement informatique pour s'attaquer à deux nouveaux marchés: celui du contenu et des télécoms.

En effet, Bill Gate$ est le plus gros détenteur d'oeuvres d'art du monde. De plus, le géant de Redmond collectionne les alliances avec des acteurs du contenu reconnus. C'est ainsi que, par exemple, Kro$oft et NBC ont crée le site Web MSNBC.

Dans le domaine des télécoms, la partie est un peu plus difficile. En effet, devenir un acteur télécom majeur ne s'improvise pas, même à coup de milliards de dollars. Cependant, si à première vue le rêve de Bill Gate$ (à savoir posséder son propre réseau mondial constitué de satellites) peut sembler fou, il vaut mieux se garder de toute conclusion hâtive avec le numéro un du logiciel. Cependant, il faudra quand même que Bill Gate$ compose avec d'autres partenaires, car posséder son réseau mondial requiert des compétences et une expérience qu'il est loin d'avoir.

Quoi qu'il en soit, une fois de plus, Kro$oft sait sortir de son marché traditionnel pour s'étendre sur d'autres segments-clé, contrairement à bien de ses concurrents.


Bill Gate$ va-t-il conquérir le monde ?

Kro$oft a de bons atouts dans ses manches: une persévérance et une agressivité redoutables, une très bonne coordination, un marketing terriblement efficace, et une rapidité d'adaptation impressionnante; sans compter une base installée grandissante. Mais est ce que tous ces atouts seront suffisants pour que Bill Gate$ impose sa vision au monde Internet?

S'il est trop tôt pour dire qui va gagner et qui va perdre, on peut d'ors et déjà diviser le marché en deux: le marché de l'entreprise et le marché grand public.

Le marché grand public est un créneau où Kro$oft excelle, car le battage médiatique fait autour de son nom, de ses produits et de son PDG font que les gens penseront d'abord Kro$oft. Mais l'éditeur aura du fil à retordre s'ils préfèrent être reliés au Web par la WebTV plutôt que par un PC ou un NetPC. En effet, il sera beaucoup plus difficile d'intégrer la technologie ActiveX à la WebTV sans faire monter les prix de celle-ci. Et dans ce secteur, Netscape a une longueur d'avance en ayant des partenariats avec les trois géants de la console de jeux, à savoir Nintendo, Sega et Sony. Mais un facteur très important sur ce marché sera l'effet de mode.

Sur le marché de l'entreprise, Kro$oft va une fois de plus s'appuyer sur ses positions fortes, à savoir le poste client, pour imposer ses normes et attaquer des positions moins bien tenues. Mais, là encore, la partie n'est pas encore jouée. Après tout, si Netscape a perdu des parts de marché depuis l'arrivée d'Internet Explorer 3.0, il reste quand même largement majoritaire avec 70% du marché du browser Web. De plus, le géant de Redmond a pas mal de cadavres dans ses placards, et nombreuses sont les entreprises qui rêvent de remettre Bill Gate$ à sa place (une partie de l'engouement autour de Java est dûe à cette considération).


La guerre des normes

Un fait nouveau qui bouleverse les règles du jeu est l'arrivée des contrôles ActiveX et des plug-ins Netscape permettant d'ajouter des fonctionnalités à respectivement Internet Explorer et Navigator. Cela implique que Kro$oft et Netscape n'ont plus le contrôle des normes supportées leur browser Web.

Par exemple, Sun développe actuellement WebNFS afin de pallier les faiblesses du protocole HTTP. Comme il est peu probable que Kro$oft implémente WebNFS dans Internet Explorer (développant de son côté sa propre norme destinée à remplacer HTTP), Sun peut tout à fait sortir un contrôle ActiveX implémentant cette possibilité pour Internet Explorer, au grand dam de Kro$oft.

La stratégie qui consistait à ne pas supporter la norme adverse n'est plus possible.

Et bien que cette tactique fut une des favorites de Kro$oft, une fois de plus, la firme de Bill Gate$ a sut réagir très vite, et a annoncé un plug-in pour Navigator qui court-circuite la Java Virtual Machine de celui-ci. Ceci implique que les applets Java lancées par le browser de Netscape son exécutées en toute transparence par la JVM de Winzob, celle-ci "étant nettement plus optimisée". Cette ruse permet à Kro$oft de développer sa propre norme Java en étant sûr qu'elle est supportée par Navigator, quoi que fasse Netscape.


Conclusion

Qui des deux clans (Kro$oft et Intel d'un côté, leurs opposants regroupés autour de Netscape de l'autre) va gagner, il est encore trop tôt pour le dire. On n'est même pas sûr que l'un des deux clans arrive à déstabiliser l'autre. En effet, il est quasiment impossible que Netscape mette la clé sous la porte tellement il est soutenu par des géants comme Oracle ou Sun; et on voit mal comment la percée de Kro$oft pourrait être inversée. Mais après tout, un oligopole ne vaut-il mieux pas qu'un monopole de l'un ou l'autre des clans?


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