Théories économiques


Par Cédric/QueST



J'en vois déjà qui gueulent en voyant le titre : on n'est pas chez Pivot ! Je veux pas voir Lepers ! etc. Don't panic ! Aujourd'hui je vais vous faire partager ma passion pour l'économie, en fait pour les théories économiques. Cela pourra vous servir si vous êtes en E.S ou tout simplement si vous voulez comprendre le pourquoi du comment de la chose. Pour plus de commodité, les théories sont dans l'ordre chronologique. Faîtes-moi confiance : après avoir lu ce (long) texte, vous saurez tout sur l'économie et vous pourrez torcher votre professeur d'économie (au Lycée uniquement, parce qu'en Prépa, c'est moins sûr... ils sont forts les profs d'éco, croyez-moi...). Bon, ne perdons pas de temps !

Let's go !

Pour vous récompenser, je vous dirai ma préférence à la fin (si, si) mais pas les raisons pour (vous êtes jeunes et influençables) [à moins que vous ayez au moins 18 ans...].



LES PRECURSEURS


Même si cela n'a pas d'intérêt probant pour comprendre la suite, il me faut quand même vous parler des précurseurs de l'économie. Outre Aristote qui reste le premier, il faut noter deux courants importants : les Mercantilistes et les Physiocrates. Les premiers sont très protectionnistes et pensent qu'une nation doit reposer sur deux facteurs pour se développer : les hommes ("il n'y a de richesses que d'hommes" Bodin) et l'or; en fait la main d'oeuvre (armée...) et l'or pour acheter les armes. Les autres, au contraire, prônent le libre commerce : ce sont les ancêtres du courant libéral et probablement les maîtres à penser de Smith.



1) L'ECONOMIE CLASSIQUE/LIBERALE


La révolution industrielle est à l'origine de la pensée classique, à deux points de vue : d'une part elle lui donne l'exemple d'un nouveau mode de production, d'autre part, elle met au premier plan la revendication libérale, celle des entrepreneurs.

Les représentants de cette école sont : Adam Smith (1723-90), David Ricardo (1772-1823), Thomas Robert Malthus (1766-1834), Jean-Baptiste Say (1767-1832), John Stuart Mill (1806-73), Jean de Sismondi (1773-1842).

Adam Smith (considéré comme le père fondateur de l'économie politique) imagine la théorie de la "main invisible" : grâce à l'intermédiaire du marché, l'intérêt général découle des intérêts particuliers. Si chacun poursuit son intérêt privé, la "main invisible" qui ajuste offre et demande assure la satisfaction de tous les partenaires : chaque vendeur doit offrir la meilleure qualité au moindre prix, cherchant à s'enrichir il tend à augmenter sans cesse l'offre, il est donc à l'origine du progrès. Smith en conclut "qu'il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions". R.L Heilbronner résume ainsi la thèse de Smith : "les motifs égoîstes de l'homme mènent le jeu de leur intéraction au plus inattendu des résultats : l'harmonie sociale".

En ce sens, Smith rejoint Bernard de Mandeville et sa "Fable des abeilles" : en cherchant leurs intérêts personnels, les abeilles font vivre et prospérer la ruche; si tel n'était pas le cas, la ruche serait condamnée à disparaître.

Pour Smith, la liberté du commerce et de l'entreprise est la condition de l'enrichissement. La thèse libérale se construit face à l'absolutisme et à l'interventionnisme mercantiliste. Ainsi Smith préconise un Etat minimal, l'Etat-gendarme, qui se limite à quatre domaines : défense extérieure, sécurité intérieure (justice, police), biens publics (routes, édifices...) et protection de la concurrence.

L'économie de marché est efficace : elle assure une allocation optimale des ressources : les variations des prix permettent d'orienter les facteurs de production en fonction des besoins.

Pour eux, le marché doit être concurrentiel, pas de protectionnisme. Ils sont pour une "concurrence pure et parfaite" (atomicité du marché, entrée libre, homogénéité des produits, transparence des marchés, mobilité des facteurs).

La "loi des débouchés" (J.B. Say) affirme que tout ce qui est produit peut être vendu (à un prix raisonnable); une crise générale de surproduction, un engorgement général de l'ensemble des marchés est impossibles. Certes, il est possible que sur certains marchés, pour des produits déterminés et une durée limitée, des excédents ne trouvent pas prenneur : mais ces crises sont de nature provisoire : elles ne sauraient durer ni perturber gravement le fonctionnement du système capitaliste; ce dérèglement tient à une mauvaise répartition de la consommation, à une adéquation défectueuse des capacités de production qui n'ont pu suivre les déplacements de la demande; il ne peut être que provisoire. [Précisions : J.B Say était un économiste français (cocorico !) et sa fameuse "loi des débouché" reste un postulat très discuté encore aujourd'hui; malgré sa simplicité apparente, il est très problématique et divise les économistes.]



