Un brin de Nostalgie



Par QueST



Souvent, quand je ne sais pas trop quoi faire ou que j'ai le blues, je relis ma collection de magazines informatiques. Oh, bien sûr, je n'ai pas l'intégrale des TILT ou des JOYSTICK mais suffisamment pour m'occuper un bon moment... Et, comme toujours, la lecture des plus anciens numéros éveille en moi des sentiments étranges, voire nostalgiques... Aussi, hier, quand j'ai eu fini de relire pour la n-ième fois la totalité des magazines, je me suis surpris à marmonner une phrase bien mélancolique : "Rien ne sera plus jamais comme avant...". Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir touché à l'informatique à ses débuts, avec ma bonne vieille Coleco Vision et ses jeux géniaux (PitFall, Donkey Kong, Looping...) et la légendaire VCS 2600 (avec Space Invaders)... ou bien si c'est mon côté économiste / sociologue qui marche en tâche de fond, mais cette lecture m'a fait réfléchir !


Au début, les jeux ne reposaient pas sur les prouesses techniques (la VCS avec ses 4Ko de RAM était loin des bécanes actuelles, c'est le moins que l'on puisse dire !) mais sur deux autres intérêts : d'une part l'intérêt du scénario (à l'époque tout était pour ainsi dire nouveau : ce furent les bases des jeux actuels et tout était sujet à émerveillements...) et d'autres part les scénarii que l'on se faisaient, dans notre tête, pour pallier les insuffisances techniques... Et quels scénarii ! On imaginait le bruit des réacteurs, les bruits des missiles, on imaginait des histoires dont on était les héros. Ces jeux valaient d'autant plus qu'ils déclenchaient en nous des histoires plus ou moins délirantes, plus ou moins passionnantes... Tout ce qui manquait aux jeux, on l'apportait nous-même.


Désormais, les jeux sont beaux (doux euphémisme !) et intéressants avec des scénaristes professionnels (Spielberg / Lucas...). De vrais superproductions Hollywoodiennes, comme le montre Wing Commander IV. Tout pour plaire! Et pourtant, quelque chose manque. On n'a plus rien à apporter à ces jeux quasi parfaits, et c'est peut être ça le problème justement. La magie de l'imagination ne joue plus... Le jeu vidéo est passé du stade de la passion au stade de la raison.


Au début de l'informatique, les constructeurs étaient nombreux, les standards s'affrontaient, disparaissaient de façon plus ou moins éphémères. Cette multitude, cette anarchie a probablement découragé pas mal de gens, ce qui fait que pendant les premières années, il y a eu des hauts et des bas et que l'informatique est resté un monde de passionnés... Ceux-ci ne juraient que par la qualité technique des machines car ils se projetaient déjà dans l'avenir, ils imaginaient les jeux du futur... Ce furent les années d'or de l'informatique, les grandes découvertes, les premières vocations... Le début d'un règne !


Mais, quand les constructeurs devinrent plus rares, quand le choix devint plus restreint, l'informatique devint moins anarchique, plus cernable, plus stable... plus populaire ! Ce fut la démocratisation de l'informatique, au début des années 80. Des machines glorieuses apparurent : l'Apple 2, l'IBM P.C (!!), le C64, l'Atari ST, l'Amiga... Tant que les acheteurs ne regardaient que les capacités techniques des machines, misant sur de futurs jeux exceptionnels, tout alla pour le mieux : les Mac, ST et autres Amiga se développèrent à toute vitesse. Le PC était alors considéré uniquement comme un outil de travail.


Mais, la rupture n'en fut que plus violente : reposés sur leurs lauriers, ATARI, COMMODORE et APPLE ne virent pas arriver le changement radical dans l'attitude des acheteurs : les passionnés, toujours existants, devinrent minoritaires face à la majorité des novices qui désiraient découvrir ce nouveau monde fascinant. La technique devenant de plus en plus pointue, elle fut occultée par le résultat visible par tous, du passionné au blaireau moyen : la qualité des programmes existants et non pas à venir. On ne voulait plus rêver mais consommer de suite : le rêveur était devenu épicurien ! Ce changement fut fatal aux pionniers de l'informatique, qui croyaient encore aux rêves éternels et sans limites des consommateurs... Mais c'était sans compter sur la logique de marché.


