Théories économiques
Par Cédric/QueST
J'en vois déjà qui gueulent en voyant le titre : on n'est pas
chez Pivot ! Je veux pas voir Lepers ! etc. Don't panic ! Aujourd'hui
je vais vous faire partager ma passion pour l'économie, en fait
pour les théories économiques. Cela pourra vous servir si vous
êtes en E.S ou tout simplement si vous voulez comprendre le
pourquoi du comment de la chose. Pour plus de commodité, les théories
sont dans l'ordre chronologique. Faîtes-moi confiance : après avoir
lu ce (long) texte, vous saurez tout sur l'économie et vous
pourrez torcher votre professeur d'économie (au Lycée uniquement,
parce qu'en Prépa, c'est moins sûr... ils sont forts les profs
d'éco, croyez-moi...). Bon, ne perdons pas de temps !
Let's go !
Pour vous récompenser, je vous dirai ma préférence à la fin
(si, si) mais pas les raisons pour (vous êtes jeunes et
influençables) [à moins que vous ayez au moins 18 ans...].
LES PRECURSEURS
Même si cela n'a pas d'intérêt probant pour comprendre la
suite, il me faut quand même vous parler des précurseurs de
l'économie. Outre Aristote qui reste le premier, il faut noter
deux courants importants : les Mercantilistes et les Physiocrates.
Les premiers sont très protectionnistes et pensent qu'une nation
doit reposer sur deux facteurs pour se développer : les hommes ("il
n'y a de richesses que d'hommes" Bodin) et l'or; en fait la main
d'oeuvre (armée...) et l'or pour acheter les armes. Les autres,
au contraire, prônent le libre commerce : ce sont les ancêtres du
courant libéral et probablement les maîtres à penser de Smith.
1) L'ECONOMIE CLASSIQUE/LIBERALE
La révolution industrielle est à l'origine de la pensée
classique, à deux points de vue : d'une part elle lui donne
l'exemple d'un nouveau mode de production, d'autre part, elle met au
premier plan la revendication libérale, celle des entrepreneurs.
Les représentants de cette école sont : Adam Smith (1723-90),
David Ricardo (1772-1823), Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Jean-Baptiste Say (1767-1832), John Stuart Mill (1806-73), Jean
de Sismondi (1773-1842).
Adam Smith (considéré comme le père fondateur de l'économie
politique) imagine la théorie de la "main invisible" : grâce à
l'intermédiaire du marché, l'intérêt général découle des intérêts
particuliers. Si chacun poursuit son intérêt privé, la "main
invisible" qui ajuste offre et demande assure la satisfaction de
tous les partenaires : chaque vendeur doit offrir la meilleure
qualité au moindre prix, cherchant à s'enrichir il tend à
augmenter sans cesse l'offre, il est donc à l'origine du progrès. Smith
en conclut "qu'il est conduit par une main invisible à remplir
une fin qui n'entre nullement dans ses intentions". R.L
Heilbronner résume ainsi la thèse de Smith : "les motifs égoîstes
de l'homme mènent le jeu de leur intéraction au plus inattendu
des résultats : l'harmonie sociale".
En ce sens, Smith rejoint Bernard de Mandeville et sa "Fable
des abeilles" : en cherchant leurs intérêts personnels, les
abeilles font vivre et prospérer la ruche; si tel n'était pas le cas,
la ruche serait condamnée à disparaître.
Pour Smith, la liberté du commerce et de l'entreprise est la
condition de l'enrichissement. La thèse libérale se construit
face à l'absolutisme et à l'interventionnisme mercantiliste.
Ainsi Smith préconise un Etat minimal, l'Etat-gendarme, qui se
limite à quatre domaines : défense extérieure, sécurité intérieure
(justice, police), biens publics (routes, édifices...) et
protection de la concurrence.
L'économie de marché est efficace : elle assure une allocation
optimale des ressources : les variations des prix permettent
d'orienter les facteurs de production en fonction des besoins.
Pour eux, le marché doit être concurrentiel, pas de
protectionnisme. Ils sont pour une "concurrence pure et parfaite"
(atomicité du marché, entrée libre, homogénéité des produits,
transparence des marchés, mobilité des facteurs).
La "loi des débouchés" (J.B. Say) affirme que tout ce qui est
produit peut être vendu (à un prix raisonnable); une crise
générale de surproduction, un engorgement général de l'ensemble
des marchés est impossibles. Certes, il est possible que sur
certains marchés, pour des produits déterminés et une durée
limitée, des excédents ne trouvent pas prenneur : mais ces crises
sont de nature provisoire : elles ne sauraient durer ni perturber
gravement le fonctionnement du système capitaliste; ce dérèglement
tient à une mauvaise répartition de la consommation, à une
adéquation défectueuse des capacités de production qui n'ont pu
suivre les déplacements de la demande; il ne peut être que
provisoire. [Précisions : J.B Say était un économiste français
(cocorico !) et sa fameuse "loi des débouché" reste un postulat
très discuté encore aujourd'hui; malgré sa simplicité apparente,
il est très problématique et divise les économistes.]
