Piece of Life

(Suivi de Piece of Mind)



                                                      Cédric/QueST


(PS : NdMM = Note de moi-même)


Pensée du jour : "L'Eternité c'est long... surtout vers la fin..."
                                                   Alphonse Allais


     Les  lecteurs  observateurs n'auront pas manquer de remarquer
(NdMM : à répéter très vite !) que ce titre leur est familier : je
l'avoue, je l'aime beaucoup et nombre de mes textes portent un nom
similaire  ("Piece of Mind" en particulier [2 textes que vous pou-
vez  vous  procurez  chez The Beast/Typhoon collection "Toxic Mag"
(N° 12 et 13...)]) [NdTB : j'ai inclus le texte "PIECE OF MIND" de
Quest à la fin de celui-ci].  Tout  a commencé un samedi soir vers
19h30, lorsqu'une lueur... bon OK ! on s'en cogne! Donc revenons à
nos  moutons : le sujet de ce n-ième "Piece of..." : les conneries
que l'on nous innocule à l'école, et ce à tous les  niveaux.  Ceux
qui  me  connaissent  un peu savent (ou se doutent) que je déteste
les Maths. Si, si! I fuck maths! C'est physique... Et cela remonte
à la nuit des temps...
                              ... enfin presque


Tout a commencé au CP quand je me faisais régulièrement battre par
un petit merdeux (qu'il est toujours, du reste...) du nom de T. S.
Oui, je sais! Mais non, je ne mettrai pas son nom ici! Par contre,
si  vous  tenez  vraiment à le connaître [j'en vois qui commence à
douter : "Et  si  c' était moi le pisseux du CP?", "J'étais bon en
maths  au  CP...  Peut-être était-ce moi qui le séchait régulière-
ment ?"],  écrivez-moi (The Beast a mon adresse [NdTB  :  elle  se
trouve  dans  la rubrique "LIBRE EXPRESSION"]) et je vous communi-
querai son nom (que je maudis sur trois génération) [ne riez pas :
j'ai  fait  du  vaudou et des rites occultes, en vain...]. En tout
cas  il est toujours resté demi nain, aussi je ne me suis pas man-
qué totalement... Non mais...

Mon problème, en fait, c'est que je déteste perdre... Je suis très
mauvais joueur, c'est pourquoi seul l'ordinateur veut encore jouer
avec moi (et encore!). D'où mon surnom: "la poisse" (Backlash): je
reviens toujours quand on ne m'attend pas. Aussi, beaucoup d'entre
vous,  en  lisant cela [NdMM : je veux pas être pessimiste mais je
pense que tous les lecteurs se sont déjà tirés pour aller lire les
last  news  musicales  de St Survivor ou la rubrique humour de The
Beast...  Enfin,  pour les irréductibles (et mes fans!?), je pour-
suis...],  se disent que j'ai sans doute essayé de me surpasser en
maths pour le battre (ou que je me suis arrangé pour lui casser la
tête  en sport)...  En  fait les deux... Tout  d'abord, j'ai pensé
l'éclater  discrètement  mais  en  vain... j'ai toujours échoué...
Alors  je me suis résigné à essayer de comprendre les maths et là,
j'ai eu une révélation (en lisant Pyta-gore) : les maths était une
aliénation  de  l'esprit,  une perversion mentale, Jordy (avant sa
naissance)... bref: le Chaos cosmoplanétaire réincarné! Je sais ce
que vous pensez: j'étais précoce en terme de réflexions métaphysi-
ques... Dommage que cela ne fut pas le cas en maths...

A  partir  de ce moment là, il fallait approfondir ma réflexion et
avertir le monde du danger encouru par les cerveaux au contact des
maths. Ce fut ma croisade pendant les années qui suivirent...

Il  y  eut une pause en 6ème et en 5ème, mes notes en maths remon-
tant... Mais l'embellie fut de courte durée : dès la 4ème, le cau-
chemard recommenca de plus belle... Ma croisade aussi...  A partir
de la 1ère (en 2nde, j'étais parti pour faire une section S : j'a-
vais été contaminé... Mais j'ai réussi à m'en sortir), j'ai eu ac-
cès  à ma matière préférée : la macroéconomie.  A partir de là, ma
moyenne générale remonta et je réussis à narguer mes collègues ma-
theux...  Je  leur  assurais que j'irais plus loin qu'eux...  Pour
combler  mon  handicap en maths, j'ai du me surpasser partout ail-
leurs  (ce qui s'est avéré bénéfique par la suite)... Jusqu'au Bac
où,  malgré  un 9 de merde en maths, je réussi à passer tranquille
(grâce à un 15 en économie, surtout...).

