LES CATHARES



Pensée du jour: "L'expérience n'est qu'une lanterne qui éclaire le chemin parcouru".

Confucius
 
 
Juanita

"Une damoiselle s'avançait, tenant le Graal entre ses deux mains, belle, noble et bien parée. Quand elle fut entrée avec le Graal, il vint une si grande clarté que les chandelles perdirent la leur, comme les étoiles quand le soleil ou la lune se lèvent."

Chrétien de Troyes (Perceval ou le conte du Graal)
 
 

Tranche de vie :
 

Je vais donc vous parler, comme vous l'avez sûrement compris en lisant le titre, des Cathares. Je n'ai toutefois pas la prétention de faire ici un cours d'histoire sur une religion particulière; ni même d'ailleurs de faire de la propagande pour une quelconque religion. Non: c'est juste à vocation culturelle!

Si, aujourd'hui, je vous parle des Cathares, c'est parce que c'est très intéressant d'un point de vue culturel (si, si!), parce que j'ai baigné dans les histoires du catharisme et de l'Inquisition dès mon plus jeune âge (mes grands parents maternels habitent dans un petit village d'Ariège du nom de Luzenac, à vingt kilomètres de Foix et 8 Km d'Aix-les-Thermes, et aux pieds du village de Caussou et du château de Lordat; j'ai donc visité tous les châteaux, en compagnie d'un de mes grands oncles, dès l'âge de 9 ans! A tel point que j'ai même voulu être professeur d'Histoire à un moment donné...) et que cela peut expliquer ma passion pour le Moyen-Âge (NDMM: aah, les preux chevaliers, les superbes armures, les combats épiques, les donjons humides et sombres... Le pied!) et les jeux de rôles.

Bien entendu, je connais parfaitement tous les lieux cités dans l'article qui va suivre (Foix, Castelnaudary...) et les grottes (Niaux et Lombrives que j'ai visitées au moins dix fois chacunes) qui ont servi de refuges aux fuyards...
 

Pour couronner le tout, en 6ème, j'ai fait un voyage scolaire dans le coin pour visiter les "châteaux cathares" (Montségur, Puylaurens...). On avait même dormi dans un château (à Couiza)... Ce fut véritablement géant!
 

Aaah, les ciels sombres et nuageux, la nuit qui tombe plus tôt, le vent glacial qui pique le visage et la brume épaisse qui dissimule presque les remparts mystérieux des vieux châteaux abandonnés, là haut, sur les montagnes aux versants abrupts... Et les oiseaux qui volent en rond autour du vieux donjon à moitié détruit... Tout un programme... Toute une ambiance...
 

Ce texte est dédié: à mon grand oncle Raymond R. (1923-1997), qui m'a fait découvrir, dès mon plus jeune âge, les châteaux et les grottes préhistoriques de l'Ariège tout en m'expliquant avec passion l'Histoire de cette superbe région où j'ai, sans aucun doute, passé mes plus belles vacances... Je lui doit donc une grande part de ma culture générale et mon goût immodéré pour la lecture... Je lui dois donc mes premiers émerveillements.

 
C.L.
 



 

"Dieu est très bon. Or, dans le monde, rien n'est bon. C'est donc qu'il n'a rien fait de ce qui existe dans le monde." Traduit devant les Inquisiteurs, Pierre Garsias, un simple paysan occitan du XIIIème siècle dont nous ne savons rien sinon qu'il était cathare comme presque tous ses compatriotes, leur lance cette profession de foi qui allie la spontanéité d'un cri et la rigueur du syllogisme.

Le Catharisme est une religion qui apparut vers l'an 950 en Bulgarie et qui se répandit largement sur l'Europe occidentale. Elle contestait l'autorité et le dogme de l'Eglise catholique. Alors que pour les catholiques, Dieu est créateur de toutes choses, les Cathares croyaient qu'il y avait deux Créations: la bonne Création, purement spirituelle, éternelle et invisible, oeuvre du Dieu de bonté et de charité; et la Création mauvaise, celle du monde visible, matériel temporel, donc transitoire et corruptible, oeuvre du Principe du Mal. L'homme participe de ces deux Créations, il est le "monde du mélange": sa part divine - l'esprit - a été emprisonnée dans le corps par le Mauvais Principe. La délivrance du Mal ne peut venir que d'une ascèse et d'une connaissance illuminatrice qui, au terme de plusieurs réincarnations, libèreront l'esprit de sa "diabolique tunique de peau", et lui permettront de réintégrer le Royaume de Dieu.

"Si les pierres pouvaient, elles crieraient" dit l'adage. Dans les Pyrénées, au coeur de l'ancien comté de Foix, il existe quelque part des pierres qui crient. Dans la lumière, au centre d'un cirque de montagnes mauves, au sommet d'un gigantesque pain de sucre aux parois vertigineuses de roc fauve, à 1200 mètres d'altitude, un château ruiné jaillit soudain en plein ciel. Aux feux de midi, il scintille sous le soleil comme un diamant à facettes; à l'aube et au crépuscule, il se drape dans des voiles de brume; à toute heure, il semble inaccessible, surréel. Vue d'avion, son enceinte en forme de pentagone très allongé dessine un cercueil ou un navire. Ce château, c'est Montségur, la forteresse-temple des cathares, le haut lieu de l'Occitanie. Cette forteresse wisigothique tombait déjà en ruines au début du XIIIème siècle, puisque c'est en 1204 que le château de Montségur fut reconstruit tel que nous en voyons aujourd'hui les restes. Et c'est à la demande des Cathares qui le fut.

A cette époque, le maître de Montségur était Ramon de Perella, que la chronique de Guillaume de Puylaurens qualifie de "puissant seigneur". Il tenait le château de sa suzeraine, Esclarmonde de Foix, fille du comte de Foix Roger-Bernard 1er.

