Cédric/QueST
(PS : NdMM = Note de moi-même)
Pensée du jour : "L'Eternité c'est long... surtout vers la fin..."
Alphonse Allais
Les lecteurs observateurs n'auront pas manquer de remarquer
(NdMM : à répéter très vite !) que ce titre leur est familier : je
l'avoue, je l'aime beaucoup et nombre de mes textes portent un nom
similaire ("Piece of Mind" en particulier [2 textes que vous pou-
vez vous procurez chez The Beast/Typhoon collection "Toxic Mag"
(N° 12 et 13...)]) [NdTB : j'ai inclus le texte "PIECE OF MIND" de
Quest à la fin de celui-ci]. Tout a commencé un samedi soir vers
19h30, lorsqu'une lueur... bon OK ! on s'en cogne! Donc revenons à
nos moutons : le sujet de ce n-ième "Piece of..." : les conneries
que l'on nous innocule à l'école, et ce à tous les niveaux. Ceux
qui me connaissent un peu savent (ou se doutent) que je déteste
les Maths. Si, si! I fuck maths! C'est physique... Et cela remonte
à la nuit des temps...
... enfin presque
Tout a commencé au CP quand je me faisais régulièrement battre par
un petit merdeux (qu'il est toujours, du reste...) du nom de T. S.
Oui, je sais! Mais non, je ne mettrai pas son nom ici! Par contre,
si vous tenez vraiment à le connaître [j'en vois qui commence à
douter : "Et si c' était moi le pisseux du CP?", "J'étais bon en
maths au CP... Peut-être était-ce moi qui le séchait régulière-
ment ?"], écrivez-moi (The Beast a mon adresse [NdTB : elle se
trouve dans la rubrique "LIBRE EXPRESSION"]) et je vous communi-
querai son nom (que je maudis sur trois génération) [ne riez pas :
j'ai fait du vaudou et des rites occultes, en vain...]. En tout
cas il est toujours resté demi nain, aussi je ne me suis pas man-
qué totalement... Non mais...
Mon problème, en fait, c'est que je déteste perdre... Je suis très
mauvais joueur, c'est pourquoi seul l'ordinateur veut encore jouer
avec moi (et encore!). D'où mon surnom: "la poisse" (Backlash): je
reviens toujours quand on ne m'attend pas. Aussi, beaucoup d'entre
vous, en lisant cela [NdMM : je veux pas être pessimiste mais je
pense que tous les lecteurs se sont déjà tirés pour aller lire les
last news musicales de St Survivor ou la rubrique humour de The
Beast... Enfin, pour les irréductibles (et mes fans!?), je pour-
suis...], se disent que j'ai sans doute essayé de me surpasser en
maths pour le battre (ou que je me suis arrangé pour lui casser la
tête en sport)... En fait les deux... Tout d'abord, j'ai pensé
l'éclater discrètement mais en vain... j'ai toujours échoué...
Alors je me suis résigné à essayer de comprendre les maths et là,
j'ai eu une révélation (en lisant Pyta-gore) : les maths était une
aliénation de l'esprit, une perversion mentale, Jordy (avant sa
naissance)... bref: le Chaos cosmoplanétaire réincarné! Je sais ce
que vous pensez: j'étais précoce en terme de réflexions métaphysi-
ques... Dommage que cela ne fut pas le cas en maths...
A partir de ce moment là, il fallait approfondir ma réflexion et
avertir le monde du danger encouru par les cerveaux au contact des
maths. Ce fut ma croisade pendant les années qui suivirent...
Il y eut une pause en 6ème et en 5ème, mes notes en maths remon-
tant... Mais l'embellie fut de courte durée : dès la 4ème, le cau-
chemard recommenca de plus belle... Ma croisade aussi... A partir
de la 1ère (en 2nde, j'étais parti pour faire une section S : j'a-
vais été contaminé... Mais j'ai réussi à m'en sortir), j'ai eu ac-
cès à ma matière préférée : la macroéconomie. A partir de là, ma
moyenne générale remonta et je réussis à narguer mes collègues ma-
theux... Je leur assurais que j'irais plus loin qu'eux... Pour
combler mon handicap en maths, j'ai du me surpasser partout ail-
leurs (ce qui s'est avéré bénéfique par la suite)... Jusqu'au Bac
où, malgré un 9 de merde en maths, je réussi à passer tranquille
(grâce à un 15 en économie, surtout...).
Je réussis, malgré un avis réservé en maths (tu parles...), à en-
trer en Prépa H.E.C. Exactement ce que je voulais... Restait, of
course, le problème des maths...Mais j'avais une lueur d'espoir...