Comme l'a remarqué Schumpeter (les lecteurs du Toxic-Mag doivent connaître ce nom s'ils ont lu mes textes... Je reconnais certes que ce genre de théories économiques peut paraître chiantes à certains [la majorité ?] lecteurs... Mais en voici l'application concrète...), le système capitaliste vit grâce à un personnage essentiel : l'entreprenneur-innovateur. Au cas où certains n'auraient pas lu mes textes (mmh ?), je résume pour bien comprendre ou pour rafraîchir leur mémoire : l'entrepreneur innovateur, qui rêve de richesses illimitées, prend des risques (pour peu que la conjoncture soit favorable) en mettant sur le marché une "innovation" (c'est à dire la version commerciale d'une "invention")... Il imagine et construit un nouveau marché, espérant gagner beaucoup d'argent. Il est à l'origine des grands cycles économiques (Kondratieff [50 ans]) qui font progresser le monde. Il est d'ailleurs coutume de dire que l'informatique représente la dernière révolution industrielle en date.


Ainsi, ces grands visionnaires que sont Steve Jobs, Jack Tramiel, Nolan Bushnell et Co (non, non pas Bill Gate$ ! Lui il fait partie de la vague secondaire... ;-) ont construit un nouveau marché en recherchant des richesses nouvelles. Mais, comme l'a fait remarquer Schumpeter, les innovations arrivent par "grappe" : une innovation principale et d'autres, mineures (comme Gates !) qui en découlent. Ainsi, la disquette, le CD... font parties des innovations secondaires découlant de ce marché principal qui est l'informatique.


Le problème c'est que ces visionnaires ne cessent de rêver de richesses et de marchés porteurs. Or, toujours selon Schumpeter, une innovation qui marche suscite la convoitise et la copie : après saturation, le marché décline (25 ans de croissance et 25 ans de dépression = 50 ans d'un Kondratieff). Si vous voulez, Tramiel, Jobs and Co imaginent la prochaine phase d'innovations principale. Ils ont toujours plusieurs décennies d'avance... Ils s'éloignent de la logique de marché pendant cette période de décalage : ils restent visionnaires alors que les autres se font gestionnaires. Les américains inventent, les japonais développent: cette phrase est assez représentative de la situation actuelle. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que Schumpeter (encore lui !) avait imaginé cet état de fait : le gestionnaire prend le pas sur le visionnaire. Les déboires de Nolan Bushnell (CDTV...), de Tramiel (Falcon...) en sont la preuve concrète.


C'est pourquoi les plus mythiques sociétés d'informatique (les pionniers) ont du mal à survivre : ils ne sont pas fait pour gérer mais pour créer. Le fait que l'argument de vente ne soit plus la qualité technique de la machine, son avance technologique... mais la qualité des softs leur est fatale. Aujourd'hui, le pouvoir n'appartient plus aux constructeurs mais aux éditeurs; or ceux-ci sont bien plus gestionnaires que visionnaires : ils ne prennent plus de risque sans être sûr d'obtenir un bon profit... Ce qui assez incompatible !


C'est pourquoi le marché est figé; seul le PC peut remplir les critères du fait de sa philosophie : on peut l'améliorer par petits bouts, les prix baissent vite et il est compatible... Certes, les tares sont nombreuses mais il remplit les conditions nécessaires à sa survie, ce qui satisfait la majorité des acheteurs. Bien sûr, quand une machine sort chez un des "rois déchus", c'est toujours un grand moment, tout le monde se met à rêver, on redevient passionnés... Mais, après, tout retombe et, finalement, on redevient gestionnaire. Regardez le cas de la Jaguar, c'est totalement ça ! Rien que le nom d'Atari, malgré de (nombreuses) bourdes, continue d'attirer les foules sauf les éditeurs. D'où les échecs successifs. Toutefois, il ne faut pas oublier que la firme de Sunnyvale a été la première à implanter un DSP dans un ordinateur grand public (le NeXT n'entrant pas dans cette catégorie, je pense que tout le monde l'admettra...), elle a été également la première à faire une portable couleur (Lynx), la première à sortir une console "next generation", même en avance de deux générations (64-bit)... Et aujourd'hui, force est de constater que c'est monnaie courante : dans toutes les machines on trouve des DSP... De même, Atari a été un des premiers à mettre au point un lecteur de CD pour sa gamme ST, et ce il y a bien plus de dix ans !