2) L'ECONOMIE SELON MARX


La théorie de la valeur-travail : les enseignements des classiques anglais sont au centre de la construction intellectuelle de Marx. Il en tire la notion d'exploitation : quand le travailleur fournit au capitaliste son travail, ce dernier s'approprie la valeur correspondante (mettons 12 heures), mais il ne lui rémunère que pour l'équivalent de ce qu'il coûte en produits, lui et sa famille (mettons 6 heures). La différence (ou plus value), c'est l'exploitation, c'est-à-dire la valeur créée par le travailleur qui revient au capitaliste. Quand le produit est vendu, cette valeur-travail est transformée en monnaie, c'est le profit. L'équation suivante permet de faire apparaître la notion : M=C+V+Pl (M : valeur totale de la marchandise \ C : avances de capital fixe et circulant (consommations intermédiaires) \ V : salaire (capital variable chez Marx) \ Pl : plus-value) [Exemple : 100=40+30+30, le taux d'exploitation (Pl/V) est 30/30=100%. Le salarié travaille moitié pour lui, moitié pour l'entreprise].

L'histoire de l'humanité est celle de la lutte des classes. La succession de modes de production (esclavagisme, féodalisme, capitalisme, socialisme) s'explique par les contradictions qui les traversent. Chaque société est marquée par une opposition violente, car une minorité d'exploiteurs vit des produits du travail de la classe des exploités, on passe d'une société à l'autre quand une classe l'emporte dans ce combat permanent. On voit ici l'influence de la pensée dialectique que Marx emprunte à Hegel (il avait fait partie d'un groupe de "contestataires", les "jeunes hegeliens", avant de rompre avec l'idéalisme du maître). La société est envisagée comme le résultat de l'opposition de contraire, et non pas un ordre naturel univoque. Ainsi, le capitalisme naît de la victoire de la bourgeoisie sur l'aristocratie foncière. Le socialisme, dernier stade du développement messianique, naîtra de la victoire des prolétaires sur la bourgeoisie, pour la première fois une classe dominerait dans le but de libérer l'humanité et non pour en opprimer une autre, la dictature du prolétariat (socialisme) serait une transition vers l'abolition des classes autrement dit une transition vers le communisme.

L'accumulation amène l'expansion et le progrès, mais elle conduit le capitalisme à sa perte en provocant une "baisse tendantielle du taux de profit". En effet, la concurrence oblige l'entreprenneur à augmenter la part du capital fixe au détriment de celle du travail. Or, seul le travail est créateur de valeur : cette marchandise coûte moins d'heures de travail (salaire) qu'elle n'en rapporte (temps de travail total). Cela conduit à baisser le taux de profit (Pl/C+V), puisque, dans l'équation M=C+V+Pl, C augmente alors que V et Pl diminuent. Si l'on ajoute une contradiction corollaire, la concentration du prolétariat, classe destinée à combattre le capital, on aboutit à l'idée d'une confrontation finale.

Les classifications du capital (marxistes) : capital fixe (machines), capital constant, capital circulant, capital variable (fonds de salaires). A noter que : capital constant/capital variable = composition organique du capital.

Pour Marx, la crise économique est inéluctable. Son analyse voue le capitalisme aux crises à court terme, à l'autodestruction à long terme. Les crises cycliques sont inhérentes au système. Chaque vague de prospérité attire l'investissement, mais il y a suraccumulation car, du fait de l'exploitation, il ne peut y avoir d'augmentation proportionnelle des débouchés solvables. Faute de vendre des produits, les plus-values extorquées aux travailleurs ne pourront être réalisées (transformées en profits) il faut alors détruire les forces productrices excédentaires.



3) L'ECONOMIE NEO-CLASSIQUE


Le XIX siècle est traversé par des tensions croissantes : les socialistes, qu'ils soient marxistes, anarchistes ou saint simoniens, réclament une société plus juste, l'abolition de la propriété privée des moyens de production. Le mouvement ouvrier exige des réformes, une protection juridique et sociale, de multiples courants humanistes dénoncent la condition ouvrière. C'est en réaction à cette contestation que nait le courant néo-classique. Défenseur acharné de la propriété privée et de l'ordre établi, il reprend l'essentiel des positions de l'école classique mais il doit en modifier plusieurs options théoriques jugées funestes à la cause libérale, et d'abord celle qui à permis à Marx de démontrer l'exploitation : la valeur-travail.