Je  réussis, malgré un avis réservé en maths (tu parles...), à en-
trer en Prépa H.E.C.  Exactement ce que je voulais...  Restait, of
course, le problème des maths...Mais j'avais une lueur d'espoir...
Peut-être que le programme et les profs étaient meilleurs à ce ni-
veau-là...

La rentrée scolaire arriva...

C'est  alors  que  je l'ai vu, son crâne lisse brillant dans l'in-
tense clarté du soleil de septembre, ses lunettes  d'écailles  sur
son regard vicieux : c'était lui... Etienne M., surnommé plus
tard "Creutzfeld-Jacob" [NdTB: juste un mot pour dire que la mala-
die  de Creutzfeld-Jacob est l'équivalent chez l'homme de la mala-
die de la vache folle],  "bijector"...  Le Monstre aux Mille théo-
rèmes: "Ça"...
                  ... Le Cauchemar des Maths Spé...

Dès les premiers instant, j'ai compris que cela allait chier...

Et la prophétie s'est réalisée...

Même  les  meilleurs en maths se sont fait exploser la tronche par
le tueur...

Depuis  septembre, je stationne à 6 de moyenne (mon record étant 6
2/3, le pire étant 2,213...).  Oui, je sais, il y a trois chiffres
après la virgule...  Ce type est fou...  Pour information, il note
les D.S sur 50 3/4... Imaginez quand il veut revenir sur 20...

En  plus  de  cela, comble de l'horreur, il nous file des cours de
mathématiques en Turbo Pascal sur PC... La triple horreur...

En fait, le gros problème de ce type, c'est son Q.I (qui doit être
redoutable !) : ses bras (et nos cerveaux) ne peuvent  suivre  son
cerveau :  d'où  des couilles dans nos copies et nombres "bugs" au
tableau...

Je  tiens à ajouter que notre cher Etienne est dingue : il a collé
des 1/20 à des maths Spé (Math Sup 2ème année)!!!!!

C'est là, dans ce combat redoutable opposant le Bien et le Mal, et
dans lequel l'avenir du monde est en jeu, que la haute technologie
représente un allié décisif : la calculatrice est obligatoire pour
survivre!

Le  constructeur  Texas  Instrument a créé la machine de rêve : la
TI-92 !  Eh oui !  Pour ceux qui ne la connaîtraient, ce "monstre"
permet de faire des graphs en 3D, de calculer des dérivées, primi-
tives...  avec menus déroulants etc...  Et pour les pompes, pas de
problèmes non plus : 65000 pas de libre...

Mais,  le prof de maths, tel un lémurien visqueux et pervers, con-
naît  les  combines  pour  la faire planter.  Le  bon vieux 0 à la
puissance 0 est redoutable, par exemple.  Certes, la 92 ne se fait
pas avoir mais elle a des faiblesses...  Et le prof ne cesse d'es-
sayer de les découvrir pour nous claquer la tronche...

Bref,  en  plus  des 2 ans de joie et de la cohabitation difficile
avec  les maths, il reste les concours.  Le problème vient du fait
que  quelques monstres bicéphales à tentacules (= les admis à HEC,
ESSEC...) se promènent et se battent contre nous.

En  plus de nous faire chier, les maths nous discréditent aux con-
cours... Et nous font rater les meilleures places.

Les  écoles,  du  moins les meilleures, se servent des maths comme
matières de distinction intellectuelle : ok pour les maths sup/spé
mais pourquoi nous faire chier alors que notre spécialité c'est le
capitalisme,  le  management, le marketing, l'exploitation des pe-
tits  enfants asiatiques dans les mines de sel... euh... je m'éga-
re... A trop privilégier les maths (qui ne nous serviront à rien),
on uniformise nos futurs managers et hommes d'affaires...  Tout ce
que  l'on va gagner, c'est continuer à se faire sécher par les ja-
ponais  et  les américains...