D'ailleurs, il est intéressant de noter que Jack Tramiel a toujours considéré le CD ROM comme éphémère car trop lent : il pensait que dans le futur les unités de stockage seraient des cartes type cartes de crédits très rapides (style Card de PC Engine). On verra bien s'il a raison... En fait, il est aussi intéressant de noter qu'il a recentré ses activités sur JTS, qui fait des unités de stockage... Hum... Je me fais peut être des idées mais...


Mais fermons là cette parenthèse.


Aujourd'hui, donc, les visionnaires affrontent les gestionnaires : les premiers ont des idées géniales, les autres les fonds nécessaires et la notoriété (auprès des éditeurs). Il est certain que tôt ou tard les gestionnaires vont devoir progresser pour relancer les ventes et continuer à gagner de l'argent, mais cela ne sera encore qu'une innovation mineure... Que de temps perdu...


Mais l'informatique n'est pas un cas à part; c'est en quelque sorte la logique du marché qui veut cela. Les firmes qui ont imaginé l'automobile, l'aviation, les produits électroménagers... ont toutes presque disparu. Le plus dur pour elles est de se transformer, de changer leur philosophie : de visionnaires elles doivent accepter de devenir gestionnaires et de stagner ou du moins d'avancer au pas, au rythme des consommateurs...


Il reste au moins aux fondateurs le plaisir de figurer comme tel dans les annales et les dictionnaires... On regrette toujours de n'avoir pas suivi tel ou tel dans un projet jugé trop ambitieux, car on se dit qu'il aurait pu changer pas mal de choses... Et puis, on se demande toujours ce que tel ou tel, s'il avait encore été là, aurait fait, imaginé, créé... Ceux que l'on regrette le plus, au fond, ce sont les pionniers car ils nous ont fait rêver et continuent encore quelque part. Aussi, une partie à deux de Space Invaders ou Combat sur VCS 2600 réveillent en nous des sentiments, images, sensations... que l'on n'avait jamais remarqués ou tout simplement oubliés... Et, tel Proust trempant sa madeleine dans le café et revoyant son enfance, on revit le passé, on revient aux origines et on apprécit les bienfaits de cette époque désormais révolue où tout n'était que magie.


Voilà pourquoi, de temps à autres, je relis tous mes magazines d'informatique : pour ne pas oublier et rêver encore une fois...


Rêver à ce qui aurait pu se faire ou ne pas se faire...


Lao Tseu a dit "qu'un rêve qui reste un rêve reste un rêve"... Certes...


Mais rien ne sera plus jamais comme avant...






Je me réveille en sursaut. La pièce est plongée dans les ténèbres et l'écran de la télévision me renvoie l'image de Space Invaders. Mes mains sont toujours crispées sur le joystick de la VCS 2600.


Je jette un coup d'oeil à l'écran digital du magnétoscope : 2h16 du matin... Le silence est complet dans la maison; tout le monde dort. On dirait même que le temps s'est arrêté...


Je reprends peu à peu mes esprits et me sens gagné par un sentiment étrange, mélange à la fois de tristesse et de satisfaction. Comme une plénitude intérieure... Quelque chose de rassurant et paisible mais dont l'image s'estompe au fur et à mesure que je reprends mes esprits, que je reviens à la réalité; comme quand on vient de revisiter un Paradis perdu, gravé à jamais au fin fond de sa mémoire...


Mais, désormais, une chose est sûre et me rassure : la magie opère toujours...






2 A.M.


(Bayley / Gers / Harris)


I get in from work at 2 a.m.
And sit down with a beer
turn on late night TV
And then wonder why I'm here
It's meaningless and trivial
And it washes over me
And once again I wonder
Is this all there is for me
Here I am again
Look at me again
Here I am again
On my own
Trying hard to see
What there is for me
Here I am again
On my own
Life seens so pathetic
I wish I could leave it all behind
This canvas chair, this bed,
These walls that fall in on my mind
Hold on for something better
That just drags you through the dirt
Do you just let go or carry on
And try to take the hurt
Here I am again
Look at me again
Here I am again
On my own
Trying hard to see
What there is for me
Here I am again
On my own




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