Jean-Baptiste Say




Pensée   du   jour:    "Les   profits   d'aujourd'hui  sont   les
investissements de demain et les emplois d'après-demain"

                                                      Schmidt



L'HOMME:
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J-B Say  est  né  à  Lyon  le  5 Janvier 1767 dans une famille de
marchands protestants. On peut d'ailleurs faire un parallèle avec
le  livre  de  Max  Weber  "L'éthique  protestante et l'esprit du
capitalisme"... Entre  1786  et  1788  il  achève  ses  études en
Angleterre  où  il  observe  le  développement  de  la Révolution
Industrielle. En  1803, la parution de la première édition de son
"Traité  d'économie  politique" infléchit sa carrière: il connait
un grand succès. En  1830  il  est  élu  professeur d'économie au
Collège de France où il restera jusqu'à sa mort en 1832.



LE PLAN:
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  * Dans  une  première partie, nous verrons le thèse générale de
J-B Say (avec  ses  points  communs  et  divergences avec l'école
Classique).

  * Dans une deuxième partie, nous étudierons la fameuse "Loi des
débouchés" (dite "Loi de Say").



I) THESE GENERALE/THEORIES:
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Say  se  présente lui-même comme le continuateur d'Adam Smith. En
réalité, il s'écarte de sa théorie.

La  production  se  réalise  grâce  au concours de 3 éléments: le
travail, le  capital  et les agents naturels. Chacun des éléments
indispensables  apporte  le concours de ses "services productifs"
au  chef  d'entreprise  et obtient en retour un revenu qui est le
prix de ces services.

Salaires, profits, rentes foncières sont des prix de services qui
se déterminent en fonction de l'offre et de la demande qui en est
faite.

Ainsi, dans  une  société dite "libérale", chacun reçoit la juste
rémunération  du  concours  qu'il  apporte à l'oeuvre commune. Le
libéralisme  de  Say ne se justifie pas seulement, comme celui de
Smith, par le souci de l'efficacité: il prétend se fonder sur une
démonstration  de  la  conformité entre la distribution naturelle
des revenus et la justice sociale.

Selon Say, le  chômage  permanent  est impossible en raison de la
"loi de population" de Malthus.

Pour  Say, le salaire, le profit du capital, le loyer de la terre
se fixent indépendament les uns des autres et la valeur des biens
se  forment  par  addition  des 3 sortes de "dépenses" impliquées
dans leur production.

De  même, Say  prend  aussi le contre-pied de la théorie anglaise
classique. Il  repousse la définition donnée par Smith du travail
productif  comme  travail  exécuté  en vue de la fabrication d'un
objet matériel. Il y a, dit-il, des produits immatériels qui font
l'objet d'échanges: par exemple "l'industrie du médecin". Il faut
les mettre sur le même plan que les produits matériels.

Ce  n'est  plus  la  "valeur-travail" (cf: Ricardo), mais bien la
"valeur-utilité": chaque produit ne vaut qu'en fonction du besoin
que l'on en ressent.

Il  dit  qu'il  ne  faut pas surestimer le commerce international
comme  le fait Smith: l'industrie intérieure favorise le commerce
extérieur  plus  que  le  commerce extérieur favorise l'industrie
intérieure.

Pour  finir, la monnaie, pour Say, n'est qu'un "voile" qui masque
les échanges ("théorie quantitative de la monnaie"): les produits
s'échangent  contre  des  produits. Elle a toutefois un effet sur
les prix: l'inflation (MV=PT équation de J-S Mill/Fischer).



II) "LA LOI DES DEBOUCHES" ou "LOI DE SAY":
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Cette  loi  a  fait  la célébrité de Say. Tous les grands auteurs
classiques  (à  l'exception  de  Malthus)  adhèrent à la "loi des
débouchés" énoncée en 1803.

Puisque  les produits s'échangent contre des produits, il ne peut
exister de déséquilibre global entre l'offre et la demande.

"Lorsque  le  dernier  producteur  a terminé un produit, son plus
grand désir est de le vendre, pour que la valeur de ce produit ne
chôme  pas entre ses mains. Mais il n'est pas moins empressé à se
défaire  de l'argent que lui procure sa vente, pour que la valeur
de  l'argent  ne chôme pas non plus. Or, on ne peut se défaire de
son  argent  qu'en  demandant à acheter un produit quelconque. On
voit  donc  que  le fait seul de la formation d'un produit ouvre,
dès l'instant même, un débouché à d'autres produits."
[J-B Say, 1803]


Représentation graphique:
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             Facteurs de production
                      ¦
                      V
                   Production <-------------------
                      ¦                          ¦
                      V                          ¦
                    Revenus                      ¦
                   /       \                     ¦
                  /         \                    ¦
     Consommation            Epargne             ¦
         ¦                      ¦                ¦
         ¦                      V                ¦
         ¦                  Investissement       ¦
         ¦                  /                    ¦
         ¦                 /                     ¦
         ----->Dépense<---/                      ¦
                  ¦                              ¦
                  --------------------------Débouché pour



D. Ricardo  et John Stuart Mill reprendront presque identiquement
l'énoncé  de  Say, que Keynes résumera en quelques mots: "l'offre
crée  sa  propre  demande": on  ne peut acquérir un bien qu'en en
abandonnant un autre.

Dès lors que l'on raisonne dans une économie où la monnaie existe
(c'est-à-dire  hors  du  cadre  de  l'économie  de  troc),  cette
proposition ne peut se comprendre que si l'on néglige le "facteur
temps", en  se  situant  comme  tous  les classiques dans le long
terme: tôt  ou  tard  la  monnaie obtenue dans la vente d'un bien
sera utilisée dans l'achat d'un autre bien.