Les représentants de cette école sont : Léon Walras (1834-10), Stanley Jevons (1835-82), Carl Menger (1840-1921), Vilfredo Pareto (1848-1923), reprend l'oeuvre de Walras à Lausanne, Francis Edgeworth (1845-1926) et Alfred Marshall (1842-1924) forment l'école de Cambridge après Jevons, Bohm-Bawerk (1851-1914) et E. Von Wieser (1851-1926), puis Von Mises (1851-1926) forment l'école autrichienne très vivante avec Friedrich Von Hayek (1910-1992).

La valeur des biens : le retour à la thèse de J.B Say est le pilier de la remise en cause du marxisme. Pour démontrer la notion d'exploitation, il faut que le revenu de chaque agent apparaisse comme indépendant de celui des autres. Si le profit et le salaire sont les deux parts d'une même valeur entièrement issue du meme travail comme le pensent les Classiques, alors la lutte des classes pour son partage devient une réalité incontournable. Si ce n'est le travail, c'est donc l'utilité, la valeur d'usage, qui permet d'expliquer la valeur des biens. Mais comment les comparer puisque l'utilité est une notion subjective ? La difficulté est résolue par deux moyens : introduction de la rareté (un bien vaut d'autant plus qu'il est moins abondant) et médiation du marché (un bien vaut d'autant plus que plus d'acteurs le convoitent). Mais comment les individus peuvent-ils construirent leur propre échelle de valeurs ? Ils connaissent l'utilité cardinale, propose Menger (c'est-à-dire absolue, une note chiffrée est attribuée à chaque bien). Elle n'est pas définissable, affirme au contraire Pareto (préférer la bière au coca ne permet pas de dire combien de coca vaut une bière), on doit donc se contenter de l'utilité ordinale (les biens sont donc classés par ordre d'utilité).

Suivant l'enseignement du mathématicien et économiste français Cournot (1801-77), Walras applique les mathématiques à l'économie. Il construit dans ses "Eléments d'économie politique pure" (1874), un modèle, c'est à dire un ensemble d'équations représentant les objectifs de chacun des acteurs. Reprenant une idée déjà présente chez Bentham, les néo-classiques considèrent que tous les choix se font par la comparaison des valeurs limites : combien me coûte une unité suplémentaire d'un bien, combien me rapporte-t-elle ? Quel plaisir me vaut ce nouvel achat (utilité) ? De quel plaisir alternatif (désutilité) me prive-t-il ? Quelle est l'utilité (salaire horaire) d'une heure de travail en plus ? Quel est son cout (une heure de loisir en moins) ? Chaque bien vaut ce qu'il rapporte en utilité à son acquéreur, il doit donc être payé à son "utilité marginale". Deux biens de même utilité marginale doivent avoir le même prix, c'est la loi de "proportionnalité des utilités marginales et des prix". Elle permet de démontrer que le prix de marché est garant de la meilleure satisfaction possible pour tous les partenaires, acheteurs et vendeurs.

A la base du "libéralisme économique", il y a le droit de propriété privée des moyens de production. Chaque individu doit être libre de fonder une entreprise et de vendre des produits, chaque travailleur doit pouvoir vendre sa force de travail en échange d'un salaire déterminé suivant la loi de l'offre et de la demande, tous les contractants étant supposés égaux. L'économie de marché orientée par la concurrence aboutit, pour les économistes les plus libéraux, à la satisfaction des consommateurs au prix le plus bas possible, le profit récompensant les entreprenneurs les plus efficaces. L'intervention de l'Etat doit se limiter à la mise en place et au maintien des conditions permettant à la concurrence de se développer : instaurer et faire appliquer une législation favorable à la propriété et à la concurrence... Parce qu'elle à pour base le droit de propriété individuelle sur les biens de production et l'orientation de la production par les détenteurs des moyens de productions, cette situation de libéralisme économique n'est pas "naturelle". Elle n'a pu se réaliser historiquement qu'à travers des bouleversements sociaux importants : abolition de l'ordre féodal, des coutumes... Certains estiment même que les conditions d'un véritable capitalisme libéral ne sont pas encore réalisées par suite de l'intervention de l'Etat et de l'insuffisante définition des droits de chacun. La concurrence et le marché sont censés faire parvenir l'économie à l'état social le meilleur. Chaque individu reçoit la contrepartie exacte de ce qu'il apporte à la communauté (différence entre ce qui est produit lorsqu'il travaille et ce qui serait produit sans lui).