Evoquer la grande aventure du catharisme, c'est avant tout évoquer le contraste qui, au XIIème et XIIIème siècles, opposait la France, pays de langue d'oil qui se trouvait grosso modo au nord de la Loire, et l'Occitanie, pays de langue d'oc qui se trouvait au sud de celle-ci. Contraste de langue, certes, mais aussi d'ethnie et surtout de civilisation. La France, c'était encore le pays conquis par les Francs venus des terres germaniques, l'Occitanie, le pays où tous les peuples venus du bassin méditerranéen avaient laissé leur empreinte. La France, c'était le pays féodal, fortement hiérarchisé, où la centralisation monarchique était déjà à l'oeuvre, l'Occitanie, le pays où il n'existait pas de barrière infranchissable entre les nobles, les bourgeois et les paysans qui n'étaient pas serfs, le pays où le maître-mot, intraduisible en français, était Paratge qui signifie à peu près égalité dans l'honneur. Nul préjugé de race, de condition, de nationalité, de religion: il n'existait qu'une classe d'hommes, tous égaux en principe, bien que placés dans des sphères différentes et qui pouvaient s'élever par la bravoure, les mérites, les vertus. Le meilleur ami de Raymond VI, comte de Toulouse, était Raymond de Miraval, pauvre chevalier de Carcassès, mais poètes brillant. Les hautes classes de la société étaient d'ailleurs arrivées à un degré de civilisation unique en Europe, et tandis que le roi de France Philippe-Auguste savait à peine signer son nom, le comte de Foix et le roi D'aragon s'écrivaient en vers. La France, c'était enfin la "fille ainée de l'Eglise" avec tout ce que cela supposait d'intransigeance dans la défense des dogmes promulgués à Rome, tandis que l'Occitanie était le pays de la tolérance religieuse car elle avait vu se succéder sur son sol les vieilles religions celtibères, les dieux gréco-romains, le judaïsme, le christianisme "hérétique" des Wisigoths et enfin l'Islam.

Dès le milieu du XIIème siècle, des hommes vêtus d'un simple froc noir à capuchon, serré à la taille par une cordelette de chanvre, sillonnent deux par deux les routes de la terre d'oc, prêchant dans les villes, les villages, les châteaux. Ils vont à pied, chaussés de sandales, le bâton de pèlerin à la main. Ils ne mangent ni viande, ni oeufs, ni laitages, ne jettent pas un regard sur les femmes, ne craignent pas de travailler de leurs mains. Le peuple les appelle les Parfaits ou tout simplement los bons omes, c'est-à-dire les Hommes Bons. Le secret de leur prestige, c'est qu'ils accordent leurs actes à leurs paroles dans un pays où le clergé catholique n'en fait pas autant.

Il faut classer les Cathares en trois catégories qui correspondent aux trois degrés d'initiation:
 

Comment devenait-on Parfait ou Parfaite? En recevant le consolament. C'était un baptême spirituel conféré par simple opposition des mains; on devait accepter d'être végétarien, de ne pas mentir, de pratiquer la chasteté, de ne pas juger et de ne jamais renier l'Eglise Cathare, même sous la menace du bûcher.

Pour les Cathares, Dieu a créé le ciel, la terre, le monde et tout ce qui s'y trouve. Mais pas ceux que nous connaissons: ces derniers sont l'oeuvre du Démiurge mauvais; nés du néant, ils y retourneront! L'initié, c'est donc celui qui à acquis l'aptitude à percevoir ce monde parallèle.
 



 

Partout, les Cathares avaient leurs lieux de culte, leurs cimetières; parfois même, comme à Castelnaudary, ils avaient supplanté les catholiques dans les églises. Le catharisme jouissait de la bienveillance affichée ou discrète des pouvoirs publics. Fidèle au pape, le comte de Toulouse se bornait à le laisser se propager librement, mais le comte de Foix et surtout Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Carcassonne et de Béziers, l'encourageait activement. Les cathares jouissaient ainsi de privilèges, comme l'exemption de la taille et du guet.

Perdant le monopole des âmes, l'Eglise catholique réagit d'autant plus vivement qu'elle perdait du coup le bénéfice des dîmes que les Parfaits invitaient la population à ne plus payer. Elle songea d'abord à opposer arguments à arguments, prédications à prédications. Mais les Occitans, friands des joutes oratoires, avaient presque toujours le dessus.

L'Eglise romaine se vexa. En 1178, un légat arrivé de Rome à Toulouse s'empare de l'homme le plus respecté de la ville, le capitoul (c'est-à-dire un des magistrats élus qui dirigent la ville) Pierre Mauran, un vieillard cathare que sa piété faisait surnommer Saint Jean l'Evangéliste (les Cathares vénéraient la doctrine de Saint Jean, d'où le surnom!). Il sera arrêté, battu, condamné à mendier pendant trois ans en Terre Sainte, il sera spolié de ses biens...

En 1198, le comte Lotario di Segni, politique ambitieux et rusé, devient pape sous le nom d'Innocent III. Il nomme en Occitanie un nouveau légat: Pierre de Castelnau, escorté de nombreux missionnaires... Presque au même moment, un autre prédicateur catholique arrive: l'espagnol Dominique Guzman dont l'Eglise ne tardera pas à faire Saint Dominique. Il décide d'attaquer les cathares sur leur terrain: il faut opposer comme eux des moeurs austères à la vie dissolue du clergé catholique. Mais son fanatisme agira sur la population comme un douche froide. Son échec le rend furieux et il menace: "Là où n'a pas prévalu la conviction prévaudra le bâton."

C'est exactement ce que pense Innocent III; il rêve d'une croisade d'un genre inédit: la première qui serait lancée contre un pays chrétien. N'ayant pu réussir à enrôler le roi de France Philippe-Auguste qui convoite certes les terres d'Occitanie mais qui ne se soucie nullement de tirer les marrons du feu pour le compte du pape, Innocent III charge son légat Pierre de Castelnau de l'exécution de son plan. Le légat multiplie les provocations: il dépose l'archevêque catholique de Narbonne, primat d'Occitanie, suspect de trop de tolérance envers les Cathares; il fait massacrer de nombreux juifs, citoyens de Toulouse; enfin, il excommunie et menace de mort de comte Raymond VI auquel il lance: " Qui vous dépossédera fera bien, qui vous frappera de mort sera béni!". Ces menaces se retourneront vers leur auteur: le 14 Janvier 1208, un chevalier surgit, tue le légat d'un coup de lance et disparaît.