Peut-être que le programme et les profs étaient meilleurs à ce ni-
veau-là...
La rentrée scolaire arriva...
C'est alors que je l'ai vu, son crâne lisse brillant dans l'in-
tense clarté du soleil de septembre, ses lunettes d'écailles sur
son regard vicieux : c'était lui... Etienne M., surnommé plus
tard "Creutzfeld-Jacob" [NdTB: juste un mot pour dire que la mala-
die de Creutzfeld-Jacob est l'équivalent chez l'homme de la mala-
die de la vache folle], "bijector"... Le Monstre aux Mille théo-
rèmes: "Ça"...
... Le Cauchemar des Maths Spé...
Dès les premiers instant, j'ai compris que cela allait chier...
Et la prophétie s'est réalisée...
Même les meilleurs en maths se sont fait exploser la tronche par
le tueur...
Depuis septembre, je stationne à 6 de moyenne (mon record étant 6
2/3, le pire étant 2,213...). Oui, je sais, il y a trois chiffres
après la virgule... Ce type est fou... Pour information, il note
les D.S sur 50 3/4... Imaginez quand il veut revenir sur 20...
En plus de cela, comble de l'horreur, il nous file des cours de
mathématiques en Turbo Pascal sur PC... La triple horreur...
En fait, le gros problème de ce type, c'est son Q.I (qui doit être
redoutable !) : ses bras (et nos cerveaux) ne peuvent suivre son
cerveau : d'où des couilles dans nos copies et nombres "bugs" au
tableau...
Je tiens à ajouter que notre cher Etienne est dingue : il a collé
des 1/20 à des maths Spé (Math Sup 2ème année)!!!!!
C'est là, dans ce combat redoutable opposant le Bien et le Mal, et
dans lequel l'avenir du monde est en jeu, que la haute technologie
représente un allié décisif : la calculatrice est obligatoire pour
survivre!
Le constructeur Texas Instrument a créé la machine de rêve : la
TI-92 ! Eh oui ! Pour ceux qui ne la connaîtraient, ce "monstre"
permet de faire des graphs en 3D, de calculer des dérivées, primi-
tives... avec menus déroulants etc... Et pour les pompes, pas de
problèmes non plus : 65000 pas de libre...
Mais, le prof de maths, tel un lémurien visqueux et pervers, con-
naît les combines pour la faire planter. Le bon vieux 0 à la
puissance 0 est redoutable, par exemple. Certes, la 92 ne se fait
pas avoir mais elle a des faiblesses... Et le prof ne cesse d'es-
sayer de les découvrir pour nous claquer la tronche...
Bref, en plus des 2 ans de joie et de la cohabitation difficile
avec les maths, il reste les concours. Le problème vient du fait
que quelques monstres bicéphales à tentacules (= les admis à HEC,
ESSEC...) se promènent et se battent contre nous.
En plus de nous faire chier, les maths nous discréditent aux con-
cours... Et nous font rater les meilleures places.
Les écoles, du moins les meilleures, se servent des maths comme
matières de distinction intellectuelle : ok pour les maths sup/spé
mais pourquoi nous faire chier alors que notre spécialité c'est le
capitalisme, le management, le marketing, l'exploitation des pe-
tits enfants asiatiques dans les mines de sel... euh... je m'éga-
re... A trop privilégier les maths (qui ne nous serviront à rien),
on uniformise nos futurs managers et hommes d'affaires... Tout ce
que l'on va gagner, c'est continuer à se faire sécher par les ja-
ponais et les américains...
Je ne prêche pas pour ma paroisse, mais pour 95% des élèves de
prépas... Les maths sont une science "fermée", "toujours vraie",
elle empêche la fantaisie (propre de l'homme), tout devient alors
logique et probable, sans saveur ni piment... On deviendra tous
des Pentium ambulants...
NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNN!!!!!!
Il faut arrêter cela ! Après la métaphore du Pentium, je pense que
tout le monde adhère à ma croisade... Sauf Etienne... Mais bon,
lui il est irrécupérable... Un beau cas d'étude pour Scully et
Mulder : après Tooms...
Voilà, je vous laisse méditer sur ce texte hautement important et
philosophique : j'ai un D.M. de maths à faire sur le théorème de
Bienaymé-Tchébichev (yo !) et je suis à la bourre...
En tout cas, ce texte m'a mis de bonne humeur.
Je suppose que, dans la masse des lecteurs du Toxic-Mag, il y a
bien quelques matheux : qu'ils se dénoncent ! Il faut les torturer
et les faire expier leur pêché... On mettra les restes dans un bû-
cher et on les brûlera comme hérétiques... Réjouissant non ?