Les conditions de l'équilibre de marché sont définies dans la notion de "concurrence pure et parfaite", c'est-à-dire une liste de 5 hypothèses sans lesquels l'optimum ne pourra être atteint : atomicité, homogénéité, transparence, fluidité, mobilité. Très restrictives, elles conduisent à considérer le modèle d'équilibre comme plus idéal que réaliste.

L'équilibre est nécessairement un équilibre de plein emploi. En effet, le niveau de la production est déterminé par le marché du travail. Tous les salariés qui acceptent de travailler au niveau du salaire d'équilibre sont embauchés. Le chômage ne peut être que volontaire : refus du travail au niveau du salaire d'équilibre. Si la population active s'accroit, il suffit de diminuer le niveau du salaire pour augmenter l'emploi.



4) L'ECONOMIE KEYNESIENNE


La thèse néo-classique fait une confiance aveugle dans le mécanisme régulateur du marché. Sans le mettre en cause, Keynes, montre qu'il s'applique mal au cas particulier du marché du travail. En effet, les travailleurs ne sont pas une marchandise reproductible que l'on pourrait "écouler" en cas d'excédent (chômage), ni multiplier en cas de pénurie (manque de travailleurs). L'ajustement par les prix suppose deux mouvements : baisse de l'offre pour rentabilité insuffisante, hausse de la demande du fait de la baisse du prix, mais : * L'offre de travail ne baisse pas en cas de chômage. Les chômeurs se présentent à l'embauche quelque soit le taux de salaire, car il faut bien vivre. * La demande de travail n'augmente pas en cas de chômage car c'est la "demande effective", c'est-à-dire les débouchés futurs prévus par les entreprises, qui détermine le niveau de l'emploi. Le taux de salaire n'est qu'une variable secondaire (bas, il facilite l'embauche), et non la principale : face à la saturation du marché, il serait stupide d'embaucher même à un salaire dérisoire. Donc la "demande effective" est la demande attendue par les entreprises, demande qui détermine le niveau de production et de l'emploi. Elle prend en compte les anticipations, c'est-à-dire les hypothèses que retiennent les agents quand à l'évolution future de demande (biens de consommation et biens de production).

Les propensions à consommer et épargner déterminent les tendances lourdes. Les salariés ont une forte propension à consommer, leur dépense constitue la partie stable de la demande globale, un bas niveau des salaires amène une saturation des débouchés. Par contre, les capitalistes ont une forte propension à épargner, un partage du revenu national qui leur serait trop favorable serait source de surépargne, de sous consommation, donc de surproduction. La répartition du revenu entre capitalistes et salariés est donc un déterminant essentiel du niveau de la demande effective, et de l'emploi. Leur croissance parallèle est donc indispensable pour l'équilibre.

Une variation du revenu R, induit une variation de la consommation. Dans l'analyse keynésienne de la consommation, il y a une relation entre une hausse du revenu et la part supplémentaire consacrée à la consommation. Pour Keynes, une fonction de consommation relie les revenus (R) et la consommation (C), la propension marginale à consommer (c) exprime la part des gains nouveaux consacrés à la consommation supplémentaire :

Donc #C = c#R

L'efficacité marginale du capital, une notion keynésienne, désigne l'espérance de rentabilité attendue d'un investissement donné. Dès lors, il est évident que le flux effectif de l'investissement courant sera grossi jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune catégorie de capital dont l'efficacité marginale soit supérieure au taux de l'intérêt courant.

Reprennant les travaux de J.F Kahn, John M. Keynes souligne le rôle multiplicateur de l'investissement : investir c'est dépenser, cela provoque une distribution de revenus dans le secteur fournisseur, revenus eux-même dépensés, déclenchant une deuxième vague de distribution de revenus, etc... Au bout d'un nombre 'n' de ces vagues, le revenu national aura augmenté d'un certain multiple par rapport à l'investissement initial. Ce "multiplicateur" (k) est d'autant plus fort que l'épargne, ou les importations, qui sont les 'fuites' de ce cercle vertueux, seront plus faibles et la propension à consommer (des biens nationaux..) plus forte. Le mécanisme fonctionne de même pour toute dépense, mais c'est l'investissement qui est la partie variable et non la consommation. On peut résumer ainsi : k = 1/(propension marginale à épargner)