2) L'ECONOMIE SELON MARX
La théorie de la valeur-travail : les enseignements des
classiques anglais sont au centre de la construction
intellectuelle de Marx. Il en tire la notion d'exploitation : quand le travailleur
fournit au capitaliste son travail, ce dernier s'approprie la
valeur correspondante (mettons 12 heures), mais il ne lui rémunère
que pour l'équivalent de ce qu'il coûte en produits, lui et sa
famille (mettons 6 heures). La différence (ou plus value), c'est
l'exploitation, c'est-à-dire la valeur créée par le travailleur
qui revient au capitaliste. Quand le produit est vendu, cette
valeur-travail est transformée en monnaie, c'est le profit.
L'équation suivante permet de faire apparaître la notion :
M=C+V+Pl (M : valeur totale de la marchandise \ C : avances de capital fixe
et circulant (consommations intermédiaires) \ V : salaire (capital
variable chez Marx) \ Pl : plus-value) [Exemple :
100=40+30+30, le taux d'exploitation (Pl/V) est
30/30=100%. Le salarié travaille moitié pour lui, moitié
pour l'entreprise].
L'histoire de l'humanité est celle de la lutte des classes. La
succession de modes de production (esclavagisme, féodalisme,
capitalisme, socialisme) s'explique par les contradictions qui les
traversent. Chaque société est marquée par une opposition
violente, car une minorité d'exploiteurs vit des produits du travail de
la classe des exploités, on passe d'une société à l'autre quand
une classe l'emporte dans ce combat permanent. On voit ici
l'influence de la pensée dialectique que Marx emprunte à Hegel
(il avait fait partie d'un groupe de "contestataires", les
"jeunes hegeliens", avant de rompre avec l'idéalisme du maître).
La société est envisagée comme le résultat de l'opposition de
contraire, et non pas un ordre naturel univoque. Ainsi, le
capitalisme naît de la victoire de la bourgeoisie sur l'aristocratie
foncière. Le socialisme, dernier stade du développement
messianique, naîtra de la victoire des prolétaires sur la bourgeoisie,
pour la première fois une classe dominerait dans le but de
libérer l'humanité et non pour en opprimer une autre, la
dictature du prolétariat (socialisme) serait une transition vers
l'abolition des classes autrement dit une transition vers le
communisme.
L'accumulation amène l'expansion et le progrès, mais elle conduit le capitalisme à sa perte en provocant une "baisse
tendantielle du taux de profit". En effet, la concurrence oblige
l'entreprenneur à augmenter la part du capital fixe au détriment
de celle du travail. Or, seul le travail est créateur de valeur :
cette marchandise coûte moins d'heures de travail (salaire)
qu'elle n'en rapporte (temps de travail total). Cela conduit à
baisser le taux de profit (Pl/C+V), puisque, dans l'équation
M=C+V+Pl, C augmente alors que V et Pl diminuent. Si l'on ajoute
une contradiction corollaire, la concentration du prolétariat,
classe destinée à combattre le capital, on aboutit à l'idée d'une
confrontation finale.
Les classifications du capital (marxistes) : capital fixe (machines), capital constant, capital circulant, capital variable
(fonds de salaires). A noter que : capital constant/capital
variable = composition organique du capital.
Pour Marx, la crise économique est inéluctable. Son analyse
voue le capitalisme aux crises à court terme, à l'autodestruction
à long terme. Les crises cycliques sont inhérentes au système.
Chaque vague de prospérité attire l'investissement, mais il y a
suraccumulation car, du fait de l'exploitation, il ne peut y
avoir d'augmentation proportionnelle des débouchés solvables.
Faute de vendre des produits, les plus-values extorquées aux
travailleurs ne pourront être réalisées (transformées en profits)
il faut alors détruire les forces productrices excédentaires.
3) L'ECONOMIE NEO-CLASSIQUE
Le XIX siècle est traversé par des tensions croissantes : les
socialistes, qu'ils soient marxistes, anarchistes ou saint
simoniens, réclament une société plus juste, l'abolition de la
propriété privée des moyens de production. Le mouvement ouvrier
exige des réformes, une protection juridique et sociale, de multiples
courants humanistes dénoncent la condition ouvrière. C'est en
réaction à cette contestation que nait le courant néo-classique.
Défenseur acharné de la propriété privée et de l'ordre établi, il
reprend l'essentiel des positions de l'école classique mais il
doit en modifier plusieurs options théoriques jugées funestes à
la cause libérale, et d'abord celle qui à permis à Marx de
démontrer l'exploitation : la valeur-travail.