Ce geste offrit au pape le casus belli qui lui manquait!

Le 6 Mars 1208, après avoir accusé Raymond VI de ce crime, Innocent III appelle à la guerre sainte; le pape garantit aux croisés le pardon de leurs fautes... et le pillage!

Raymond VI essaye de parlementer. On lui impose un horrible ultimatum: chasser les juifs des charges publiques, livrer les hérétiques, renoncer à ses droits sur les évêchés et les abbayes... La mort dans l'âme, il se soumet... Lui, le "roi du Midi", sera humilié; il subit une flagellation publique pour prix de l'absolution...

Mais Innocent III joue un double jeu: il est bien décidé à se débarrasser des hérétiques!

Comprenant qu'il a été berné, le comte de Toulouse invente une nouvelle parade: il s'enrôle dans les croisés, car, du coup, ses domaines deviennent, en principe, inviolables! Raymond ne fait en fait que reculer pour mieux sauter...

Au printemps 1209, l'armée des croisés se forme en France (le roi a finalement autorisé ses vassaux à s'enrôler!). A la tête de cette armée, avec rang de légat pontifical, marche Arnaud-Amaury, abbé de Citeaux qui songe - et réussira - à se tailler pour fief la région de Narbonne.

Puisque Raymond VI est provisoirement mis hors d'atteinte, on trouve un autre adversaire en la personne de Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne, d'Albi et du Razès, un jeune homme de 24 ans.

Le 20 Juillet 1209, l'armée des croisés est devant les murs Béziers. Trencavel cherche à négocier, mais Arnaud-Amaury repousse catégoriquement ses offres. Confiant dans les murailles de la ville, Trencavel se retranche dans Carcassonnes avec des Juifs et quelques Parfaits et Parfaites.

Béziers est bien protégée et les hommes de Arnaud-Amaury ne sont croisés que pour quarante jours (déjà entamés!). S'ils lèvent le siège, l'Eglise risque d'être ruinée!

C'est un coup du hasard qui va décider. Le 22 Juillet, quelques défenseurs trop sûrs d'eux font une sortie en plein jour pour aller narguer les assiégeants qui se reposent. Ils ont laissé une des portes de la ville ouverte derrière eux! Voyant cela, le Roi des Ribauds, autrement dit le chef des truands enrôlés dans l'armée des croisées, s'y engouffrent avec 15000 hommes de sa troupe, bientôt suivi par les chevaliers que cette aubaine inattendue a tirés de leur sieste. Affolés, les civils se réfugient dans les églises. Le glas sonne. Les prêtres, vêtus de leurs ornements, ont l'espoir d'en imposer aux assaillants.

Mais à ses soldats qui lui demandent comment distinguer les Cathares des catholiques, Arnaud-Amaury, abbé de Citeaux, répond par la phrase restée tristement célèbre:

- Tuez les tous ! Dieu reconnaîtra les siens !

On tue, on pille, on viole... Béziers comptait 20000 habitants; de l'aveu même des assaillants, tous furent exterminés en une journée!

Le 1er Août, les croisés sont devant Carcassonne! Le jeune Raymond-Roger Trencavel refuse de livrer le moindre de ses sujets aux croisés! Même si la ville résiste parfaitement pendant deux semaines, l'été est torride. Aussi, l'eau vient à manquer, la viande pourrit... Trencavel est malheureusement obligé de négocier!

Il obtient que les carcassonnais aient la vie sauve et il s'offre à être gardé en otage le temps de l'évacuation. Mais c'est s'en compter sur la félonie de ses adversaires! Tandis que ses sujets sont chassés comme des malpropres, sans rien pouvoir emporter, Trencavel, loin d'être libéré comme promis, est jeté dans la Tour Peinte de la Cité de Carcassonne, au cachot, les pieds aux fers, au mépris des règles les plus élémentaires de l'honneur féodal.

Trois mois plus tard, Trencavel mourrait dans son cachot!

A ce moment, un personnage fait son apparition: Simon de Montfort. Dans les combats devant Carcassonne, ce seigneur de l'Ile de France s'était distingué par sa bravoure, son esprit d'initiative et ses judicieux conseils militaires. Alors que les grands seigneurs refusent les domaines arrachés à Trencavel, Montfort, lui, accepte! Un nouveau mot fait son apparition dans la langue occitane: faidits. Ce sont les tous les nobles occitants, grands et petits, que l'envahisseur avait illégalement dépouillé et qui étaient devenus des chevaliers errants menant la guérilla!

Grand capitaine, dévot jusqu'au fanatisme mais surtout sans scrupule, ambitieux et d'une incroyable cruauté, Montfort, dont les armoiries figurent un lion à la queue fourchue comme celle du Diable, va devenir le chef militaire de la croisade, le fer de lance de la conquête de l'Occitanie.

Les fidèles de Trencavel sont retranchés dans leurs châteaux aériens. Aussi, c'est en attaquant l'un d'eux (celui de Pierre-Roger de Cabaret) que Simon de Montfort subit son premier échec!

Les morceaux du pays qu'ils ont soumis de vive force ne sont pas sûrs pour les envahisseurs. Dès l'automne 1209, la résistance active se manifeste. Tantôt faidits et paysans mènent une meurtrière guerre d'embuscade comme à Cabaret, Puysserguier, Miramont; tantôt ce sont les bourgeois des villes qui se soulèvent, comme à Narbonne, à Castres, à Lombers.

Au printemps 1210, grâce aux subsides envoyés par le pape, Montfort et Arnaud-Amaury relancent leurs opérations. Celles-ci sont marquées par un cortège d'atrocités. Bram est une grosse bourgade proche de Carcassonne. C'est là que les deux chefs de la croisade firent couper les lèvres, les oreilles, trancher le nez et crever les yeux à tous les défenseurs, sauf à l'un d'eux auquel ils laissèrent un oeil pour qu'il puisse guider sur les routes l'errance de cette hallucinante troupe de suppliciés. A Minerve, ils jouent hypocritement les miséricordieux: tous les Cathares qui abjureront auront la vie sauve! Arnaud-Amaury sait très bien qu'ils refuseront son offre...