La monnaie n'est pas neutre, elle joue un rôle actif. Déjà, pe ndant la guerre, Keynes suggérait deux moyens de financer les dépenses militaires : le premier est l'impôt, et le deuxième... l'inflation qui allège les dettes mais ponctionne la catégorie des épargnants. La théorie quantitativiste était retenue par les néo-classiques dans la version de J.B Say : la monnaie étant un voile, elle n'aurait aucune influence sur les phénomènes réels : emploi, demande, investissement... Son abondance ou sa rareté n'aurait d'effet que sur les prix. Keynes pense au contraire que l'émission monétaire a un résultat réel en particulier sur la variable-clé c'est-à-dire l'investissement. Les agents préfèrent le présent au futur, donc la liquidité (monnaie détenue) aux créances, les titres attestant un prêt, c'est-à-dire une détention de monnaie dans le futur (affectée d'un risque, celui de non-remboursement). L'intérêt est donc le prix de la liquidité, le prêteur y renonce, l'emprunteur l'acquiert. Si la monnaie est abondante, la liquidité devient plus facile à acquérir, le taux d'intérêt doit diminuer, ce qui facilitera l'investissement (sans le provoquer, c'est la demande effective qui est déterminante), et inversement si la monnaie est rare. De ce fait, la politique monétaire doit maintenir le taux d'intérêt à un niveau suffisamment bas pour soutenir l'investissement, mais en veillant à ce qu'il demeure rémunérateur pour l'épargnant sans qui le crédit et la bourse seraient asséchés. Cependant, c'est la demande effective qui est le déterminant essentiel de la conjoncture. Comme elle est peu influencée par la politique monétaire, il est inutile de recourir à une baisse exagérée des taux d'intérêt. En deçà d'un taux plancher, la monnaie supplémentaire émise tomberait dans une 'trappe à liquidités' ne provoquant plus de demande nouvelle.

Keynes a pris parti contre la "loi des débouchés" de Say. En fait, il ne conteste pas le fait que l'offre induise une certaine demande, mais le fait que cette demande soit automatiquement suffisante pour assurer l'égalité entre l'offre de produit et la demande de produit. L'origine de ces décalages peut être multiple. Elle peut se situer au niveau de la distribution des revenus. Ainsi, les keynésiens actuels font remarquer qu'une fraction du prix de vente correspond à l'amortissement du matériel utilisé, rien ne garantit que les sommes mises de côté par l'entreprise pour couvrir le coût de matériel ancien seront réinjectées dans le circuit économique sous forme de revenus. L'origine du décalage peut aussi, comme le montre Keynes, être liée à l'utilisation des revenus : rien ne garantit que les revenus reçus soient dépensés en totalité.

L'équilibre peut être de sous-emploi : rien n'assure que le niveau d'emploi offert par les entrepreneurs (en fonction de la demande effective) coïncide avec le niveau de l'offre de travail qui dépend de facteurs socio-démographiques. La baisse des salaires diminuera le pouvoir d'achat, donc la demande et aggravera le chômage : il peut exister un chômage involontaire.

En cas de récession et de chomage, la relance est nécessaire, l'Etat peut donc pratiquer un déficit budgétaire financé par l'emprunt, le remboursement ne posera pas de problème car la reprise entrainera une hausse des revenus et des dépenses donc des impôts sur le revenu et la consommation. Pourquoi l'Etat ? Parce qu'il est le seul agent à viser l'intéret général et non le sien propre, on ne peut demander aux entrepreneurs d'investir à contre-courant de la conjoncture, ils ne peuvent que la suivre, donc l'aggraver...

Une politique économique est un aspect particulier d'une politique globale; elle comprend :


La politique de relance vise à stimuler la production et à réduire le chomage; elle utilise le déficit budgétaire, stimule l'investissement, les salaires et la consommation, facilite le crédit... On distingue la relance par la consommation et la relance par l'investissement.

Si, à court terme, les effets d'une politique de relance sont positifs, il n'en est pas de même à long terme. En effet, elle entraine un endettement extérieur, un dégradation des taux de change, une inflation importée, des tensions inflationnistes... Pour en arriver au stade de la stagflation (période d'inflation, chômage élevé et de baisse de l'activité économique). Il faut donc une croissance économique pour assurer le succès d'une telle politique, sous peine de déboucher sur la stagflation.

Les politiques de relance keynésiennes comportent un double aspect. Le premier porte sur le soutient de la demande par des mesures entrainant un déficit budgétaire. Le second consiste à ne financer ce déficit que partiellement par l'emprunt et à l'accompagner d'une certaine abondance monétaire. La politique de Paul Volker (président de la FED) de 83 à 87 en est un bon exemple : devant l'échec sur l'emploi de sa politique, il décide de changer de politique. La croissance de la masse de monnaie en circulation devient plus forte. Cette conjonction nouvelle d'un déficit budgétaire élevé et d'une politique d'abondance monétaire que l'on a appelée "Mix Policy" est caractéristique des politiques de relance keynésiennes.