Non, sans déconner, y a bien une part de vérité dans ce texte.
J'en profite donc pour passer un message à monsieur Gordon
Shenton, directeur de ESC Lyon : s'il vous plait, M. Shenton, faî-
tes tomber les coefficients de maths : maths III à 2 et maths II à
2 ce serait déjà bien ! Vous êtes le premier à parler de diversité
dans les promotions de ESCL alors agissez : je veux bien faire un
effort pour vivre avec des matheux... Si, si...
Au fait, si quelqu'un est un ami personnel de M. Shenton, ou un
parent, je lui serais éternellement reconnaissant s'il pouvait in-
tercéder en ma faveur... Je serais même prêt à lui donner des
cours de maths...
It's a piece of life...
============> CONSEILS LECTURE:
Pour redevenir un peu plus sérieux (quoi que...), voici quelques
petits conseils de lecture:
- "Fondation" (Asimov) [Cf STSurvivor dans un précédent Toxic Mag]
- "Le Cycle d'ELRIC" (Moorcock) [9 tomes!! Ed. Presse Pocket]
- "Le meilleur des mondes" (Aldous Huxley) [Presse Pocket]
- "Les fourmis" (Bernard Werber) [Le Livre de Poche]
- "Chroniques martiennes" (Ray Bradbury) [Denoel]
- "Ça" (Stephen King) [J'ai Lu]
- "Simetierre" (S. King) [J'ai Lu]
- "L'appel de Cthulhu" (H.P lovecraft) [Presse Pocket]
- "Dans l'abîme du temps" (Lovecraft)
- "Celui qui chuchotait dans les ténèbres" (Lovecraft)
- "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme" (Max Weber)
- "Aspect du Mythe" (Mircéa Eliade) [Folio/Essai]
- "Le mythe de Sysiphe" (A. Camus) [Folio/Essai]
- "De la liberté" (John Stuart Mill) [Folio/Essai]
- "Chasse à Mort" (Koontz) [J'ai Lu]
Voilà, ce n'est pas exhaustif mais il y a déjà de quoi
s'amuser... et pour tous les gouts... Au fait, pour ceux qui ne
connaitrait pas Lovecraft, ils vous faut lire "Appel de Cthulhu"
et "Dans l'abîme du temps": c'est purement génial... A ce propos
on peut se procurer chez Robert Laffont 3 tomes de plus de 1200
pages chacun avec la totalité. Toutefois, ne prennez que le
premier tome, il contient tous les textes de Lovecraft himself
sur le "mythe de Cthulhu", avec ceux de la liste, of course... De
plus cela n'est pas très cher: 149FF pour plus de 1200 pages...
Cédric/QueST
(le 1/6/96)
Voici donc des extraits d'oeuvres littéraires et des citations.
En espérant que cela plaira à tous (chacun devrait y trouver son
compte), je vous laisse en compagnie de... Barbey d'Aurevilly pour
le premier texte...
L'ETANG DU QUESNAY:
-------------------
Cet étang qui se prolongeait bien au-delà de ce château, assis
et oublié dans son bouquet de saules, mouillé et entortillé par
les crêpes blancs d'un brouillard éternel, cet étang qui s'enfon-
çait dans l'espace comme une avenue liquide -à perte de vue- frap-
pait le Quesnay de toute une physionomie!
Les mendiants du pays disaient avec mélancolie que cet étang-
là était long et triste comme un jour sans pain. Et de fait, avec
sa couleur d'un vert mordoré comme le dos de ses grenouilles, ses
plaques de nénuphars jaunâtres, sa bordure hérissée de joncs, sa
solitude hantée seulement par quelques sarcelles, sa barque à
moitié submergée et pourrie, il avait pour tout le monde un aspect
sinistre, et même pour moi, qui suis né entre deux marais typhoï-
des, par un temps de pluie, et qui tiens du canard sauvage pour
l'amour des profondes rivières, au miroir glauque des ciels gris
et des petites pluies qui n'en finissent pas, au fond des horizons
brumeux.
J'ai vu pas mal d'eau dans ma vie, mais la physionomie qu'a-
vait cette espèce de lac m'est restée, et jamais, depuis que les
évènements m'ont roulé, ici et là, je n'ai retrouvé, aux endroits
les plus terribles d'aspect ou de souvenir pour l'imagination pré-
venue, l'air qu'avait cet étang obscur, cette place d'eau ignorée,
et dont certainement, après moi, personne ne parlera jamais! Non!