Pour sa part, Raymond VI de Toulouse tirait ses quarante jours s'en prendre part aux combats...

Cela gênait Innocent III, Arnaud-Amaury et Simon de Montfort. En effet, ils avaient commencé à grignoter le gâteau, mais il leur restait à en avaler le plus gros morceau. Pour ce faire, il leur fallait abattre coûte que coûte le comte de Toulouse.

Un nouveau légat, Thédise, est envoyé là-bas. Il convoque Raymond VI pour qu'il s'explique sur la vieille affaire du meurtre de Pierre de Castelnau. Arnaud-Amaury lui demande de raser les forteresses, de licencier son armée... et de partir en Terre Sainte pour une durée indéterminée!

Raymond VI tourne les talons et rentre chez lui. L'Occitanie toute entière répond: "plutôt la guerre que la perte de notre liberté et de notre foi!" Le 6 Février 1211, Raymond VI est une nouvelle fois excommunié et le pays déclaré en proie!

Les combats reprennent, les bûchers se rallument, les atrocités se multiplient. Les croisés vont assiéger Toulouse, non sans avoir brûlé, en passant, 60 cathares aux Cassès. Mais les toulousains tombent à l'improviste sur les assaillants qui doivent déguerpir, poursuivis jusqu'à Castelnaudary. En même temps, ville après ville, village après village le Lauraguais puis l'Albigeois se soulèvent contre les envahisseurs, tandis que l'armée de Raymond VI libère le Quercy.

Mais, un an plus tard, Montfort a reconquis le terrain perdu! En mauvaise posture, Raymond VI appelle alors à l'aide son beau-frère, le roi Pierre II d'Aragon. Auréolé par ses victoires contre les Maures, il arrive à Toulouse, acclamé, avec plusieurs milliers d'hommes.

Occitans et Aragonais se portent au devant de Montfort. La bataille s'engage le 12 Septembre 1213 devant Muret, en rase campagne. Montfort est conscient que son armée est moins nombreuse... Aussi, il va utiliser la ruse et l'audace: il va mettre hors de combat le roi d'Aragon! Il charge de cette mission un petit commando de tueurs, sous les ordres d'Alain de Roucy. L'orgueilleuse témérité de Pierre II va décider du sort de l'entreprise.

Pierre II ne veut pas briller par son rang, mais seulement par son courage. C'est pourquoi il a revêtu une armure ordinaire qui ne permet pas de le distinguer de ses chevaliers. La seule chose qui puisse le faire reconnaître est sa stature herculéenne. Se frayant une voie dans la mêlée, Roucy voit un chevalier Aragonais de haute taille, le désarçonne et lui jette avec insolence: "Je croyais le roi meilleur cavalier!". Au loin, une voix forte lui réplique: "C'est que celui-là n'est pas le roi: le roi, c'est moi!" S'étant ainsi désigné lui-même aux coups des tueurs, Pierre II d'Aragon est aussitôt encerclé, percé de coups, mis à mort. Pour protéger son corps, tous les chevaliers de sa maison se font tuer sur place. Mais la mort du roi jette la panique par mi les fantassins qui se débandent, gênant les manoeuvres des Occitans. La cavalerie de Montfort se rabat sur eux et les repousse jusqu'à la Garonne: 20000 hommes sont ainsi tués ou noyés. Devant ce désastre, Raymond VI et son fils se réfugient sur leurs terres de Provence. Montfort, réalisant son vieux rêve, prend le titre de comte de Toulouse et inaugure son règne en abolissant toutes les libertés municipales. Quand à l'abbé de Citeaux, Arnaud-Amaury, il se proclame évêque, duc de Narbonne et marquis de Gothie, ce qui le brouille avec son compère.

Le pape Innocent III meurt en 1216. La même année, Raymond VI et son fils Raymond, "le jeune comte" la reconquête de leur pays. Dans chaque cité, l'armée s'agrandit! Avignon (NDMM: yeah!) leur ouvre ses portes et leur fait un triomphe. Ils y trouvent 1000 chevaliers et 100000 hommes qui leur disent: "Nous porterons la mort et le carnage jusqu'à ce que vous ayez recouvré Toulouse et votre légitime héritage. Des bois vont sortir les chevaliers faidits qui n'auront plus à redouter tempête ni orage."

Raymond le jeune (il n'a que 15 ans!) assiège Beaucaire et en déloge le redoutable Simon de Montfort et ses deux frères. Les combats sont d'un acharnement inouï! Montfort bat en retraite jusqu'à Toulouse, résolu à se venger sur ses habitants de la perte de la Provence. Mais à son arrivée, la ville se hérisse de barricades: c'est un véritablement soulèvement! Avec la complicité de évêque Foulques qui a promis la sûreté aux toulousains, Montfort prend des otages, les dépouilles, fait abattre les murailles et frappe la ville d'une amende exorbitante: 30000 marcs d'argent.

Montfort doit courir d'un bout à l'autre du pays car il y a moult insurrections!

Le 13 Septembre 1217, Raymond VI entre dans Toulouse en libérateur. La garnison occupante est taillée en pièces, les remparts sont relevés. Simon de Montfort accourt en grande hâte pour tenter de reprendre Toulouse. Il est obligé d'assiéger le ville... L'été revenu, Montfort donne la charge; mais le 25 Juin 1218 marque la fin de sa sanglante carrière: un pierrier construit par un charpentier fut traîné à Saint Sernin. Une pierre lancée par celui-ci frappa le comte Simon sur son heaume d'acier, faisant exploser sa tête.

Sur la lancée, de nombreuses villes sont libérées par Raymond le jeune. Les Croyants, Parfaits... recommencent à respirer. Le vieux Raymond VI meurt en 1222. Son fils, Raymond VII, poursuit méthodiquement la libération du pays.

Le pape (désormais Honorius III) ne désarme pas! Il fait appel au roi de France Philippe-Auguste qui se laisse tenter. Le roi envoie son (médiocre) fils Louis VIII. Ce dernier extermine la population de Marmande. Raymond VII le repousse devant Toulouse. Louis plie bagage et rentre à Paris où son père meurt en 1223.