Les représentants de cette école sont : Léon Walras (1834-10),
Stanley Jevons (1835-82), Carl Menger (1840-1921), Vilfredo Pareto
(1848-1923), reprend l'oeuvre de Walras à Lausanne, Francis
Edgeworth (1845-1926) et Alfred Marshall (1842-1924) forment l'école
de Cambridge après Jevons, Bohm-Bawerk (1851-1914) et E. Von
Wieser (1851-1926), puis Von Mises (1851-1926) forment l'école
autrichienne très vivante avec Friedrich Von Hayek (1910-1992).
La valeur des biens : le retour à la thèse de J.B Say est le
pilier de la remise en cause du marxisme. Pour démontrer la
notion d'exploitation, il faut que le revenu de chaque agent
apparaisse comme indépendant de celui des autres. Si le profit et
le salaire sont les deux parts d'une même valeur entièrement
issue du meme travail comme le pensent les Classiques, alors la
lutte des classes pour son partage devient une réalité
incontournable. Si ce n'est le travail, c'est donc l'utilité, la
valeur d'usage, qui permet d'expliquer la valeur des biens. Mais
comment les comparer puisque l'utilité est une notion subjective ?
La difficulté est résolue par deux moyens : introduction de la
rareté (un bien vaut d'autant plus qu'il est moins abondant) et
médiation du marché (un bien vaut d'autant plus que plus
d'acteurs le convoitent). Mais comment les individus peuvent-ils
construirent leur propre échelle de valeurs ? Ils connaissent
l'utilité cardinale, propose Menger (c'est-à-dire absolue, une
note chiffrée est attribuée à chaque bien). Elle n'est pas
définissable, affirme au contraire Pareto (préférer la bière au coca
ne permet pas de dire combien de coca vaut une bière), on doit
donc se contenter de l'utilité ordinale (les biens sont donc
classés par ordre d'utilité).
Suivant l'enseignement du mathématicien et économiste français
Cournot (1801-77), Walras applique les mathématiques à l'économie.
Il construit dans ses "Eléments d'économie politique pure"
(1874), un modèle, c'est à dire un ensemble d'équations
représentant les objectifs de chacun des acteurs. Reprenant une idée déjà
présente chez Bentham, les néo-classiques considèrent que tous
les choix se font par la comparaison des valeurs limites : combien
me coûte une unité suplémentaire d'un bien, combien me
rapporte-t-elle ? Quel plaisir me vaut ce nouvel achat (utilité) ? De quel
plaisir alternatif (désutilité) me prive-t-il ? Quelle est l'utilité (salaire horaire) d'une heure de travail en plus ? Quel est
son cout (une heure de loisir en moins) ? Chaque bien vaut ce
qu'il rapporte en utilité à son acquéreur, il doit donc être payé
à son "utilité marginale". Deux biens de même utilité marginale
doivent avoir le même prix, c'est la loi de "proportionnalité des
utilités marginales et des prix". Elle permet de démontrer que le
prix de marché est garant de la meilleure satisfaction possible
pour tous les partenaires, acheteurs et vendeurs.
A la base du "libéralisme économique", il y a le droit de propriété privée des moyens de production. Chaque individu doit être
libre de fonder une entreprise et de vendre des produits, chaque
travailleur doit pouvoir vendre sa force de travail en échange
d'un salaire déterminé suivant la loi de l'offre et de la
demande, tous les contractants étant supposés égaux. L'économie
de marché orientée par la concurrence aboutit, pour les économistes les plus libéraux, à la satisfaction des consommateurs au
prix le plus bas possible, le profit récompensant les entreprenneurs les plus efficaces. L'intervention de l'Etat doit se
limiter à la mise en place et au maintien des conditions
permettant à la concurrence de se développer : instaurer et faire
appliquer une législation favorable à la propriété et à la concurrence... Parce qu'elle à pour base le droit de propriété
individuelle sur les biens de production et l'orientation de la
production par les détenteurs des moyens de productions, cette
situation de libéralisme économique n'est pas "naturelle". Elle
n'a pu se réaliser historiquement qu'à travers des
bouleversements sociaux importants : abolition de l'ordre féodal,
des coutumes... Certains estiment même que les conditions d'un
véritable capitalisme libéral ne sont pas encore réalisées par suite de
l'intervention de l'Etat et de l'insuffisante définition des
droits de chacun. La concurrence et le marché sont censés faire
parvenir l'économie à l'état social le meilleur. Chaque individu
reçoit la contrepartie exacte de ce qu'il apporte à la communauté
(différence entre ce qui est produit lorsqu'il travaille et ce
qui serait produit sans lui).