5) JOSEPH ALOIS SCHUMPETER (1883-1950)


Schumpeter était un économiste autrichien. Elève de BohmBawerk et éphémère ministre des finances de son pays, il deviendra professeur d'économie en 1909. En 1932, il devient professeur à Harvard.

Sa théorie repose essentiellement sur les "cycles".

Le mouvement cyclique fondamental comprend 2 phases :


Dans la première phase, l'économie s'écarte progressivement d'une situation d'équilibre initial qui correspond à l'équilibre stationnaire Walrasien. Cette situation est favorable aux innovations, car elles naissent surtout dans des conjonctures stables, qui évitent/limitent le risque d'échec [Remarque : innovation et invention sont deux choses différentes : l'innovation représente une invention qui est rentrée dans le circuit économique]. Quand elles aboutissent à des succès, les innovations suscitent des immitations. Durant cette période, "l'entreprenneur innovateur" conquiert d'abord des nouveaux marchés et encaisse des profits de monopole. Mais la concurrence (imitateurs) risque de lui laminer ses avantages initiaux.

Dans la deuxième phase, l'économie passera dans la période de récession : les innovations sont désormais généralisées et la concurrence exerce ses effets pleinement. Les avantages relatifs des "entreprenneurs innovateurs" ont complètement disparu. Dès qu'une nouvelle "grappe" d'innovations est mise en place, une nouvelle phase de prospérité s'enclenche.

* La "vague secondaire" ou les 4 phases du cycle : la prospérité et la récession constituent la vague primaire du cycle. Ce sont les innovations et leur diffusion qui rythment la vague. Mais sur celle-ci vient se superposer une "vague secondaire", née de la première, et qui en amplifie considérablement le profil. Alors que la primaire est plus importante qualitativement, la secondaire est plus importante quantitativement.

Cette superposition conduit à un cycle en 4 phases :


* Les "3 cycles" : si les innovations sont à l'origine des cycles, il n'en résulte pas pour autant qu'elles donneront naissance à un seul mouvement. Ainsi, différents cycles vont se superposer. Ils sont au nombre de 3 :


Pour Schumpeter, il y a 6 Juglar dans un Kondratieff, et 3 Kitchin dans un Juglar.

* "L'entreprenneur Schumpeterien" : l'innovation est la fonction spécifique de "l'entreprenneur". Ces individus sont mus par la recherche du profit, que Schumpeter distingue, comme les néo-classiques, de l'intérêt du capital. Dans le circuit Schumpeterien, le profit est nul : les produits sont vendus à un prix qui permet juste de rémunérer les services productifs des facteurs. Pour dégager un profit positif, il faut innover, afin de faire sortir l'économie du circuit. Contrairement à l'entreprenneur de Walras, celui de Schumpeter est un "agent de déséquilibre créateur". Le profit des entreprenneurs ne peut qu'être provisoire : ils luttent contre la tendance permanente de l'économie à retomber dans le circuit. Ainsi, cet entreprenneur, imaginatif et ardent, est le héros solitaire du progrès.

* Le "processus de destruction créatrice" : comme nous l'avons vu, l'innovation est un processus de déséquilibre. Quand le progrès arrive, on assiste à l'élimination des éléments périmés de la structure économique. Il y a donc une révolution permanente à l'intérieur de la structure économique, avec une destruction continuelle des éléments vieillis : l'ouragan de la "destruction créatrice" fait régulièrement table rase du passé pour libérer la voie aux industries et aux marchés nouveaux. Cela constitue donc la donnée fondamentale du capitalisme.

* La fin du capitalisme ? Dans son livre "Capitalisme, socialisme et démocratie", Schumpeter prédit, comme Marx (mais pas pour les mêmes raisons), la fin du capitalisme. Alors que Marx l'annoncait par la "baisse tendantielle du taux de profit", Schumpeter avance d'autres arguments. A la question "le capitalisme peut-il survivre ?", il répond "non, je ne crois pas qu'il le puisse !". Pourquoi ? Le capitalisme avait aux yeux de Joseph Schumpeter le charme d'un combat chevaleresque. Pour lui, le capitalisme vivait grâce à des entreprenneurs se conduisant comme des chevaliers. L'impulsion provenait toujours d'hommes assez audacieux pour innover, tenter des expériences, parier sur l'expansion. Mais ce type d'hommes se faisait de plus en plus rare. Pire encore : il était détruit par sa propre civilisation. Si audacieux que fut le capitaliste, sa civilisation était batie avant tout sur une attitude rationnelle, curieuse et sceptique. "L'argent n'est pas tout !" disaient les intellectuels, instaurant un doute sur la valeur de l'attitude consistant à gagner de l'argent pour de l'argent. De plus, le capitalisme se rongeait de l'intérieur : les grandes firmes étaient de plus en plus conservatrices (dans les initiatives économiques). Le capitaliste laissait la place au gestionnaire, oubliant de ce fait le goût du risque et des richesses infinies. Le capitalisme se démoderait, et il disparaîtrait devant le socialisme, sans éclat ni regret. Le socialisme, inévitable produit de la démocratisation, de l'embourgeoisement général, du rôle croissant des intellectuels, l'emportera. Il pourra survivre et fonctionner avec la planification. Mais s'il gagne, ce ne sera pas pour les raisons imaginées par les socialistes. En fait, Schumpeter annonce, avec tristesse, la fin prochaine du capitalisme...