Je  ne  prêche  pas  pour ma paroisse, mais pour 95% des élèves de
prépas...  Les  maths sont une science "fermée", "toujours vraie",
elle  empêche la fantaisie (propre de l'homme), tout devient alors
logique  et  probable,  sans saveur ni piment... On deviendra tous
des Pentium ambulants...

NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNN!!!!!!

Il faut arrêter cela ! Après la métaphore du Pentium, je pense que
tout  le  monde adhère à ma croisade... Sauf Etienne...  Mais bon,
lui  il  est  irrécupérable...  Un beau cas d'étude pour Scully et
Mulder : après Tooms...

Voilà,  je vous laisse méditer sur ce texte hautement important et
philosophique : j'ai un D.M. de maths à faire sur le  théorème  de
Bienaymé-Tchébichev (yo !) et je suis à la bourre...

En tout cas, ce texte m'a mis de bonne humeur.

Je  suppose  que,  dans la masse des lecteurs du Toxic-Mag, il y a
bien quelques matheux : qu'ils se dénoncent ! Il faut les torturer
et les faire expier leur pêché... On mettra les restes dans un bû-
cher et on les brûlera comme hérétiques... Réjouissant non ?

Non, sans déconner, y a bien une part de vérité dans ce texte.

J'en  profite  donc  pour  passer  un  message  à  monsieur Gordon
Shenton, directeur de ESC Lyon : s'il vous plait, M. Shenton, faî-
tes tomber les coefficients de maths : maths III à 2 et maths II à
2 ce serait déjà bien ! Vous êtes le premier à parler de diversité
dans  les promotions de ESCL alors agissez : je veux bien faire un
effort pour vivre avec des matheux... Si, si...

Au  fait,  si  quelqu'un est un ami personnel de M. Shenton, ou un
parent, je lui serais éternellement reconnaissant s'il pouvait in-
tercéder  en  ma  faveur...  Je  serais même prêt à lui donner des
cours de maths...

It's a piece of life...




============> CONSEILS LECTURE:


Pour  redevenir un peu plus sérieux (quoi que...), voici quelques
petits conseils de lecture:

- "Fondation" (Asimov) [Cf STSurvivor dans un précédent Toxic Mag]

- "Le Cycle d'ELRIC" (Moorcock)  [9 tomes!! Ed. Presse Pocket]

- "Le meilleur des mondes" (Aldous Huxley) [Presse Pocket]

- "Les fourmis" (Bernard Werber) [Le Livre de Poche]

- "Chroniques martiennes" (Ray Bradbury) [Denoel]

- "Ça" (Stephen King) [J'ai Lu]

- "Simetierre" (S. King) [J'ai Lu]

- "L'appel de Cthulhu" (H.P lovecraft) [Presse Pocket]

- "Dans l'abîme du temps" (Lovecraft)

- "Celui qui chuchotait dans les ténèbres" (Lovecraft)

- "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme" (Max Weber)

- "Aspect du Mythe" (Mircéa Eliade) [Folio/Essai]

- "Le mythe de Sysiphe" (A. Camus) [Folio/Essai]

- "De la liberté" (John Stuart Mill) [Folio/Essai]

- "Chasse à Mort" (Koontz) [J'ai Lu]


Voilà,  ce  n'est  pas  exhaustif  mais  il  y  a  déjà  de  quoi
s'amuser...  et  pour tous les gouts... Au fait, pour ceux qui ne
connaitrait  pas Lovecraft, ils vous faut lire "Appel de Cthulhu"
et  "Dans l'abîme du temps": c'est purement génial... A ce propos
on  peut  se procurer chez Robert Laffont 3 tomes de plus de 1200
pages  chacun  avec  la  totalité.  Toutefois,  ne prennez que le
premier  tome,  il  contient tous les textes de Lovecraft himself
sur le "mythe de Cthulhu", avec ceux de la liste, of course... De
plus cela n'est pas très cher: 149FF pour plus de 1200 pages...


                                           Cédric/QueST
                                            (le 1/6/96)





Piece of Mind




    Voici donc des extraits d'oeuvres littéraires et des citations.
En  espérant  que cela plaira à tous (chacun devrait y trouver son
compte), je vous laisse en compagnie de... Barbey d'Aurevilly pour
le premier texte...