Les conditions de l'équilibre de marché sont définies dans la
notion de "concurrence pure et parfaite", c'est-à-dire une liste
de 5 hypothèses sans lesquels l'optimum ne pourra être atteint :
atomicité, homogénéité, transparence, fluidité, mobilité. Très
restrictives, elles conduisent à considérer le modèle d'équilibre
comme plus idéal que réaliste.
L'équilibre est nécessairement un équilibre de plein emploi.
En effet, le niveau de la production est déterminé par le marché
du travail. Tous les salariés qui acceptent de travailler au
niveau du salaire d'équilibre sont embauchés. Le chômage ne peut
être que volontaire : refus du travail au niveau du salaire
d'équilibre. Si la population active s'accroit, il suffit de
diminuer le niveau du salaire pour augmenter l'emploi.
4) L'ECONOMIE KEYNESIENNE
La thèse néo-classique fait une confiance aveugle dans le mécanisme régulateur du marché. Sans le mettre en cause, Keynes,
montre qu'il s'applique mal au cas particulier du marché du
travail. En effet, les travailleurs ne sont pas une marchandise
reproductible que l'on pourrait "écouler" en cas d'excédent
(chômage), ni multiplier en cas de pénurie (manque de travailleurs). L'ajustement par les prix suppose deux mouvements : baisse
de l'offre pour rentabilité insuffisante, hausse de la demande du
fait de la baisse du prix, mais :
* L'offre de travail ne baisse pas en cas de chômage. Les
chômeurs se présentent à l'embauche quelque soit le taux de salaire, car il faut bien vivre.
* La demande de travail n'augmente pas en cas de chômage car
c'est la "demande effective", c'est-à-dire les débouchés futurs
prévus par les entreprises, qui détermine le niveau de l'emploi.
Le taux de salaire n'est qu'une variable secondaire (bas, il facilite l'embauche), et non la principale : face à la saturation du
marché, il serait stupide d'embaucher même à un salaire dérisoire.
Donc la "demande effective" est la demande attendue par les
entreprises, demande qui détermine le niveau de production et de
l'emploi. Elle prend en compte les anticipations, c'est-à-dire
les hypothèses que retiennent les agents quand à l'évolution
future de demande (biens de consommation et biens de production).
Les propensions à consommer et épargner déterminent les tendances lourdes. Les salariés ont une forte propension à consommer,
leur dépense constitue la partie stable de la demande globale, un
bas niveau des salaires amène une saturation des débouchés. Par
contre, les capitalistes ont une forte propension à épargner, un
partage du revenu national qui leur serait trop favorable serait
source de surépargne, de sous consommation, donc de surproduction.
La répartition du revenu entre capitalistes et salariés est donc
un déterminant essentiel du niveau de la demande effective, et de
l'emploi. Leur croissance parallèle est donc indispensable pour
l'équilibre.
Une variation du revenu R, induit une variation de la consommation. Dans l'analyse keynésienne de la consommation, il y a une
relation entre une hausse du revenu et la part supplémentaire
consacrée à la consommation. Pour Keynes, une fonction de consommation relie les revenus (R) et la consommation (C), la propension
marginale à consommer (c) exprime la part des gains nouveaux
consacrés à la consommation supplémentaire :
L'efficacité marginale du capital, une notion keynésienne,
désigne l'espérance de rentabilité attendue d'un investissement
donné. Dès lors, il est évident que le flux effectif de
l'investissement courant sera grossi jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
aucune catégorie de capital dont l'efficacité marginale soit supérieure
au taux de l'intérêt courant.
Reprennant les travaux de J.F Kahn, John M. Keynes souligne le
rôle multiplicateur de l'investissement : investir c'est dépenser,
cela provoque une distribution de revenus dans le secteur
fournisseur, revenus eux-même dépensés, déclenchant une
deuxième vague de distribution de revenus, etc... Au bout d'un nombre 'n' de ces
vagues, le revenu national aura augmenté d'un certain multiple
par rapport à l'investissement initial. Ce "multiplicateur" (k)
est d'autant plus fort que l'épargne, ou les importations, qui
sont les 'fuites' de ce cercle vertueux, seront plus faibles et
la propension à consommer (des biens nationaux..) plus forte. Le
mécanisme fonctionne de même pour toute dépense, mais c'est
l'investissement qui est la partie variable et non la
consommation. On peut résumer ainsi : k = 1/(propension marginale à épargner)
La monnaie n'est pas neutre, elle joue un rôle actif. Déjà, pe
ndant la guerre, Keynes suggérait deux moyens de financer les
dépenses militaires : le premier est l'impôt, et le deuxième...