* Remarques finales : on peut tirer deux idées de tout cela. Tout d'abord, Schumpeter s'est trompé : le capitalisme, malgré des hauts et des bas, vit et vivra encore pendant longtemps. Sa fin n'est pas à l'ordre du jour. Par contre, au niveau des cycles, il avait, semble-t-il, tout à fait raison : la durée exceptionnelle de la crise actuelle viendrait du fait que nous sommes dans la phase B d'un Kondratieff (donc 30 ans de récession). Ceci expliquerait aussi le regain d'intérêt pour cette thèse : Chirac et Barre ont annoncé que nous avions 25 ans de croissance devant nous (= phase A d'un Kondratieff).



6) LES COURANTS CONTEMPORAINS


Dès le début de son existence, le courant néo-classique a été critiqué par ses propres membres. Ces contestations ont entrainé l'apparition de nombreux sous courants, plus ou moins influents, plus ou moins importants mais qui reposent tous sur la non-intervention de l'Etat, c'est-à-dire la base même du libéralisme.


* Les monétaristes :

Le chef de file de ce courant est Milton Friedman, prix Nobel d'Economie 1976 et professeur à la célèbre Université de Chicago (berceau de l'ultra libéralisme). Ce courant repose sur le postulat de la "théorie quantitative de la monnaie", laquelle affirme qu'il existe une relation entre la masse monétaire en circulation et le niveau général des prix : ainsi, l'inflation provient toujours d'une surabondance de la masse monétaire.

A partir des années 70, la stagflation (chomage élevé + inflation élevée) sonne le glas de l'hégémonie des politiques keynésiennes, cheval de bataille des "Trente Glorieuses" (avec les politiques de "stop and go"). Elle remet en cause la pertinence de la courbe de Phillips, qui montrait qu'un taux d'inflation élevé correspondait à un taux de chomage faible, et inversement. Cette courbe, très en vogue durant les "Trente Glorieuses", se voyait donc remise en question.

La courbe de Phillips (économiste néo-zélandais) montre la relation qu'il existe entre le chomage et l'inflation. En effet, le taux de chomage varie en sens inverse du taux d'inflation. De ce fait, la courbe de Phillips suggère la possibilité d'un arbitrage entre inflation et chomage. Elle fournit une justification empirique aux politiques de régulation conjoncturelle : on peut combattre le chomage par une politique de relance à condition d'accepter un certain niveau d'inflation. L'apparition de la stagflation, à partir de 1973, mettra en cause cette relation statistique.

Milton Friedman mettra en cause la validité de la courbe de Phillips dès 1968. Pour lui, il existe un taux de chomage naturel incompressible qui s'explique par les imperfections du fonctionnement du marché du travail (en fait, la cause vient de l'intervention de l'Etat : SMIC...).

Ainsi, au-delà de ce seuil, toute politique de relance est inefficace et ne fait qu'accroitre l'inflation. A long terme, les entreprenneurs et les salariés vont s'apercevoir qu'ils ont été victimes d'une "illusion monétaire" : les premiers constatent que la demande a été surévaluée, les seconds que le salaire réel n'a pas augmenté. L'offre et la demande de travail vont donc être révisés à la baisse. Le niveau de chomage va retrouver son point de départ, mais l'inflation va rester... A long terme, la courbe de Phillips est verticale ! Friedman condamne les politiques de relance et préconise une création monétaire à taux constant.

Le "chômage naturel" est un chômage incompressible, du à un mauvais fonctionnement du marché du travail, et cela à cause de mesures/lois prises : SMIC, allocations chômage...

Un autre monétariste (E.S Phelps) a également critiqué les relances keynésiennes : elles ont un effet pervers : il faut de plus en plus de chomage pour baisser de moins en moins d'inflation.