Pourtant, Blanche de Castille (le femme de Louis) ne renonce pas à la conquête des terres occitanes. Elle fait excommunier le comte de Toulouse, le comte de Foix et le vicomte Raymond Trencavel dont nous avons vu le père assassiné dans son cachot. Louis VIII repart en campagne, s'empare d'Avignon, de Béziers et de Carcassonne. Il réinstalle les compagnons de Montfort mais meurt dans l'année.

L'armée de Blanche de Castille pratique la "guerre spéciale": ils brûlent les récoltes, empoisonnent les puits, tue le bétail... Aussi, en 1229, sans jamais avoir perdu une seule bataille, Raymond VII de Toulouse doit se résoudre à signer le traité de Meaux qui met pratiquement fin à l'indépendance occitane.

Depuis la mort de Montfort, le catharisme s'épanouissait à nouveau. Les cathares, par leur travail, contribuaient aux redressement du pays. Après le traité de Meaux, la persécution des cathares atteint une ampleur sans précédent. C'est en 1223 que le pape Grégoire IX institua les Inquisiteurs. Leurs pouvoirs sont exorbitants puisque ni l'autorité civile ni les évêques ne peuvent s'opposer à leur action; ils ne dépendent que du pape. Ils sont recrutés dans l'ordre des Frères Prêcheurs fondé quelques années plus tôt par Saint Dominique. Ces religieux revendiquent sans rougir le rôle de chien de chasse, chiens d'une horrible chasse à l'homme puisqu'ils font eux-mêmes un jeu de mots sur leur nom de Dominicains: Domini canes, les chiens de Dieu. Les premiers Inquisiteurs sortis de leurs rangs, Guillaume Arnaud et Pierre Seila, vont faire régner une véritable terreur dans le pays. Les Inquisiteurs ne se déplacent que sous la protection d'une escorte armée. Ils sont autorisés à modifier les dépositions des prévenus "dans l'intérêt de la vérité" mais, par contre, un suspect qui revient sur sa déposition est considéré comme "relaps", c'est-à-dire retombé dans l'erreur, et comme tel, il est passible du bûcher. L'inquisition s'acharne même sur les morts: elle déterre les cathares ou ceux quelle soupçonnait de l'avoir été, pour brûler publiquement leurs restes.

Les Inquisiteurs condamnent à mort sans appel pour un oui ou pour un non. L'inquisition ne récolte bien sûr que haine et colère! En 1234, l'Inquisiteur Arnaud Catalan est roué de coups alors qu'il voulait exhumer le corps d'une croyante cathare. En 1235, à Toulouse, les capitouls chassent manu militari les Inquisiteurs, puis les Dominicains, puis l'évêque catholique lui-même. Mais, réduits à la clandestinité, les Bons Hommes, protégés par la population, continuent à prêcher.

En Avril 1240, une armée de Louis IX est attaquée, au coeur des montagnes chaotiques des Corbières, par une armée de chevaliers faidits commandée par Raymond Trencavel, fils du héros de Carcassonne. En quelques semaines, les faidits libèrent Limoux, Minerve, Montréal... Trencavel assiège Carcassonne, en vain... L'hiver arrive, il se replie vers l'Aragon.

En signant le traité de Meaux, Raymond VII espérait gagner du temps; il voulait reprendre la lutte. Quand les rois d'Angleterre, d'Aragon et le comte de Lusignan lui promettent leur concours, il juge le moment venu. Le signal vint de Montségur.

En Mai 1242, onze Inquisiteurs menés par Guillaume Arnaud font brûler vives plusieurs personnes à Lavaur. Leur besogne accomplie, ils vont s'installer dans le Lauraguais, à Avignonet, dans une maison qui, pour leur malheur, appartient au sénéchal de Raymond VII: Ramon d'Alfaro.

Ce dernier les reçoit avec le sourire... mais s'empresse de prévenir le chef de la garnison de Montségur, le faidit Pierre-Roger de Belissen, ancien seigneur de Mirepoix, dépossédé par Guy de Lévis. Sans attendre, avec une troupe, il se rend à Avignonet dans le but de se venger. Réveillés en sursaut, les Inquisiteurs et leur escorte sont massacrés en quelques instants. On sait même qu'ils brisèrent le crâne de Frère Guillaume Arnaud!

Ce fut le signal d'un nouveau soulèvement national!

Mais cela fut la dernière fois: Henri III d'Angleterre battu en Saintonge, Raymond VII dut s'incliner définitivement devant le pape et le roi de France.

En apprenant les événements d'Avignonet, Blanche de Castille s'était écriée: "il faut trancher la tête de l'hydre!" Pour elle, la tête de l'Hydre était Montségur.

500 personnes se trouvent alors dans le château, bien décidées à préserver leur héritage. Montségur est dirigé par Ramon de Perella et la garnison est commandée par Pierre-Roger de Mirepoix, l'homme de la nuit d'Avignonet. La fine fleur du clergé cathare se trouve aussi au château, avec, surtout, Bertrand Marti.

Un matin du mois de Mai 1243, le sergent d'armes Guillem Claret, qui a prit son tour de guet sur le donjon de Montségur, donne l'alerte: l'armée du saint roi de France Louis IX s'avance en hurlant un "Te deum". A sa tête se trouve Hugues des Arcis, sénéchal du roi de Carcassone. On trouve à ses côtés Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, Durant, évêque d'Albi, moins expert en théologie qu'en machines de guerre, et l'Inquisiteur Ferrier, digne successeur de Guillaume Arnaud. Derrière eux, il y a 10000 hommes.

De part la configuration des lieux, ils doivent rester à distance de Montségur: leur camp pourrait être la cible d'avalanches de pierres précipitées du haut de la montagne par les défenseurs. Au travers des mailles lâches de ce filet passent chaque nuit des paysans et des Parfaits, lesquels connaissent parfaitement la montagne. Le siège semble donc bien inefficace!

C'est un groupe de routiers basques qui trouva un passage sur la face méridionale. L'endroit était gardé par Guilhem Claret (celui qui avait donné l'alerte!) et son frère Guiraud. Ils se battirent jusqu'à la mort! En 1960, au cours de fouilles, on a retrouvé leurs deux squelettes au fond d'un précipice: les carreaux d'arbalète étaient encore fichés dans leurs omoplates, ils avaient été frappés dans le dos...