l'inflation qui allège les dettes mais ponctionne la catégorie
des épargnants. La théorie quantitativiste était retenue par les
néo-classiques dans la version de J.B Say : la monnaie étant un
voile, elle n'aurait aucune influence sur les phénomènes réels :
emploi, demande, investissement... Son abondance ou sa rareté
n'aurait d'effet que sur les prix. Keynes pense au contraire que
l'émission monétaire a un résultat réel en particulier sur la
variable-clé c'est-à-dire l'investissement. Les agents préfèrent
le présent au futur, donc la liquidité (monnaie détenue) aux
créances, les titres attestant un prêt, c'est-à-dire une
détention de monnaie dans le futur (affectée d'un risque, celui
de non-remboursement). L'intérêt est donc le prix de la liquidité,
le prêteur y renonce, l'emprunteur l'acquiert. Si la monnaie est
abondante, la liquidité devient plus facile à acquérir, le taux
d'intérêt doit diminuer, ce qui facilitera l'investissement (sans
le provoquer, c'est la demande effective qui est déterminante),
et inversement si la monnaie est rare. De ce fait, la politique
monétaire doit maintenir le taux d'intérêt à un niveau
suffisamment bas pour soutenir l'investissement, mais en veillant à ce
qu'il demeure rémunérateur pour l'épargnant sans qui le crédit et
la bourse seraient asséchés. Cependant, c'est la demande
effective qui est le déterminant essentiel de la conjoncture.
Comme elle est peu influencée par la politique monétaire, il est
inutile de recourir à une baisse exagérée des taux d'intérêt. En
deçà d'un taux plancher, la monnaie supplémentaire émise tomberait dans une 'trappe à liquidités' ne provoquant plus de demande
nouvelle.
Keynes a pris parti contre la "loi des débouchés" de Say. En
fait, il ne conteste pas le fait que l'offre induise une certaine
demande, mais le fait que cette demande soit automatiquement suffisante pour assurer l'égalité entre l'offre de produit et la
demande de produit. L'origine de ces décalages peut être multiple.
Elle peut se situer au niveau de la distribution des revenus.
Ainsi, les keynésiens actuels font remarquer qu'une fraction du
prix de vente correspond à l'amortissement du matériel utilisé,
rien ne garantit que les sommes mises de côté par l'entreprise
pour couvrir le coût de matériel ancien seront réinjectées dans le
circuit économique sous forme de revenus. L'origine du décalage
peut aussi, comme le montre Keynes, être liée à l'utilisation des
revenus : rien ne garantit que les revenus reçus soient dépensés en
totalité.
L'équilibre peut être de sous-emploi : rien n'assure que le niveau d'emploi offert par les entrepreneurs (en fonction de la
demande effective) coïncide avec le niveau de l'offre de travail
qui dépend de facteurs socio-démographiques. La baisse des salaires diminuera le pouvoir d'achat, donc la demande et aggravera le
chômage : il peut exister un chômage involontaire.
En cas de récession et de chomage, la relance est nécessaire,
l'Etat peut donc pratiquer un déficit budgétaire financé par
l'emprunt, le remboursement ne posera pas de problème car la
reprise entrainera une hausse des revenus et des dépenses donc
des impôts sur le revenu et la consommation. Pourquoi l'Etat ?
Parce qu'il est le seul agent à viser l'intéret général et non le
sien propre, on ne peut demander aux entrepreneurs d'investir à
contre-courant de la conjoncture, ils ne peuvent que la suivre,
donc l'aggraver...
Une politique économique est un aspect particulier d'une politique globale; elle comprend :
La politique de relance vise à stimuler la production et à
réduire le chomage; elle utilise le déficit budgétaire, stimule
l'investissement, les salaires et la consommation, facilite le
crédit... On distingue la relance par la consommation et la relance par l'investissement.
Si, à court terme, les effets d'une politique de relance sont
positifs, il n'en est pas de même à long terme. En effet, elle
entraine un endettement extérieur, un dégradation des taux de
change, une inflation importée, des tensions inflationnistes...
Pour en arriver au stade de la stagflation (période d'inflation,
chômage élevé et de baisse de l'activité économique). Il faut
donc une croissance économique pour assurer le succès d'une telle
politique, sous peine de déboucher sur la stagflation.
Les politiques de relance keynésiennes comportent un double
aspect. Le premier porte sur le soutient de la demande par des
mesures entrainant un déficit budgétaire. Le second consiste à ne
financer ce déficit que partiellement par l'emprunt et à l'accompagner d'une certaine abondance monétaire. La politique de Paul
Volker (président de la FED) de 83 à 87 en est un bon exemple :
devant l'échec sur l'emploi de sa politique, il décide de changer
de politique. La croissance de la masse de monnaie en circulation
devient plus forte. Cette conjonction nouvelle d'un déficit
budgétaire élevé et d'une politique d'abondance monétaire que
l'on a appelée "Mix Policy" est caractéristique des politiques de
relance keynésiennes.
