Nos ordinateurs sont amnésiques




                                                   Par Pur/Typhoon


    « La  mémoire  informatique  peut-elle assurer la transmission
des  connaissances à  travers  les  âges ? Oui, à  condition  d'en
conserver le mode d'emploi par écrit.

    Les ordinateurs ont une très mauvaise mémoire.  C'est du moins
le  constat  récemment établi par des statisticiens américains qui
recherchaient  des chiffres sur le recensement de la population de
1960. Ces informations étaient stockées sur de vieilles bandes ma-
gnétiques qu'aucun système n'est capable d'exploiter aujourd'hui.

    De nombreuses données importantes de l'histoire moderne, comme
la liste des morts de la guerre du Viêt-nam ou certaines  enquêtes
de  santé,  auraient ainsi pu être définitivement perdues si elles
n'avaient  été  transférées d'extrême justesse sur des disquettes,
révélait récemment l'informaticien Jeff Rothenberg dans le magazi-
ne "Spektrum der Wissenschaft".

    Mais combien de temps ces fichiers resteront-ils lisibles ?

    On  ignore  si les systèmes actuels de sauvegarde informatique
tiendront plus d'une décennie et si leur dégradation ne risque pas
de rendre les données inutilisables.

    Il  arrive  même  que  des  ordinateurs  de conception récente
soient déjà  obsolètes  lorsqu'ils  arrivent sur le marché.  Et il
n'est  pas rare que les utilisateurs de certains modèles de micro-
ordinateurs victimes d'une panne découvrent avec stupeur, un an a-
près  leur  achat,  qu'aucun pays européen ne peut leur fournir de
pièces de rechange.

    La  durée de vie d'un logiciel, même pour des procédures aussi
simples  que  le  traitement de texte, ne dépasse pas quelques an-
nées.

    Les imprimeurs n'ont en fait rien à envier aux informaticiens.

    Les  oeuvres  imprimées de Shakespeare sont bien conservées et
utilisables  par quiconque maîtrise encore la lecture et la langue
anglaise.  A la vue d'un vieux livre, on sait d'emblée s'il s'agit
d'un roman de pacotille ou d'une oeuvre rare. Impossible d'en fai-
re autant avec une disquette.

    Pour s'assurer que les connaissances confiées à la mémoire in-
formatique seront encore compréhensibles dans vingt ans, il faudra
les  accompagner d'informations manuscrites concernant le logiciel
et le formatage utilisés.

    Mémoriser  ces  informations en langage informatique ne servi-
rait  évidemment  à rien.  L'écriture, la plus ancienne méthode de
stockage de données après la mémoire biologique, semble ainsi plus
porteuse d'avenir que la plus moderne des technologies.

    Or, dans ce domaine, il n'y a eu depuis Gutenberg aucune révo-
lution.  La pierre, le papyrus, le parchemin et le papier ont per-
mis de pérenniser notre patrimoine culturel. L'ordinateur est loin
de  pouvoir faire autant.  Aussi, les musées des techniques et les
bibliothèques  les  plus sophistiquées s'équipent-ils actuellement
de  vieilles  machines  à bandes magnétiques, de calculateurs bru-
yants et de micro-ordinateurs non compatibles, pour que nous puis-
sions  déchiffrer,  lorsque nous serons vieux, les textes que nous
aurons écrits quelques années auparavant.

    La  civilisation  qui  a  succombé à la puissance informatique
doit désormais tenir compte de cette vérité : toute nouveauté pro-
duit de l'obsolescence.  Jeff Rothenberg plaide pour un "programme
planétaire de sauvegarde des données".

    Pour  cela,  il  faudrait un langage informatique commun et il
conviendrait de copier massivement les informations indispensables
sur les nouveaux supports et logiciels, au fur et à mesure de leur
apparition.

    Mais quelles  données choisir ? Qui  va s'en  charger ? Et qui
sait ce que  contiennent les  millions de bandes et de  disquettes
antédiluviennes ?

    La  formule  qui  permet de fabriquer de l'essence à partir de
l'eau  ou  le  grand roman du siècle se trouvent peut-être quelque
part dans ce charnier informatique, perdus à tout jamais. »


                      Dirk Schumer, Frankfurter Allgemeine Zeitung

                 --------------------------------

    J'ai  trouvé  bon  de  recopier cet article car il nous permet
d'avoir  un peu de recul par rapport à l'objet que nous chérissons
tous : notre petit micro-ordinateur.  Ça  fait autant partie de la
culture  informatique  que  de  savoir programmer en assembleur...
N'en  déplaise aux puristes de la technique, on peut gamberger au-
trement en utilisant son ordinateur !



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