Pour critiquer Keynes, Friedman l'attaque sur le terrain de la consommation : la consommation, pour le Nobel 76, serait fonction du "revenu permanent" (anticipé et calculé en fonction de prévisions diverses : avancement...) et pas du "revenu courant" (revenu dont on dispose sur le moment).


* La théorie des "anticipations rationnelles" :

L'école des "anticipations rationnelles" traduit une radicalisation de l'approche monétariste : les politiques de relance seraient inefficaces, même dans le court terme. Elle part de l'hypothèse que les agents font des anticipations rationnelles : ils utilisent toutes les informations disponibles (passées et présentes) et disposent du bon modèle de l'économie (sous-entendu : le modèle monétariste). En cas de politique monétaire expansive, ils vont anticiper parfaitement le risque d'inflation et adopter un comportement qui rendra inefficace la relance économique : ils augmenteront leurs prix sans modifier le niveau de leur activité. Alors que Friedman admet que les politiques keynésiennes ont un effet à très court terme (cf "illusion monétaire"), les membres de l'école des "anticipations rationnelles" la nie catégoriquement. En fait, les anticipations ne sont plus adaptatives (Friedman) mais rationnelles. Ce courant, né dans les années 70, devient de plus en plus populaire car il expliquerait tous les échecs de relance.

Les membres influents de ce courant économique sont au nombre de quatre : Robert Lucas (prix Nobel 1995) [Université de Chicago], T.J Sargent [université du Minnesota], Robert Barro et Wallace. Leurs thèses étaient si destructrices vis-à-vis de celles de Keynes qu'on les surnomma "les quatre cavaliers de l'Apocalypse". Le prix Nobel obtenu par Lucas montre bien que ces théories sont d'actualité (cf : Chirac). En fait, selon eux, une politique ne peut réussir que si les agents (Homo oeconomicus) sont surpris.


* Les théoriciens de l'offre :

L'économie de l'offre est purement libérale : elle préconise la baisse de l'imposition afin de relancer la concurrence qui s'en été trouvée affaiblie [rentabilité insuffisante] (concept de la concurrence pure et parfaite).

L'arbitrage entre le travail et le loisir est évoqué par la courbe de Laffer. Cette courbe met en relation recette fiscale et pression fiscale. Au fur et à mesure que la pression fiscale augmente, les recettes croissent jusqu'à un point maximum situé en A, à partir duquel elles décroissent malgré l'augmentation de la pression fiscale, pour redevenir nulles pour un taux d'imposition de 100%. A ce dernier taux, les agents économiques sont supposés cesser de chercher à gagner des sommes qui seraient intégralement reversées à l'Etat. Devant l'augmentation de la pression fiscale, deux phénomènes vont apparaitre :


Cette théorie a connu un grand succès au début des années 80 où elle inspira la politique économique de Ronald Reagan. Il faut aussi noter que cette thèse se résume de façon très simple : "Trop d'impôts tue l'impot". Vous remarquerez que c'était le thème de la campagne présidentielle de Jacques Chirac.


* Théorie du déséquilibre :

E. Malinvaud utilise la théorie dite de "l'équilibre général à prix fixe" (souvent appelée théorie du déséquilibre). Elle adopte une théorie opposée à celle des néo-classiques, celle de la rigidité des prix en courte période. Ces derniers ne s'adaptent pas assez vite pour assurer sur chaque marché l'équilibre de l'offre et de la demande. L'équilibre ne se réalise donc pas par ajustement des prix mais par ajustement des quantités : si l'offre est plus grande que la demande, certaines offres ne trouvent pas preneur et, réciproquement, si la demande est excédentaire, certaines demandes ne sont pas satisfaites.

L'originalité de la démarche régulationiste est quelle à une filiation triple; ils empruntent d'abord à la démarche marxiste (rôle central du rapport salarial définissant les relations entre salariés et employeurs, prise en compte du cadre historique), puis à Keynes (influence des rapports sociaux, rôle de la régulation par l'Etat, de la hausse de la demande des salariés dans la croissance), enfin aux institutionnalistes comme Galbraith (les organisations déforment les marchés : firmes, syndicats, Etats, groupes sociaux détournent les règles concurrentielles).


VOILA C'EST FINI !!! Désormais, vous serez des brutes en théories économiques (D.S au prochain Toxic Mag !). Pour vous récompenser, je vais vous donner mon opinion personnel (NDMoiMême : ils en ont rien à foutre, mais bon !) : je suis libéral, plus précisement monétariste et mon coeur oscille entre Friedman et Lucas... Eh oui ! Mais bon, je ne veux pas faire de propagande.

A la prochaine (cf D.S) !


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