5) JOSEPH ALOIS SCHUMPETER (1883-1950)
Schumpeter était un économiste autrichien. Elève de
BohmBawerk et éphémère ministre des finances de son pays, il
deviendra professeur d'économie en 1909. En 1932, il devient
professeur à Harvard.
Sa théorie repose essentiellement sur les "cycles".
Le mouvement cyclique fondamental comprend 2 phases :
Dans la première phase, l'économie s'écarte progressivement
d'une situation d'équilibre initial qui correspond à l'équilibre
stationnaire Walrasien. Cette situation est favorable aux innovations, car elles naissent surtout dans des conjonctures stables,
qui évitent/limitent le risque d'échec [Remarque : innovation et
invention sont deux choses différentes : l'innovation représente
une invention qui est rentrée dans le circuit économique].
Quand elles aboutissent à des succès, les innovations
suscitent des immitations. Durant cette période, "l'entreprenneur
innovateur" conquiert d'abord des nouveaux marchés et encaisse
des profits de monopole. Mais la concurrence (imitateurs)
risque de lui laminer ses avantages initiaux.
Dans la deuxième phase, l'économie passera dans la période de
récession : les innovations sont désormais généralisées et la
concurrence exerce ses effets pleinement. Les avantages relatifs
des "entreprenneurs innovateurs" ont complètement disparu. Dès qu'une
nouvelle "grappe" d'innovations est mise en place, une nouvelle
phase de prospérité s'enclenche.
* La "vague secondaire" ou les 4 phases du cycle : la prospérité et
la récession constituent la vague primaire du cycle. Ce sont les
innovations et leur diffusion qui rythment la vague. Mais sur
celle-ci vient se superposer une "vague secondaire", née de la
première, et qui en amplifie considérablement le profil. Alors que
la primaire est plus importante qualitativement, la secondaire est
plus importante quantitativement.
Cette superposition conduit à un cycle en 4 phases :
* Les "3 cycles" : si les innovations sont à l'origine des cycles,
il n'en résulte pas pour autant qu'elles donneront naissance à un
seul mouvement. Ainsi, différents cycles vont se superposer. Ils
sont au nombre de 3 :
Pour Schumpeter, il y a 6 Juglar dans un Kondratieff, et 3
Kitchin dans un Juglar.
* "L'entreprenneur Schumpeterien" : l'innovation est la fonction
spécifique de "l'entreprenneur". Ces individus sont mus par la
recherche du profit, que Schumpeter distingue, comme les
néo-classiques, de l'intérêt du capital. Dans le circuit
Schumpeterien, le profit est nul : les produits sont vendus à un
prix qui permet juste de rémunérer les services productifs des
facteurs. Pour dégager un profit positif, il faut innover, afin de faire
sortir l'économie du circuit. Contrairement à l'entreprenneur de
Walras, celui de Schumpeter est un "agent de déséquilibre
créateur". Le profit des entreprenneurs ne peut qu'être
provisoire : ils luttent contre la tendance permanente de l'économie à retomber
dans le circuit. Ainsi, cet entreprenneur, imaginatif et ardent,
est le héros solitaire du progrès.
* Le "processus de destruction créatrice" : comme nous l'avons vu,
l'innovation est un processus de déséquilibre. Quand le progrès
arrive, on assiste à l'élimination des éléments périmés de la
structure économique. Il y a donc une révolution permanente à
l'intérieur de la structure économique, avec une destruction
continuelle des éléments vieillis : l'ouragan de la "destruction
créatrice" fait régulièrement table rase du passé pour libérer la
voie aux industries et aux marchés nouveaux. Cela constitue donc
la donnée fondamentale du capitalisme.
* La fin du capitalisme ? Dans son livre "Capitalisme, socialisme
et démocratie", Schumpeter prédit, comme Marx (mais pas pour les
mêmes raisons), la fin du capitalisme. Alors que Marx l'annoncait
par la "baisse tendantielle du taux de profit", Schumpeter avance
d'autres arguments. A la question "le capitalisme peut-il
survivre ?", il répond "non, je ne crois pas qu'il le puisse !".
Pourquoi ? Le capitalisme avait aux yeux de Joseph Schumpeter le charme
d'un combat chevaleresque. Pour lui, le capitalisme vivait grâce à
des entreprenneurs se conduisant comme des chevaliers.