L'ETANG DU QUESNAY:
-------------------

    Cet étang qui se prolongeait bien au-delà de ce château, assis
et  oublié  dans  son bouquet de saules, mouillé et entortillé par
les  crêpes blancs d'un brouillard éternel, cet étang qui s'enfon-
çait dans l'espace comme une avenue liquide -à perte de vue- frap-
pait le Quesnay de toute une physionomie!

    Les  mendiants du pays disaient avec mélancolie que cet étang-
là  était long et triste comme un jour sans pain. Et de fait, avec
sa  couleur d'un vert mordoré comme le dos de ses grenouilles, ses
plaques  de  nénuphars jaunâtres, sa bordure hérissée de joncs, sa
solitude  hantée  seulement  par  quelques  sarcelles, sa barque à
moitié submergée et pourrie, il avait pour tout le monde un aspect
sinistre,  et même pour moi, qui suis né entre deux marais typhoï-
des,  par  un  temps de pluie, et qui tiens du canard sauvage pour
l'amour  des  profondes rivières, au miroir glauque des ciels gris
et des petites pluies qui n'en finissent pas, au fond des horizons
brumeux.

    J'ai  vu  pas mal d'eau dans ma vie, mais la physionomie qu'a-
vait  cette  espèce de lac m'est restée, et jamais, depuis que les
évènements  m'ont roulé, ici et là, je n'ai retrouvé, aux endroits
les plus terribles d'aspect ou de souvenir pour l'imagination pré-
venue, l'air qu'avait cet étang obscur, cette place d'eau ignorée,
et  dont certainement, après moi, personne ne parlera jamais! Non!
Nulle  part je n'ai revu place d'eau plus tragique, ni dans la mer
où Byron fait jeter, sous un pâle rayon de lune, le sac cousu dans
lequel Leïla palpite et va mourir pour le giaour, ni dans le canal
Orfano, à Venise, cette affreuse oubliette, une horreur distinguée
entre  toutes  cependant pour ceux qui, comme Macbeth, aiment à se
rassasier d'horreurs!

    Du  reste, ainsi que le canal Orfano, l'étang du Quesnay avait
ses mystères. On s'y noyait très bien, et très souvent à la brune.
Etaient-ce des assassinats, ou des accidents, ou des suicides, que
ces  morts fréquentes?... Qui le savait et qui s'en inquiétait?...
L'eau  silencieuse  et morne venait jusqu'à la route. Y pousser un
homme  qui  passait  au  bord  était  aisé.  Y tomber, plus facile
encore. Avant mon âge de douze ans, j'en avais vu retirer bien des
cadavres...

                              Barbey d'Aurevilly
                          ("Un prêtre marié" [1865])


SHAKESPEARE:
------------

    "La vie est un conte raconté par un idiot"


LE PONT MIRABEAU:
-----------------

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nous amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

                             Guillaume Apollinaire
                                  ("Alcools")



NIETZSCHE:
----------

    "Dieu est mort."


MA BOHEME (Fantaisie):
----------------------

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées.
Mon paletot aussi devenait idéal.
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal:
Oh là là, que d'amours splendides j'ai rêvées!

Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied contre mon coeur!

                                 Arthur Rimbaud
                                  ("Poésies")



MALRAUX:
--------

    "L'art est un anti-destin"



CHANSON D'AUTOMNE:
------------------

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte,
de cà, de là,
Pareil à la
Feuille morte.

                   Paul Verlaine
                ("Poèmes saturniens")



MARCEL PROUST:
--------------

    "Le  véritable  écrivain est celui qui nous restitue des frag-
ments  disjoints, éclats aux cassures écarlates de l'univers qu'il
porte en lui".


BLAISE PASCAL:
--------------

    "L'homme  n'est  ni  ange  ni bête, et le malheur veut que qui
veut faire l'ange fait la bête".


LE MYTHE DE SISYPHE:
--------------------

    On  ne découvre pas l'absurde sans être tenté d'écrire quelque
manuel  du bonheur. "Eh! quoi, par des voies si étroites...?" Mais
il n'y a qu'un monde. Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la
même  terre. Ils sont inséparables. L'erreur serait de dire que le
bonheur  naît  forcément de la découverte absurde. Il arrive aussi
bien que le sentiment de l'absurde naisse du bonheur. "Je juge que
tout  est  bien"  dit  Oedipe  et  cette  parole  est sacrée. Elle
retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle ensei-
gne  que  tout  n'est  pas,  n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce
monde  un  dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût
des  douleurs  inutiles.  Elle fait du destin une affaire d'homme,
qui doit être réglée entre les hommes.