Sur cet espace conquis, l'évêque Durant fit installer une machine de guerre de son invention: c'est pourquoi ce ressaut porte encore aujourd'hui le nom de Pas du Trébuchet. Mais ce trébuchet ne gêna pas outre mesure les défenseurs, beaucoup trop hauts pour être atteints par les projectiles.

C'est par la faute d'un traître que tout s'aggrava brutalement! Un des passeurs mena un détachement des adversaires jusqu'à la barbacane.. Celle-ci fut capturée après un combat acharné et l'évêque Durand y installa une de ses machines de guerre (un pierrier)... Cette fois-ci, elle était idéalement placée et bombarda les remparts de la forteresse cathare!

Montségur continua à se défendre sans relâchement. Le dernier jour de Février, les défenseurs font une sortie pour essayer de mettre le feu au pierrier mais ils échouent. Le garnison de Montségur ne cesse de fondre... Le 1er Mars, ils doivent se résigner à négocier.

Bizarrement (peut-être les attaquants sont ils las de ce siège qui dure maintenant depuis 10 mois?), ils offrent aux défenseurs des conditions étonnamment généreuses: le château sera rendu au roi de France et à l'Eglise romaine, mais les défenseurs seront absous de toutes leurs fautes, y compris le meurtre des onze Inquisiteurs, moyennant un confession et une pénitence légère. Il en sera de même pour les hérétiques s'ils consentent à abjurer. En entendant les conditions, les occupants de Montségur crient d'une seule voix: "Pusleù cremar que renunciar!" (Plutôt brûler que renoncer!). Au-delà des Parfaits, donc, tous refusent la liberté proposée! Ils demanderont même le consolament en sachant qu'il les menait droit au bûcher. Il y en eut en tout 215.

Le 16 Mars 1244, vers le soir, les Cathares, que l'on avait exhortés vainement à abjurer, sortirent du château de Montségur. Les soldats de Louis IX, ou, si l'on préfère, Saint Louis, les brutalisèrent et les chargèrent de chaînes. Ils descendirent lentement de la montagne, menés par le patriarche Bertrand Marti. Au pied du rocher, dans un champs qu'on avait clos de palissades au sud-ouest, était dressé un gigantesque bûcher. Les Cathares se jetèrent dans les flammes en chantant des hymnes. Depuis ce jour, le lieu de supplice s'appelle Camp dels Cremats, le Champ des Brûlés. Aujourd'hui, la route passe tout près et une stèle timbrée d'une croix à branches égales indique l'endroit ou 215 Parfaits et Parfaites se consumèrent...

On peut y lire:

Als Catars,
Als martirs
del pur amor crestian.
 

Ce texte signifie: "Aux Cathares, aux martyrs du pur amour chrétien".

 

1249: Mort de Raymond VII, dernier comte occitan de Toulouse. Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis, lui succède.

1271: Alphonse de Poitiers et Jeanne de Toulouse meurent sans enfants. Le comté de Toulouse est rattaché au domaine royal. L'Inquisition continue à traquer les cathares qui vivent clandestinement dans les forêts, les grottes, les montagnes.

1321: le dernier "Parfait" cathare, Guillaume Bélibaste, est capturé et livré au bûcher.
 

NOTE FINALE:

Comme je vous l'ai dit, je ne veux pas faire ici l'apologie d'une quelconque religion (cela serait d'ailleurs assez étrange venant d'un athée comme moi!). Force est de constater toutefois que les Cathares semblaient être beaucoup plus tolérants que l'Eglise de Rome (et surtout moins cruels... Il me semblait bien que dans la Bible, on disait que l'on devait aimer son prochain comme soi-même!)... Et des précurseurs (droits des femmes...) dans certains domaines! Certains vont sûrement dire qu'il devait s'agir d'une secte. Certes! Mais de toute façon TOUTES les religions sont des sectes (sauf peut-être le Bouddhisme dans le sens où il n'y a pas de Dieu: seule la méditation permet en effet d'atteindre le Nirvana puis le Samsara, Bouddha n'étant qu'un guide...), il n'y a qu'à voir les problèmes de législation pour interdire les sectes (aucune loi n'est envisageable, car elles seraient toutes préjudiciables à la religion chrétienne par exemple!). Les religions qui aujourd'hui, comme le christianisme... sont reconnus sont en fait de sectes qui ont bien marché (mais combien se sont fait détruire, à l'exemple des Cathares?). Le Mandarom aurait existé il y a deux mille ans, il serait peut être aujourd'hui religion d'état. Et je ne rigole pas! Pourtant, l'ancienneté n'empêche pas les souvenirs des atrocités commises pour dominer les pays (Inquisition, massacres des Indiens à l'arrivée de Christophe Colomb...) et gagner de l'argent (si, si! Souvenez vous pourquoi ils ont attaqué les Cathares...). Regardez les habits des évêques et le pape acclamé comme un dieu vivant aux JMJ: c'est exactement comme le Mandarom! Il n'y a AUCUNE différence entre les deux! Sauf que la première date de deux mille ans et qu'elle est désormais considérée comme normale. De quel droit? Je viens même d'apprendre qu'une grande école de commerce est financée par une association catholique (la Fesic)... On aura tout vu!
 

 
Cédric / QueST
P.S.:

Bien entendu, les propos contenus dans la "note finale" n'engagent que moi, et en aucun cas la rédaction du Toxic-Mag. Je suis donc le seul auteur de ces réflexions!
 

P.S. 2:

Toutefois, j'espère sincèrement ne pas avoir offusqué quelqu'un avec ses derniers propos. Ce ne sont que de simples réflexions... et elles ne sont en aucun cas "paroles d'évangile" (sans vouloir faire de jeux de mots douteux!).
 