La  monnaie  à  donc  un  rôle  passif: c'est  l'intermédaire des
échanges. Ce  n'est  qu'un "voile": elle  ne fait que masquer les
échanges (les produits s'échangent contre des produits).

Toutefois, réfutant  une  crise de surproduction généralisée, Say
n'exclue  pas  des  déséquilibres  sectoriels.  Mais  l'équilibre
global  étant  assuré,  la  somme  algébrique  des  déséquilibres
partiels est nécéssairement nulle. "Certains produits surabondent
parce que d'autres sont venus à manquer".


===> Critiques de la "loi des débouchés":

Tout d'abord, cette loi suppose que la théorie quantitative de la
monnaie  soit vraie, ce qui est loin d'être sûr... La monnaie est
elle vraiment neutre?

De même, Say n'admet pas que la monnaie soit demandée pour autres
choses  que  des biens (l'homme étant un "homo oeconomicus"): par
exemple   pour  être  thésaurisée,  en  attendant  de  meilleures
occasions (surtout  lorqu'il s'agit de sommes épargnées destinées
à  l'investissement).  Mais, si  beaucoup  de  personnes  veulent
vendre sans acheter aussitôt, il y a évidemment surproduction.

Malthus  critique  la  loi  de  Say: l'épargne n'est pas toujours
féconde. Son  excès  peut  provoquer  la crise par limitation des
débouchés.

De  plus, même  en  ne tenant pas compte de la thésaurisation, un
autre  problème  se  pose: comment certains producteurs prendront
les  premiers l'initiative de développer leur production? Certes,
elle  devra  sans  doute  créer des revenus et des débouchés pour
d'autres producteurs, mais comment les premiers se décident-ils à
augmenter  leur  production  s'ils n'ont pas de débouchés assurés
(problème de la "demande effective" présente chez Keynes)?
Le  problème  essentiel  du  démarrage  de  la  croissance (et de
l'entretien d'un certain rythme de croissance) se pose.

De Sismondi constate des crises dues au manque de débouchés.

D'un  certain côté, Malthus et De Sismondi annoncent Keynes, dont
ils sont un peu les précurseurs.


III) CONCLUSION:
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J-B  Say  reste  un  des  plus grands économistes français (si ce
n'est plus grand) et un grand optimiste. Sa théorie, par certains
côtés, se  démarque des classiques et de Smith dont il est un des
meilleurs spécialistes.

Certains ont critiqué Say, comme Marx. Pour celui-ci, Say était à
la  fois  "niais",  "misérable",  "incapable de penser", "obtus",
"comique"  et  "idiot". La  doctrine  qu'il  avait formulée était
"ridicule",  et   constituait   une   diversion  "misérable",  un
"babillage infantile", un "boniment pitoyable".

Pour sa part, Keynes a critiqué la "loi de Say".

Quoi qu'il en soit, la "loi des débouchés" à fait la célébrité de
Say.  Au  premier  abord  simple,  la  loi  apparait  peu  à  peu
problématique. Les  plus  célèbres  disciples  de  Say seront aux
Etats-Unis  Carey  (Harmonies  des  intérêts,  1850) et en France
Frédéric  Bastiat  (Harmonies économiques, 1850). Sans oublier le
courant   néo-classique   qui  reprend  la  "valeur-utilité",  la
neutralité  de  la monnaie et la "loi de Say"... Les "théoriciens
de l'offre" (Supply siders) en sont les meilleurs exemples.




=========> LA THEORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE:

Comme  nous  l'avons  vu  précédemment,  la  monnaie  n'est qu'un
"voile",  elle  n'a  d'influence  que  sur  le niveau des prix (=
inflation).  Ceci  prend forme au travers de l'équation de Stuart
Mill:

          MV=PT    (ou MV=PQ  [c'est pareil!])

où M= masse monétaire en circulation
où V= vitesse de la monnaie
où P= niveau des prix
où T= quantités


Plus tard, cette équation a été améliorée par Fischer:

       MV+M'V'=PT

Il  fait  ici une distinction entre la monnaie scripturale (M) et
sa  vitesse de circulation (V) / la monnaie fiduciaire (M') et sa
vitesse de circulation (V').

Mais  l'idée  reste  la même. Pour les libéraux, la vitesse (V et
V') de la monnaie est jugée constante, tout comme T (ou Q).

Ainsi, l'équation devient:

     M+M'=P

Autrement  dit,  le  niveau  des  prix  est  fonction de la masse
monétaire  en  circulation.  Si  celle-ci est abondante, les prix
montent  (inflation)...  Voici  donc l'explication de l'inflation
pour les libéraux...



=========> LOI DE POPULATION:

Malthus  est  à  l'origine  de  cette  "loi".  Pour lui, quand la
situation  s'améliore  pour  les  pauvres,  ils ont tendance à ce
"multiplier".  Or,  le salaire étant "flexible" (il n'y avait pas
de SMIC à l'époque), une population trop nombreuse entrainera une
saturation sur le marché du travail (= chômage). Le salaire, bien
evidemment,  baisse. Or, à partir du moment où le salaire devient
inférieur  au  salaire  vital (= minimum pour survivre), les plus
pauvres meurent, les naissances chutent... faisant ainsi remonter
le salaire... Et ainsi de suite: le cycle se réenclenche...



                                                 QueST/Cédric



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