Hommage à Pierre Desproges
Chroniques de la Haine Ordinaire
19 février 1986
Un critique de films, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge
point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait
dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y
pourrissent, je n'enfermerais pas mes harengs, un critique de
films, disais-je donc avant de m'ensabler dans les méandres
sournois de mes aigreurs égarées entre deux virgules si éloignées
du début de ma phrase que voilà-t-il pas que je ne sais plus de
quoi je cause, un critique de films écrivait récemment, à propos,
je crois, d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les
guillemets avec des pincettes :
" C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. "
Je dis merci.
Merci à toi, incontinent crétin justement ignoré, merci d'avoir fait sous toi, permettant ainsi à l'humble chroniqueur radiophonique quotidien de trouver matière (je pèse mes mots) à entretenir sa verve misanthropique que les yeux tendres des enfants et la douceur de vivre en ce pays sans barreaux aux fenêtres des dictateurs en fuite font encore trop souvent chanceler. (C'est la verve qui chancelle.)
Merci, sinistrissime ruminant, pour l'irréelle perfection de ta bouse, étalée comme un engrais prometteur sur le pré clairsemé de mon inspiration vacillante où je cherchais en vain ce soir les trèfles à quatre griffes de ma haine ordinaire qui s'épanouit jour après jour au vent mauvais qui l'éparpille sur 1 852 mètres grandes ondes avant la publicité pour le GAN et l'UAP et le journal de Patrice Bertin, mais pour écouter dans les tunnels essayez la FM...
Relisons ensemble cette sentence digne de figurer au fronton du mausolée à la gloire du connard inconnu mort pour la transe :
" C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. "
D'abord, je passerai sur l'écrasante fadeur du lieu commun. On a justement mis le doigt récemment sur l'immense ennui distillé à longueur de discours par la fameuse langue de bois des politichiens et des politi-cons. Mais tirez donc celle de certains journalistes, et vous verrez qu'elle est chargée : " On se perd en conjectures sur les causes de l'accident, et on murmure dans les milieux généralement bien informés qu'on laisse entendre de source sûre, mais devant l'amas de tôles froissées et de poutres calcinées l'innocente victime ne fait que répéter "C'est affreux, c'est affreux " , et gageons que cette soirée n'engendrera pas la mélancolie. " Nous y revoilà.
Je sens qu'ils vont bien dormir au sommet de la francophonie.
Ce qui (sans génie, je vous l'accorde) me fait bouillir, c'est qu'un cuistre ose rabaisser l'art, que dis-je, l'artisanat du rire au rang d'une pâlotte besognette pour façonneur léthargique de cocottes en papier.
Qu'on me comprenne. Je ne plaide pas pour ma chapelle. D'ailleurs, je ne cherche pas à vous faire rire, mais seulement à nourrir ma famille en ébauchant, ici, chaque jour, un grand problème d'actualité : ceci est une chronique qui n'a pas d'autre prétention que celle de me faire manger.
Mais qui es-tu, zéro flapi, pour te permettre de penser que le labeur du clown se fait sans la sueur de l'homme ? Qui t'autorise à croire que l'humoriste est sans orgueil ? Mais elle est immense, mon cher, la prétention de faire rire. Un film, un livre, une pièce, un dessin qui cherchent à donner de la joie (à vendre de la joie, faut pas déconner), ça se prépare, ça se découpe, ça se polit. Une oeuvre pour de rire, ça se tourne, comme un fauteuil d'ébéniste, ou comme un compliment, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire avec ce trou béant dans ta boîte crânienne...
Molière, qui fait toujours rire le troisième âge, a transpiré à en mourir. Chaplin a sué. Guitry s'est défoncé. Woody Allen et Mel Brooks sont fatigués, souvent, pour avoir eu, vingt heures par jour, la prétention de nous faire rire. Claude Zidi s'emmerde et parfois se décourage et s'épuise et continue, et c'est souvent terrible, car il arrive que ses films ne fassent rire que lui et deux charlots sur trois. Mais il faut plus d'ambition, d'idées et de travail pour accoucher des Ripoux que pour avorter de films foetus à la Duras et autre déliquescences placentaires où le cinéphile lacanien rejoint le handicapé mental dans un même élan d'idolâtrie pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la merde.
Pauvre petit censeur de joie, tu sais ce qu'il te dit monsieur Hulot ?
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
Le saviez-vous ?
Les hémorragies cérébrales sont moins fréquentes chez les amateurs
et les joueurs de football que chez le reste de la population. Les
cerveaux aussi.
L'amanite phalloïde a mauvaise réputation. C'est pourtant l'un des
rares champignons qui soit capable d'abréger les souffrances des
myopathes.
Ce n'est pas parce qu'elle était stérile que la reine Fabiola ne
s'est jamais reproduite. C'est parce qu'elle préférait ne pas
avoir d'enfant du tout plutôt que de pondre un Belge.
Depuis l'affaire Dreyfus, il y a beaucoup moins de Juifs, mais
toujours autant de cons, dans l'armée française.
La femme des uns fait le bonheur des autres.