 

BONUS

 

LE CAS MONTSEGUR (pour les amateurs de mystères et / ou les architectes en herbe):

Le château semble n'avoir pas été forcement conçu comme forteresse (il y a avait bien mieux, comme Puivert, Puymaurens, Quéribus...), mais bien comme temple (selon F. Niel)... Il semble, en effet, que son étrange architecture (on dirait que ses constructeurs ont accumulé les fautes: porte trop grande et mal placée, murailles trop basses [3m50 de haut seulement] et trois d'entre elles ne sont pas crénelées; le donjon est trop bas, exigu, très saillant et donc particulèrmeent exposé...) ait une toute autre vocation, d'autant plus que l'architecte de Montségur, Arnaud de la Baccalaria était le disciple de Escot de Linars, le plus éminent ingénieur militaire occitan... Ces "bourdes" sont donc totalement incompréhensibles... Ce château devait donc avoir une autre vocation, disons plus... spirituelle! Voici quelques unes des découvertes de F. Niel. (NDMM: ces informations sont toutefois à prendre avec des pincettes; pour ma part, je ne les ai pas vérifiées)

Le château est orienté par rapport aux quatre points cardinaux: mais il ne l'est pas à la manière simpliste de nos maisons. A Montségur, les lignes cardinales ont été en quelque sorte dissimulées. On les détermine en joignant deux à deux quatre points caractéristiques de la construction: le milieu b de la façade BC et l'extrémité H de la muraille est, l'angle B que font les murailles BC et BA et le point G que les constructeurs ont matérialisé sur la muraille nord par un angle qui n'a aucune autre utilité.
 

Figure 1


Figure 1

 

Un ensemble de points caractéristiques de la construction détermine l'alignement en longueur de celle-ci sur le solstice d'hiver. Ce sont:
 

Ces trois derniers alignements sont parallèles entre eux.
 
Figure 2


Figure 2

 

Un autre ensemble de points caractéristiques de la construction détermine l'alignement en largeur de celle-ci sur le solstice d'été. Ce sont:
 

D'autre part: les lignes d'e' et c'f' reliant entre elles deux à deux les archères du donjon.
 
Figure 3


Figure 3

 

Il y a aussi d'autres alignements qui permettent de repérer l'entrée du soleil dans chacune des constellations du Zodiaque. Ce sont:
 

Figure 4


Figure 4

 

En totalisant ces alignements, on obtient le tableau suivant qui représente intégralement le Zodiaque de Montségur:

 

Alignement
Date
Signe
FA
20-Déc
Capricorne
fA
20-Jan
Verseau
cH
20-Fév
Poissons
bH
20-Mar
Bélier
Bh
20-Avr
Taureau
a"H
20-Mai
Gémeaux
a'H
20-Jun
Cancer
a"H
20-Jul
Lion
Bh
20-Aoû
Vierge
bH
20-Sep
Balance
CH
20-Oct
Scorpion
fA
20-Nov
Sagitaire
 

MONTSEGUR, TEMPLE SOLAIRE?
 

Face aux archères du donjon, le matin du solstice d'été, fête de l'apôtre Saint Jean, leur maître, les Cathares dont tous les efforts tendaient à se dépouiller des biens de ce monde et même de leur "tunique charnelle", pouvaient méditer l'exhortation johannite:
 

Tant que vous avez la lumière
croyez en la lumière
et vous deviendrez Enfants de Lumière.
 

Comme son nom l'indique, il est un temple solaire. Et ce même bien avant que les Cathares aient édifié à son sommet une extraordinaire construction ésotérique. Car derrière le nom de Montségur qui veut dire (en occitan, Mount Segur, comme en latin, Mons Securus) "le mont sûr" se dissimule le nom primitif: Muno Egu, qui signifiait, dans la langue ibère: le "Mont du soleil".
 

Figure 5


Figure 5

 

QUID DU CELEBRE TRESOR DES CATHARES?

Avant toute chose, il faut parler du débat concernant l'existence (ou non) d'un souterrain à Montségur. Dans sa déclaration, Bérenger de Lavelanet déclare qu'avant leur évasion, les Parfaits (au nombre de 4; j'en parle en dessous!) furent "cachés sous terre" (absconsi subtus terram). Cela suppose donc l'existence d'un souterrain! Selon la tradition locale, celui-ci serait long de plusieurs kilomètres. Mais cela semble n'être qu'une légende: on n'a jamais trouvé trace de ce fameux souterrain; et puis, pourquoi Amiel Aicard et ses compagnons ne l'ont pas emprunté, au lieu de se laisser glisser le long de l'abîme au bout d'une corde en pleine nuit (ce qui est, vous l'admettrez, beaucoup plus dangereux!). Dans sa fameuse "Histoire des albigeois", écrite en 1880, Napoléon Peyrat, qui connaissait bien Montségur, parle lui aussi d'un souterrain et le situe même avec précision: "A l'angle inférieur du sud, affirme-t-il, se trouve un carré semblable à un puits, rempli de gravas et qu'on appelle la Citerne. C'était incontestablement l'escalier descendant dans les souterrains. La sonorité du sol annonce une voute et l'existence relative du manoir supérieur fait supposer l'existence de souterrains probablement immenses. C'était là le grenier, le magasin et le dortoir des défenseurs de Montségur. Eh bien, cet escalier aboutissait en diagonale par les caves à l'angle occidental de la grande salle. Là, au point de jonction du mur d'enceinte et du mur transversal, s'ouvre dans la maçonnerie un second escalier montant du souterrain à la plate-forme."

Donc, selon Peyrat, le souterrain partant de la citerne et aboutissant au donjon suivrait en somme la diagonale bH (voir Figure 1 plus haut).

Tandis que sur le Camp dels Cremats les cendres du gigantesque bûcher fument encore, ces hommes suspendus à un fil, dans la nuit, au dessus de l'abîme, le long de l'effrayante paroi verticale du pog, celle qui surgit au loin quand on vient de Montferrier, sont les dépositaires du Grand Secret de Montségur.