    Toute  la  joie  silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui
appartient.  Son  rocher  est  sa chose. De même, l'homme absurde,
quand  il  contemple  son  tourment, fait taire toutes les idoles.
Dans l'univers soudain rendu à son silence, les mille petites voix
émerveillées  de  la  terre  s'élèvent. Appels inconscients et se-
crets,  invitations  de tous les visages, ils sont l'envers néces-
saire  et  le  prix  de  la  victoire. Il n'y a pas de soleil sans
ombre,  et  il  faut connaître la nuit. L'homme absurde dit oui et
son  effort n'aura plus de cesse. S'il y a un destin personnel, il
n'y  a  point de destiné supérieure ou du moins il n'en est qu'une
dont  il  juge qu'elle est fatale et méprisable. Pour le reste, il
se sait le maître de ses jours. A cet instant subtil où l'homme se
retourne  sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple
cette  suite  d'actions sans lien qui devient son destin, créé par
lui,  uni  sous  le  regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa
mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est
humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de
fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore.

    Je  laisse Sisyphe au bas de la montagne! On retrouve toujours
son  fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie
les  dieux  et  soulève  les  rochers. Lui aussi juge que tout est
bien.  Cet  univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile
ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral
de  cette  montagne  pleine de nuit, à lui seul forme un monde. La
lutte  elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'hom-
me. Il faut imaginer Sisyphe heureux.


                                Albert Camus
                           ("Le mythe de Sisyphe")



PENSEES (Blaise Pascal):
------------------------

    Car,  enfin,  qu'est-ce que l'homme dans la nature? Un néant à
l'égard  de  l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre
rien  et  tout.  Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la
fin  des  choses et leur principe sont pour lui invinciblement ca-
chés  dans  un secret impénétrable, également incapable de voir le
néant d'où il est tiré et l'infini où il est englouti.


L'ETAT (Nietzsche):
-------------------

    "L'Etat est le plus froid des monstres froids"


LA LIBERTE:
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    "Donner une preuve de la liberté, c'est tuer la liberté"

                                             Alain


LA CHARGE DES CUIRASSIERS A WATERLOO:
-------------------------------------

    Les  cuirassiers  se  ruèrent sur les carrés anglais. Ventre à
terre,  brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, telle
fut  l'attaque.  Il  y  a  des moments dans les batailles où l'âme
durcit  l'homme  jusqu'à  changer le soldat en statue, et où toute
cette  chair  se  fait  granit. Les bataillons anglais, éperdument
assaillis, ne bougèrent pas. Alors ce fut effrayant.

    Toutes  les  faces  des  carrés  anglais furent attaquées à la
fois.  Un  tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide in-
fanterie  demeura impassible. Le premier rang, genou en terre, re-
cevait  les  cuirassiers  sur  les bayonnettes, le second rang les
fusillait;  derrière le second rang les canonniers chargeaient les
pièces,  le front du carré s'ouvrait, laissait passer une éruption
de  mitraille  et  se  refermait.  Les cuirassiers répondaient par
l'écrasement.  Leurs  grands chevaux se cabraient, enjambaient les
rangs,  sautaient  par-dessus les bayonnettes et tombaient, gigan-
tesques,  au  milieu  de ces quatre murs vivants. Les boulets fai-
saient  des  trouées  dans  les  cuirassiers, les cuirassiers fai-
saient  des brèches dans les carrés. Des files d'hommes disparais-
saient  broyées  sous  les  chevaux. Les bayonnettes s'enfonçaient
dans  les  ventres  de  ces  centaures.  De  là  une difformité de
blessures qu'on n'a pas vue peut-être ailleurs. Les carrés, rongés
par  cette  cavalerie  forcenée,  se rétrécissaient sans broncher.
Inépuisables  en  mitraille, ils faisaient explosion au milieu des
assaillants.  La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés
n'étaient plus des bataillons, c'étaient des cratères; ces cuiras-
siers  n'étaient  plus  une cavalerie, c'était une tempête. Chaque
carré  était un volcan attaqué par un nuage; la lave combattait la
foudre.