L'impulsion provenait toujours d'hommes assez audacieux pour
innover, tenter des expériences, parier sur l'expansion. Mais ce type
d'hommes se faisait de plus en plus rare. Pire encore : il était
détruit par sa propre civilisation. Si audacieux que fut le
capitaliste, sa civilisation était batie avant tout sur une
attitude rationnelle, curieuse et sceptique. "L'argent n'est pas tout !"
disaient les intellectuels, instaurant un doute sur la valeur de
l'attitude consistant à gagner de l'argent pour de l'argent. De
plus, le capitalisme se rongeait de l'intérieur : les grandes
firmes étaient de plus en plus conservatrices (dans les
initiatives économiques). Le capitaliste laissait la place au
gestionnaire, oubliant de ce fait le goût du risque et des richesses
infinies. Le capitalisme se démoderait, et il disparaîtrait
devant le socialisme, sans éclat ni regret. Le socialisme,
inévitable produit de la démocratisation, de l'embourgeoisement
général, du rôle croissant des intellectuels, l'emportera. Il
pourra survivre et fonctionner avec la planification. Mais s'il
gagne, ce ne sera pas pour les raisons imaginées par les
socialistes. En fait, Schumpeter annonce, avec tristesse,
la fin prochaine du capitalisme...
* Remarques finales : on peut tirer deux idées de tout cela. Tout
d'abord, Schumpeter s'est trompé : le capitalisme, malgré des hauts
et des bas, vit et vivra encore pendant longtemps. Sa fin n'est
pas à l'ordre du jour. Par contre, au niveau des cycles, il avait,
semble-t-il, tout à fait raison : la durée exceptionnelle de la
crise actuelle viendrait du fait que nous sommes dans la phase B
d'un Kondratieff (donc 30 ans de récession). Ceci expliquerait
aussi le regain d'intérêt pour cette thèse : Chirac et Barre ont
annoncé que nous avions 25 ans de croissance devant nous (= phase
A d'un Kondratieff).
6) LES COURANTS CONTEMPORAINS
Dès le début de son existence, le courant néo-classique a été
critiqué par ses propres membres. Ces contestations ont entrainé
l'apparition de nombreux sous courants, plus ou moins influents,
plus ou moins importants mais qui reposent tous sur la
non-intervention de l'Etat, c'est-à-dire la base même du libéralisme.
* Les monétaristes :
Le chef de file de ce courant est Milton Friedman, prix Nobel
d'Economie 1976 et professeur à la célèbre Université de Chicago
(berceau de l'ultra libéralisme). Ce courant repose sur le
postulat de la "théorie quantitative de la monnaie", laquelle
affirme qu'il existe une relation entre la masse monétaire en circulation
et le niveau général des prix : ainsi, l'inflation provient
toujours d'une surabondance de la masse monétaire.
A partir des années 70, la stagflation (chomage élevé +
inflation élevée) sonne le glas de l'hégémonie des politiques
keynésiennes, cheval de bataille des "Trente Glorieuses"
(avec les politiques de "stop and go"). Elle remet en cause la pertinence
de la courbe de Phillips, qui montrait qu'un taux d'inflation
élevé correspondait à un taux de chomage faible, et inversement.
Cette courbe, très en vogue durant les "Trente Glorieuses", se
voyait donc remise en question.
La courbe de Phillips (économiste néo-zélandais) montre la
relation qu'il existe entre le chomage et l'inflation. En effet,
le taux de chomage varie en sens inverse du taux d'inflation. De ce
fait, la courbe de Phillips suggère la possibilité d'un arbitrage
entre inflation et chomage. Elle fournit une justification
empirique aux politiques de régulation conjoncturelle : on peut
combattre le chomage par une politique de relance à condition
d'accepter un certain niveau d'inflation. L'apparition de la
stagflation, à partir de 1973, mettra en cause cette relation
statistique.
Milton Friedman mettra en cause la validité de la courbe de
Phillips dès 1968. Pour lui, il existe un taux de chomage naturel
incompressible qui s'explique par les imperfections du
fonctionnement du marché du travail (en fait, la cause vient de
l'intervention de l'Etat : SMIC...).
Ainsi, au-delà de ce seuil, toute politique de relance est
inefficace et ne fait qu'accroitre l'inflation. A long terme, les
entreprenneurs et les salariés vont s'apercevoir qu'ils ont été
victimes d'une "illusion monétaire" : les premiers constatent que
la demande a été surévaluée, les seconds que le salaire réel n'a
pas augmenté. L'offre et la demande de travail vont donc être
révisés à la baisse. Le niveau de chomage va retrouver son point
de départ, mais l'inflation va rester... A long terme, la courbe de
Phillips est verticale ! Friedman condamne les politiques de
relance et préconise une création monétaire à taux constant.
Le "chômage naturel" est un chômage incompressible, du à un
mauvais fonctionnement du marché du travail, et cela à cause de
mesures/lois prises : SMIC, allocations chômage...
Un autre monétariste (E.S Phelps) a également critiqué les
relances keynésiennes : elles ont un effet pervers : il faut de
plus en plus de chomage pour baisser de moins en moins d'inflation.