Amiel Aicard, Hugo, Poitevin qu'accompagnaient peut-être un quatrième homme ne s'évadèrent pas pour fuir le bûcher mais sur ordre, pour remplir au péril de leur vie une mission d'importance capitale: sauver le trésor de l'Eglise Cathare dont ils connaissaient la cachette. Huit semaines plus tôt, vers la Noël, deux Cathares, dont le diacre Pierre Bonnet et un nommé Matheus, avaient déjà quitté le château et franchi les lignes en emportant "de l'or, de l'argent et une infinité de monnaie" (aurum et argentum et pecuniam infinitam). Cet épisode nous est connu par le témoignage d'Imbert de Salas, sergent d'armes. On pourrait donc supposer, à première vue, que la mission des quatre hommes consistait à aller veiller sur ce trésor dont ils connaissaient la cachette afin qu'il ne soit pas perdu. Pourtant, il semble qu'il s'agissait d'autre chose car Arnaud-Roger de Mirepoix déclara à propos de l'évasion d'Aicard et de ses compagnons: "Et cela fut accompli afin que l'Eglise des hérétiques ne perde pas son trésor qui était caché dans les forêts, car ces hommes connaissaient la cachette."

De quoi pouvait-il s'agir? Certains, comme F. Niel, parlent de vieux parchemins sur lesquels étaient écrits les secrets d'une religion qui empêchait ses adeptes de craindre la mort par le feu... Peut être était-ce une relique qui permettait d'accéder à la vision merveilleuse d'un univers parallèle...

Certaines phrases prononcées par des Cathares semblent aller dans ce sens. Le Parfait Gérard Bonpain, de Toulouse, enseignait: "Il n'y a pas de plus belle mort que la mort par le feu". Quant au Parfait Raymond Roussel, il leva un coin du voile en déclarant à sa disciple Béatrice de Planissoles, que hantait la crainte du bûcher: "Les Bons Chrétiens ne sentent pas le feu, car le feu dont on les brûle ne peut faire mal!"

Mais revenons à nos quatre compagnons. Au moment où l'Inquisiteur Ferrier allumait le bûcher tragique de Montségur, ce trésor était caché dans les forêts. Et c'est vers lui qu'ils se dirigeaient! Suivons leur itinéraire avec le témoignage de Bérenger de Lavelanet: "Les quatre hérétiques qui sortirent du château de Montségur allèrent in villam de Causo, de là pradas et enfin in castrum de So avec l'hérétique Matheus qu'ils rencontrèrent."

In villam de Causo. Ici, pas d'hésitation: il faut traduire par "le bourg de Caussou". Partis de Montségur, les quatre Parfaits suivent les impressionnantes gorges de Frau (le nom signifie "la frayeur" en occitan!). Puis ils traversent la forêt du Basqui. Dans cette forêt, juste avant d'arriver à Caussou, se trouve une grotte. Le trésor était peut être caché là. Il est probable qu'ils l'emportent avec eux, vers une autre destination.

Deuxième étape: pradas. Cela fut traduit jusqu'ici par "à Prades"; et il est vrai qu'à 7 Km de Caussou, il existe en effet un village de ce nom. Mais dans le texte original, le mot commence par un "p" minuscule. On peut donc traduire "à travers champs" ou "à travers la campagne".

Dernière étape: in castrum de So. Jusqu'ici tout le monde a traduit "dans le château d'Usson". Si cela était vrai, guidés par Matheus, ils passèrent soit par les gorges du pays de Sault, soit plus au sud, par Ax-les-Thermes et le col de Pailhères; ils auraient, par des sentiers de montagne, parcouru 10 bonnes lieux (40 Km) vers l'est. Cela semble donc logique. Comme Arnaud d'Usson soutient de son mieux les défenseurs de Montségur, il se peut que le trésor ait été déposé quelque temps chez lui.

Mais... Il y a un hic! On ne peut pas traduire castrum de So par "château d'Usson" pour la bonne raison que, dans tous les textes latins, Usson est appelé Ucio ou Icio mais jamais So. A la même distance de Montségur qu'Usson, mais vers l'ouest, il existe par contre un castrum de So! C'est le château de Montréal de Sos. Pour l'atteindre, les compagnons ne devaient pas passer par Prades mais rejoindre par la campagne (pradas) la route d'Ax-les-Thermes à Foix et qui est aujourd'hui la Nationale 20. A Bouan, où les Parfaits disposaient d'une spoulga, une grotte fortifiée, ils auraient obliqué vers le sud-ouest, à travers la forêt de Teilles où se trouve aujourd'hui le refuge du Grail, jusqu'à Vicdessos (vicus de So, le village de So). Là, au dessus du hameau d'Olbier, se trouvait, bâti au dessus d'une grotte, inaccessible à la cime du rocher, le château de Montréal de Sos, appartenant aux rois d'Aragon et dont les ruines existent encore.

A ce jour, le trésor des Cathares n'a jamais été retrouvé... Alors: mythe ou réalité?
 

NOTES FINALES:

Ces informations sont issues du livre "Le secret des Cathares" de Gérard de Sède (Ed. J'ai Lu / L'aventure mystérieuse / No A316). Par la suite, dans ce même livre, l'auteur part un peu en live en formulant des hypothèses un peu trop... exagérées à mon goût, c'est pourquoi je n'en parle pas ici!

Si vous avez aimé l'histoire des Cathares, je vous conseille la lecture de 2 BDs qui relatent les aventures d'Aymeric (il y a 2 tomes qui se suivent!): "Aymeric et les Cathares" et "Aymeric à Montségur". Les dessins sont très biens et l'histoire suit parfaitement la vraie histoire des Cathares (vous y retrouverez Simon de Montfort, Arnaud-Amaury etc... Seul Aymeric est un personnage fictif!), du début du catharisme triomphant au bûcher de Montségur. Ces BDs sont aux éditions "LOUBATIERES-EDITIONS Toulouse", aussi elles sont extrêmement difficiles à trouver... Mais, en cas, si vous pouvez vous les procurer, allez-y: vous ne le regretterez vraiment pas!

Et puis, profitez en pour voir (ou revoir) le génial film "Le nom de la rose" (Guillaume de Baskerville est, en effet, un ancien Inquisiteur)!

REMERCIEMENT: à FLAN / ADR qui m'a gentiment autorisé à utiliser son superbe dessin "Juanita" dans mon article (il s'agit du dessin du début avec la jeune femme en armure). Encore merci!

Les autres graphs (Figures 1 - 5) ont été dessinées par votre serviteur à partir des plans de F. Niel.
 

QueST
 

P.S. 3:

Ambiance musicale:



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