                                 Victor Hugo


ANTOINE DE ST-EXUPERY:
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    "Ce  pourquoi  tu  acceptes de mourir, c'est cela seul dont tu
peux vivre".


DESCARTES:
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    "Je pense donc je suis (donc Dieu est)".
    "Cogito ergo sum"


LE DORMEUR DU VAL:
------------------

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent, où le soleil, de la montagne fière,
Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort: il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme.
Nature, berce-le chaudement: il a froid!

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


                                Arthur Rimbaud
                                 ("Poésies")


HOBBES:
-------

    "L'homme est un loup pour l'homme."



AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA:
---------------------------

    "L'homme  est  une corde tendue entre la bête et le surhumain,
une corde au dessus d'un abîme. Danger de franchir l'abîme, danger
de  suivre  cette  route,  danger  de  regarder en arrière, danger
d'être saisi d'effroi et de s'arrêter court!
    La grandeur de l'Homme, c'est qu'il est un pont et non un ter-
me;  ce  qu'on peut aimer chez l'Homme, c'est qu'il est transition
et perdition."

                                    Nietzsche
                         ("Ainsi parlait Zarathoustra")


RICARDOU:
---------

    "Le  récit n'est plus l'écriture d'une aventure mais l'aventu-
re d'une écriture."


PASQUA (??):
------------

    "Les promesses n'engagent que ceux qui y croient"


FORCE/VIOLENCE:
---------------

    "Dès que la force est contestée naît la violence"

                                        Freund


    "La force contraint quand la violence opprime"


    "La violence est la forme forte de la force"


    "La force est rarement nue: pure violence"

                                   Michel Dufrenne


    "Violence: rupture de l'ordre du monde"


    "La  faiblesse  provoque  à son tour la violence parce qu'elle
est  incapable  de  saisir  le véritable rapport des forces et s'y
adapter".


VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT:
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- Oh! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répu-
gnant comme un rat...
- Oui,  tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et ce qu'il y
a  dedans...  Je  ne  la déplore pas, moi... Je ne me résigne pas,
moi...  Je ne pleurniche pas dessus, moi... Je la refuse tout net,
avec  tous  les  hommes  qu'elle contient, je ne veux rien avoir à
faire  avec  eux,  avec  elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt
quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et
c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que
je veux: je ne veux plus mourir.

                             Louis-Ferdinand Céline



RABELAIS:
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    "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".


LA BOETIE:
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    "La seule liberté, les hommes ne la désirent point"



L'INVENTION DE L'ECRITURE...:
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    C'est  une  étrange  chose  que l'écriture. [...] Si l'on veut
mettre  en  corrélation  l'apparition  de l'écriture avec certains
traits  caractéristiques de la civilisation, il faut chercher dans
une autre direction. Le seul phénomène qui l'ait fidèlement accom-
pagnée  est  la  formation  des cités et des empires, c'est-à-dire
l'intégration  dans  un système politique d'un nombre considérable
d'individus et leur hiérarchisation en castes et en classes. Telle
est,  en  tout  cas,  l'évolution  typique  à laquelle on assiste,
depuis  l'Egypte  jusqu'à  la  Chine, au moment où l'écriture fait
son  début : elle paraît favoriser l'exploitation des hommes avant
leur  illumination.  Cette exploitation, qui permettait de rassem-
bler des milliers de travailleurs pour les astreindre à des tâches
exténuantes,  rend  mieux compte de la naissance de l'architecture
que  la  relation  directe  envisagée tout à l'heure. Si mon hypo-
thèse  est exacte, il faut admettre que la fonction primaire de la
communication  écrite  est de faciliter l'asservissement. L'emploi
de  l'écriture  à  des  fins  désintéressées,  en vue de tirer des
satisfactions  intellectuelles  et  esthétiques,  est  un résultat
secondaire,  si  même  il  ne  se  réduit pas le plus souvent à un
moyen pour renforcer, justifier ou dissimuler l'autre.

                               Claude Levi-Strauss
                              ("Tristes tropiques")


BLAISE PASCAL:
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    "L'homme est un roseau pensant"


STENDHAL:
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    "Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long du chemin"



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