Pour critiquer Keynes, Friedman l'attaque sur le terrain de la
consommation : la consommation, pour le Nobel 76, serait fonction
du "revenu permanent" (anticipé et calculé en fonction de
prévisions diverses : avancement...) et pas du "revenu courant"
(revenu dont on dispose sur le moment).
* La théorie des "anticipations rationnelles" :
L'école des "anticipations rationnelles" traduit une
radicalisation de l'approche monétariste : les politiques de
relance seraient inefficaces, même dans le court terme. Elle part de
l'hypothèse que les agents font des anticipations rationnelles :
ils utilisent toutes les informations disponibles (passées et
présentes) et disposent du bon modèle de l'économie
(sous-entendu : le modèle monétariste). En cas de politique monétaire expansive,
ils vont anticiper parfaitement le risque d'inflation et adopter
un comportement qui rendra inefficace la relance économique : ils
augmenteront leurs prix sans modifier le niveau de leur activité.
Alors que Friedman admet que les politiques keynésiennes ont un
effet à très court terme (cf "illusion monétaire"), les membres
de l'école des "anticipations rationnelles" la nie
catégoriquement. En fait, les anticipations ne sont plus
adaptatives (Friedman) mais rationnelles. Ce courant, né dans les années 70,
devient de plus en plus populaire car il expliquerait tous les
échecs de relance.
Les membres influents de ce courant économique sont au nombre
de quatre : Robert Lucas (prix Nobel 1995) [Université de Chicago],
T.J Sargent [université du Minnesota], Robert Barro et Wallace.
Leurs thèses étaient si destructrices vis-à-vis de celles de
Keynes qu'on les surnomma "les quatre cavaliers de l'Apocalypse".
Le prix Nobel obtenu par Lucas montre bien que ces théories sont
d'actualité (cf : Chirac). En fait, selon eux, une politique ne
peut réussir que si les agents (Homo oeconomicus) sont surpris.
* Les théoriciens de l'offre :
L'économie de l'offre est purement libérale : elle préconise la
baisse de l'imposition afin de relancer la concurrence qui s'en
été trouvée affaiblie [rentabilité insuffisante] (concept de la
concurrence pure et parfaite).
L'arbitrage entre le travail et le loisir est évoqué par la courbe de Laffer. Cette courbe met en relation recette fiscale et pression fiscale. Au fur et à mesure que la pression fiscale augmente, les recettes croissent jusqu'à un point maximum situé en A, à partir duquel elles décroissent malgré l'augmentation de la pression fiscale, pour redevenir nulles pour un taux d'imposition de 100%. A ce dernier taux, les agents économiques sont supposés cesser de chercher à gagner des sommes qui seraient intégralement reversées à l'Etat. Devant l'augmentation de la pression fiscale, deux phénomènes vont apparaitre :
Cette théorie a connu un grand succès au début des années 80
où elle inspira la politique économique de Ronald Reagan. Il faut
aussi noter que cette thèse se résume de façon très simple : "Trop
d'impôts tue l'impot". Vous remarquerez que c'était le thème de la
campagne présidentielle de Jacques Chirac.
* Théorie du déséquilibre :
E. Malinvaud utilise la théorie dite de "l'équilibre général à
prix fixe" (souvent appelée théorie du déséquilibre). Elle adopte
une théorie opposée à celle des néo-classiques, celle de la
rigidité des prix en courte période. Ces derniers ne s'adaptent
pas assez vite pour assurer sur chaque marché l'équilibre de l'offre
et de la demande. L'équilibre ne se réalise donc pas par
ajustement des prix mais par ajustement des quantités : si
l'offre est plus grande que la demande, certaines offres ne
trouvent pas preneur et, réciproquement, si la demande est
excédentaire, certaines demandes ne sont pas satisfaites.
L'originalité de la démarche régulationiste est quelle à une
filiation triple; ils empruntent d'abord à la démarche marxiste
(rôle central du rapport salarial définissant les relations entre
salariés et employeurs, prise en compte du cadre historique), puis
à Keynes (influence des rapports sociaux, rôle de la régulation
par l'Etat, de la hausse de la demande des salariés dans la
croissance), enfin aux institutionnalistes comme Galbraith (les
organisations déforment les marchés : firmes, syndicats, Etats, groupes
sociaux détournent les règles concurrentielles).
VOILA C'EST FINI !!! Désormais, vous serez des brutes en
théories économiques (D.S au prochain Toxic Mag !). Pour vous
récompenser, je vais vous donner mon opinion personnel
(NDMoiMême : ils en ont rien à foutre, mais bon !) : je suis
libéral, plus précisement monétariste et mon coeur oscille entre
Friedman et Lucas... Eh oui ! Mais bon, je ne veux pas faire de
propagande.
A la prochaine (cf D.S) !