Quequette en juin, layette en mars.
Qui baise en août pond en mai.
L'ennemi, c'est comme le sexe. Faut tirer dessus de temps en temps
pour avoir la paix.
Bien mal au cul ne profite jamais.
Noël au scanner, Pâques au cimetierre.
Bien que la coutume en soit follement désopilante, il est très mal
élevéd'accrocher des poissons d'avril dans le dos des petits
myopathes.
Par un décret de la Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique, les
Nègres ont le droit de monter dans les autobus. Accessoirement,
les autobus n'ont plus le droit de monter sur les Nègres.
Coment devons-nous nous tenir à table ?
A table, nous ne devons pas mettre nos coudes, ni notre cousine.
Conseil aux centenaires : dépêchez-vous !
Ne dites pas : "Sale Juif". (150.000 F d'amende, 6 mois de prison
ferme, article 33 du code pénal).
Dites : "Juif" tout court : ce n'est pas considéré comme une
insulte.
"Ne faites pas à autrui ce que vous pouvez faire le jour
même."(Francis Blanche)
"L'intelligence,c'est comme un parachute, quand on n'en a pas on
s'écrase."(Coluche)
"Les pédés,ça ne se reproduit pas et pourtant il y en a de plus
en plus."(Coluche)
"Le Bois de Boulogne est le seul endroit où, quand tu donnes un
coup de pied dans un buisson, il te le rend."(Popeck)
"Je suis allé à Lourdes avec ma femme. Il n'y a pas eu de
miracle, je suis revenu avec."
"On prend les femmes pour ce qu'elles ne sont pas, et on les
laisse pour ce qu'elles sont."(Serge Gainsbourg)
"La connerie est la décontraction de l'intelligence."(Serge
Gainsbourg)
Staline, parlant d'armes atomiques : "La France, combien de
tondeuses? "
Si tous ceux qui n'ont rien n'en demandaient pas plus, il serait
bien facile de contenter tout le monde.
Pour être politicien, cinq ans de Droit, tout le reste de travers.
Un pays neutre, c'est un pays qui ne vend pas d'arme à un pays en
guerre, sauf si on paie comptant.
L'amour rend fou. Il n'y a que la guerre qui Rambo.
La police, c'est un refuge pour les alcooliques qu'on n'a pas
voulu à la SNCF et aux PTT.
Vous savez ce que c'est un spermatozoïde avec un attaché-case?
C'est un représentant de mes couilles.
Yannick Noah rechigne toujours à monter au filet parce que ça lui
rappelle sa capture.
Gynécologue, c'est un métier accessible aux sourds. En effet il
n'y a rien à entendre et on peut lire sur les lèvres.
Je suis capable du meilleur et du pire, mais dans le pire, c'est
moi le meilleur.
Faire l'acteur, faut pas déconner, c'est quand même mieux que
d'aller à l'usine.
Maintenant, j'arrive enfin à dépenser le pognon que je gagne.
C'est pas tout de gagner un milliard par an, il faut encore le
dépenser...
Alunissage
Du latin luna, la lune, et du préfixe a, très joli également.
Procédé technique consistant à déposer des imbéciles sur un rêve
enfantin. Les accessoires utiles à l'alunissage, outre les
imbéciles, sont :
1. La fusée, sorte de véhicule autopropulsé comportant de nombreux
aménagements sophistiqués.
2. La terre, pour partir.
3. La lune, pour témoin.
Fin 1984, on évaluait à un, environ, le nombre des alunissages.
L'Union Soviétique, pourtant surdéveloppée techniquement puisqu'on
y produit en moyenne chaque année une chaussure de pointure 42 et
une bombe thermonucléaire par habitant, n'a jamais procédé au
moindre alunissage. Il faut voir, dans cette attitude
antiscientifique de l'URSS, une volonté de respecter les rêves des
enfants, qui ne manquera pas de surprendre, venant d'un pays dont
le but idéologique avoué est d'établir une société comprenant plus
de censeurs que de censurés, sans brûler les juifs.
Bleu
Qui est d'une couleur voisine du rouge, mais pas très : un ciel bleu, des yeux bleus, les flots bleus, une Opel Kadett bleue. Fig. Bouch. : un steak bleu : s'emploie pour désigner un steak rouge. Fig. Mar. : bizut; "Faut pas me prendre pour un bleu" (Rackham Le Rouge).
Directeur
Du latin di, la première porte, et rectus, à droite. Depuis
l'aurore de l'humanité, et jusqu'à la semaine prochaine si les
troupes du pacte de Varsovie ne se foutent pas sur la gueule avec
celles de l'OTAN, le mot "directeur" a toujours désigné un
personnage important. Alors qu'une blanche vaut deux noires, un
directeur vaut douze Berrichons au moins.
On ne dit pas "un petit directeur", on dit "un chef de rayon". On
ne dit pas "un grand directeur", on dit "un chef de diamètre".
Il y a en moyenne beaucoup plus de directeurs dans une
administration que dans un orchestre de jazz.
Le féminin de directeur est "la femme du directeur".