Nulle part je n'ai revu place d'eau plus tragique, ni dans la mer
où Byron fait jeter, sous un pâle rayon de lune, le sac cousu dans
lequel Leïla palpite et va mourir pour le giaour, ni dans le canal
Orfano, à Venise, cette affreuse oubliette, une horreur distinguée
entre toutes cependant pour ceux qui, comme Macbeth, aiment à se
rassasier d'horreurs!
Du reste, ainsi que le canal Orfano, l'étang du Quesnay avait
ses mystères. On s'y noyait très bien, et très souvent à la brune.
Etaient-ce des assassinats, ou des accidents, ou des suicides, que
ces morts fréquentes?... Qui le savait et qui s'en inquiétait?...
L'eau silencieuse et morne venait jusqu'à la route. Y pousser un
homme qui passait au bord était aisé. Y tomber, plus facile
encore. Avant mon âge de douze ans, j'en avais vu retirer bien des
cadavres...
Barbey d'Aurevilly
("Un prêtre marié" [1865])
SHAKESPEARE:
------------
"La vie est un conte raconté par un idiot"
LE PONT MIRABEAU:
-----------------
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nous amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Guillaume Apollinaire
("Alcools")
NIETZSCHE:
----------
"Dieu est mort."
MA BOHEME (Fantaisie):
----------------------
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées.
Mon paletot aussi devenait idéal.
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal:
Oh là là, que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied contre mon coeur!
Arthur Rimbaud
("Poésies")
MALRAUX:
--------
"L'art est un anti-destin"
CHANSON D'AUTOMNE:
------------------
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte,
de cà, de là,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine
("Poèmes saturniens")
MARCEL PROUST:
--------------
"Le véritable écrivain est celui qui nous restitue des frag-
ments disjoints, éclats aux cassures écarlates de l'univers qu'il
porte en lui".
BLAISE PASCAL:
--------------
"L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui
veut faire l'ange fait la bête".
LE MYTHE DE SISYPHE:
--------------------
On ne découvre pas l'absurde sans être tenté d'écrire quelque
manuel du bonheur. "Eh! quoi, par des voies si étroites...?" Mais
il n'y a qu'un monde. Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la
même terre. Ils sont inséparables. L'erreur serait de dire que le
bonheur naît forcément de la découverte absurde. Il arrive aussi
bien que le sentiment de l'absurde naisse du bonheur. "Je juge que
tout est bien" dit Oedipe et cette parole est sacrée. Elle
retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle ensei-
gne que tout n'est pas, n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce
monde un dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût
des douleurs inutiles. Elle fait du destin une affaire d'homme,
qui doit être réglée entre les hommes.
Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui
appartient. Son rocher est sa chose. De même, l'homme absurde,
quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles.
Dans l'univers soudain rendu à son silence, les mille petites voix
émerveillées de la terre s'élèvent. Appels inconscients et se-
crets, invitations de tous les visages, ils sont l'envers néces-
saire et le prix de la victoire. Il n'y a pas de soleil sans
ombre, et il faut connaître la nuit. L'homme absurde dit oui et
son effort n'aura plus de cesse. S'il y a un destin personnel, il
n'y a point de destiné supérieure ou du moins il n'en est qu'une
dont il juge qu'elle est fatale et méprisable. Pour le reste, il
se sait le maître de ses jours. A cet instant subtil où l'homme se
retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple
cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, créé par
lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa
mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est
humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de
fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore.
Je laisse Sisyphe au bas de la montagne! On retrouve toujours
son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie
les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est
bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile
ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral
de cette montagne pleine de nuit, à lui seul forme un monde. La
lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'hom-
me. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
Albert Camus
("Le mythe de Sisyphe")
PENSEES (Blaise Pascal):
------------------------
Car, enfin, qu'est-ce que l'homme dans la nature? Un néant à
l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre
rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la
fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement ca-
chés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le
néant d'où il est tiré et l'infini où il est englouti.
L'ETAT (Nietzsche):
-------------------
"L'Etat est le plus froid des monstres froids"
LA LIBERTE:
-----------
"Donner une preuve de la liberté, c'est tuer la liberté"
Alain
LA CHARGE DES CUIRASSIERS A WATERLOO:
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Les cuirassiers se ruèrent sur les carrés anglais. Ventre à
terre, brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, telle
fut l'attaque. Il y a des moments dans les batailles où l'âme
durcit l'homme jusqu'à changer le soldat en statue, et où toute
cette chair se fait granit. Les bataillons anglais, éperdument
assaillis, ne bougèrent pas. Alors ce fut effrayant.
Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la
fois. Un tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide in-
fanterie demeura impassible. Le premier rang, genou en terre, re-
cevait les cuirassiers sur les bayonnettes, le second rang les
fusillait; derrière le second rang les canonniers chargeaient les
pièces, le front du carré s'ouvrait, laissait passer une éruption
de mitraille et se refermait. Les cuirassiers répondaient par
l'écrasement. Leurs grands chevaux se cabraient, enjambaient les
rangs, sautaient par-dessus les bayonnettes et tombaient, gigan-
tesques, au milieu de ces quatre murs vivants. Les boulets fai-
saient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers fai-
saient des brèches dans les carrés. Des files d'hommes disparais-
saient broyées sous les chevaux. Les bayonnettes s'enfonçaient
dans les ventres de ces centaures. De là une difformité de
blessures qu'on n'a pas vue peut-être ailleurs. Les carrés, rongés
par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher.
Inépuisables en mitraille, ils faisaient explosion au milieu des
assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés
n'étaient plus des bataillons, c'étaient des cratères; ces cuiras-
siers n'étaient plus une cavalerie, c'était une tempête. Chaque
carré était un volcan attaqué par un nuage; la lave combattait la
foudre.
Victor Hugo
ANTOINE DE ST-EXUPERY:
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"Ce pourquoi tu acceptes de mourir, c'est cela seul dont tu
peux vivre".
DESCARTES:
----------
"Je pense donc je suis (donc Dieu est)".
"Cogito ergo sum"
LE DORMEUR DU VAL:
------------------
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent, où le soleil, de la montagne fière,
Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort: il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme.
Nature, berce-le chaudement: il a froid!
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud
("Poésies")
HOBBES:
-------
"L'homme est un loup pour l'homme."
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA:
---------------------------
"L'homme est une corde tendue entre la bête et le surhumain,
une corde au dessus d'un abîme. Danger de franchir l'abîme, danger
de suivre cette route, danger de regarder en arrière, danger
d'être saisi d'effroi et de s'arrêter court!
La grandeur de l'Homme, c'est qu'il est un pont et non un ter-
me; ce qu'on peut aimer chez l'Homme, c'est qu'il est transition
et perdition."
Nietzsche
("Ainsi parlait Zarathoustra")
RICARDOU:
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"Le récit n'est plus l'écriture d'une aventure mais l'aventu-
re d'une écriture."
PASQUA (??):
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"Les promesses n'engagent que ceux qui y croient"
FORCE/VIOLENCE:
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"Dès que la force est contestée naît la violence"
Freund
"La force contraint quand la violence opprime"
"La violence est la forme forte de la force"
"La force est rarement nue: pure violence"
Michel Dufrenne
"Violence: rupture de l'ordre du monde"
"La faiblesse provoque à son tour la violence parce qu'elle
est incapable de saisir le véritable rapport des forces et s'y
adapter".
VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT:
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- Oh! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répu-
gnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et ce qu'il y
a dedans... Je ne la déplore pas, moi... Je ne me résigne pas,
moi... Je ne pleurniche pas dessus, moi... Je la refuse tout net,
avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à
faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt
quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et
c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que
je veux: je ne veux plus mourir.
Louis-Ferdinand Céline
RABELAIS:
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"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".
LA BOETIE:
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"La seule liberté, les hommes ne la désirent point"
L'INVENTION DE L'ECRITURE...:
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C'est une étrange chose que l'écriture. [...] Si l'on veut
mettre en corrélation l'apparition de l'écriture avec certains
traits caractéristiques de la civilisation, il faut chercher dans
une autre direction. Le seul phénomène qui l'ait fidèlement accom-
pagnée est la formation des cités et des empires, c'est-à-dire
l'intégration dans un système politique d'un nombre considérable
d'individus et leur hiérarchisation en castes et en classes. Telle
est, en tout cas, l'évolution typique à laquelle on assiste,
depuis l'Egypte jusqu'à la Chine, au moment où l'écriture fait
son début : elle paraît favoriser l'exploitation des hommes avant
leur illumination. Cette exploitation, qui permettait de rassem-
bler des milliers de travailleurs pour les astreindre à des tâches
exténuantes, rend mieux compte de la naissance de l'architecture
que la relation directe envisagée tout à l'heure. Si mon hypo-
thèse est exacte, il faut admettre que la fonction primaire de la
communication écrite est de faciliter l'asservissement. L'emploi
de l'écriture à des fins désintéressées, en vue de tirer des
satisfactions intellectuelles et esthétiques, est un résultat
secondaire, si même il ne se réduit pas le plus souvent à un
moyen pour renforcer, justifier ou dissimuler l'autre.
Claude Levi-Strauss
("Tristes tropiques")
BLAISE PASCAL:
--------------
"L'homme est un roseau pensant"
STENDHAL:
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"Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long du chemin"