Judaïsme
Religion des juifs, fondée sur la croyance en un Dieu unique, ce qui la distingue de la religion chrétienne, qui s'appuie sur la foi en un seul Dieu, et plus encore de la religion musulmane, résolument monothéiste.
Pangolin
Du malais panggoling, qui signifie approximativement pangolin.
Mammifère édenté d'Afrique et d'Asie couvert d'écailles cornées,
se nourrissant de fourmis et de termites.
Le pangolin mesure environ un mètre. Sa femme s'appelle la
pangoline. Elle ne donne le jour qu'à un seul petit à la fois, qui
s'appelle Toto.
Le pangolin ressemble à un artichaut à l'envers avec des pattes,
prolongé d'une queue à la vue de laquelle on se prend à penser
qu'en effet, le ridicule ne tue plus.
L'introduction.
Si j'en crois mon horoscope, je devrais mourir dans la
soirée. C'est con, j'avais pas fini de bêcher mes camélias. Mais
bon, c'est la vie : Si vous connaissez une autre issue, faites moi
signe. Ce qui me coûte le plus à l'idée de quitter ce monde, outre
bien sûr l'idée intolérable que mes enfants vont rentrer du
crématorium en courant pour boire mes saint-émilion, si cela se
trouve dans des gobelets fluo et avec des fils d'ouvriers aux
cheveux verts, ce qui me coûte le plus, disé-je, avant de
digresser dans ma cave, c'est de ne pouvoir utiliser toutes les
notes que je relevais pour vous depuis des semaines, avec l'idée
d'en alimenter mes chroniques. Tenez, j'en ai plein les poches.
Autant les sortir, ça n'aiderait pas à l'incinération. Je vous les
livre en vrac.
Klaus Barbie
Depuis quelques temps, on voit beaucoup Klaus Barbie à la une des journaux, à la télé ou à la radio. Mais Barbie a une excuse. Une seule : il ne fait pas exprès de se montrer. A la limite, je me demande même s'il en a vraiment envie.
Communistes
C'est à cela qu'on reconnait les communistes : ils sont fous, possédés par le diable, ils mangent les enfants et, en plus, ils manquent d'objectivité.
Démosthène
Notons au passage que le père et la mère de Démosthène étaient grecs, ce qui prouve que les Grecs ne sont pas tous pédés.
Deuil
Si c'est les meilleurs qui partent les premiers, que penser alors des éjaculateurs précoces ?
Ethique
Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. De même qu'il faut boire pour vivre et non pas vivre sans boire, sinon c'est dégueulasse.
Jésus
Jésus, loin d'être fils unique, avait quatre frères dont il nous parla peu, c'était un homme qui avait tendance à ramener le suaire à lui.
Jacques Lacan
Jacques Lacan nous a quittés, trop tard sans doute par rapport à
l'immensité de conneries qu'il avait encore à dire, et peu de
temps avant Brassens, ce qui prouvent que ce n'est pas toujours
les meilleurs qui partent les premiers.
C'était notre rubrique : "Moquez-vous des morts, y peuvent pas se
défendre."
Montand
"Ah la la, Montand, qu'est-ce qu'il est resté simple, pour quelqu'un qui a serré la main de Khrouchtchev!" Et alors? Moi, mon oncle Gaspard, il a serré la main de Goering, il le crie pas sur tous les toits! Y s'écrase!
11 octobre 1982
Aujourd'hui, je n'ai rien à dire. J'en profite pour m'adresser aux
dix députés du Parlement polonais qui, contrairement à leurs 450
collègues, ont voté samedi contre la dissolution du syndicat
Solidarité.
Oh, je n'ai pas de message! C'est pas mon affaire. J'ai seulement
envie de vous dire "Bonjour". C'est tout.
Ordures
Les étrangers basanés font rien qu'à nous empêcher de dormir en vidant bruyamment nos poubelles dès l'aube alors que, tous les médecins vous le diront, le Blanc a besoin de sommeil.
Peine de mort
Je vous le demande en votre âme et conscience : sans la peine de mort, est-ce la peine de vivre ?
Psychanalyse
"Faut-il réévaluer la spéculation astro-mythologique de Freud dans son approche structuraliste de la psychosomatique fliessienne ?"... Réponse : "Ah, ça dépend."
Pub
Schwarzenberg est pour l'euthanasie parce que c'est plus facile pour avoir sa photo dans France-Dimanche que quand on est contre.
Recherche
La recherche a besoin d'argent dans deux domaines prioritaires : le cancer et les missiles antimissiles. Pour les missiles antimissiles, il y a les impôts. Pour le cancer, on fait la quête.
Remerciements
Au nom des trente millions de Français qui n'en on rien à foutre du sport et des sportifs, mais que le terrorisme musculaire des vingt-cinq autres millions contraint à ingurgiter présentement des tombereaux d'images, de son ou d'écrits consacrés aux gesticulations sudoripares d'une poignée de quadrumanes en caleçon, je remercie vivement les tennismen qui se cassent une patte et les footballeurs qui ont la chiasse.
Cédric / QueST