Le Tuning

 

Par White Ninja / ADR
fabrice.louvet@ac-amiens.fr

 

Le tuning provient d'un mot anglais, qui ne peut en ce sens que mal se traduire. Mais "adaptation" semble être la meilleure alternative. Née en Allemagne vers 1990, cette pratique consiste à personnaliser son véhicule. Mais qu'en est-il exactement, qu'en est-il de la loi et des pratiques des "tuners" ? N'est-ce là qu'une mode ou une passion ? Et cette pratique ne risque-t-elle pas de nuire à une autre passion qui se voudrait plus légitime, à savoir la collection automobile, où un véhicule qui n'a pas toutes les pièces d'origine perd beaucoup de valeur ?

 

LE TUNING : POURQUOI, COMMENT

En soi, le principe du tuning est des plus compréhensibles. La démarche d'origine est d'adapter son véhicule à des besoins personnels, que ce soit au niveau du look que des pièces fonctionnelles. Les premières modifications les plus répandues touchent donc tout ce qui ne convient pas à un conducteur exigeant : changer les sièges, donner un soufflet cuir au levier de frein à main ou au levier de vitesse, remplacer les pédales de caoutchouc par un pédalier métal aluminium ou autre... mais finalement, beaucoup de choses peuvent être changées ou ajoutées sur une voiture. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, les constructeurs automobiles et les assureurs laissent une marge de choix pour des aménagements. Même en taille de jante (pour monter des roues plus larges avec des pneus moins hauts), il existe des tables de correspondance pour que le tuner puisse les modifier tout en restant totalement conforme avec la loi. De plus, les constructeurs proposent eux-même des équipements et accessoires comme des béquets, des jantes en alliage, des enjoliveurs en aluminium... Il existe beaucoup de clubs qui regroupent ceux (souvent jeunes) qui ont cette passion. Ils organisent parfois des manifestation d'ampleur variable, où des véhicules tunés sont exposés. Une bonne occasion de se faire une idée sur la question.

 

LE TUNING : JUSQU'OU ?

Le tuning commence clairement, mais ne semble pas avoir de limite dans les extravagances. Certains tuners en effet ne se contentent pas de chercher à améliorer le look ou les équipements. Leur but est parfois de clairement changer tout ce qui peut l'être dans une voiture, parfois sans soucis de confort, d'utilité, ou des restrictions dues aux aménagements.. et de la loi. L'illustration la plus claire touche à la sono. Nous savons tous que le bruit de roulement d'une voiture empêche d'avoir des conditions d'écoute exemplaires. Hors, certains n'hésitent pas à utiliser le coffre, et parfois aussi les banquettes arrières pour installer un énorme matériel de sono. Changeur de CD, batterie d'amplis et de filtres, enceintes énormes, woofer... un matériel qui, à force de provoquer des vibrations, peut donner du jeu et faire vibrer certaines pièces de l'habitacle. Sans compter l'incidence sur le système auditif et sur l'illégalité de conduire avec un volume trop élevé. Certains se voient obligés aussi de mettre des films noirs sur toutes les surfaces vitrées. D'autres obturent partiellement leurs optiques, rendant l'éclairage moins efficace. En fait, il y a bien pire. La décatalysation des voitures qui roulent au SP pour gagner en puissance, le montage de bonbonnes d'azote ou de nitroglycérine pour doper les accélérations... tout est bon ! Quant au look, il existe des kits carrosserie qui redessinent la voiture. Certains vont même jusqu'à effacer les logos des marques, dans l'optique extrême de dépouiller tout ce qui pouvait l'être à l'origine.

 

UN JUSTE MILIEU

Pourtant, il faut en revenir à l'idée forte et judicieuse du tuning : améliorer et équiper mieux et d'avantage le véhicule qui est considéré comme un véritable lieu de vie. Mais le tuning est aussi une passion. En effet, certains achètent des voitures relativement peu puissantes, et les équipent ensuite coûteusement afin qu'ils ressemblent à des bolides. Est-ce raisonnable, voir contradictoire ? Le tuning touche en effet potentiellement toutes les sortes de voitures. Après tout, on ne cherche pas à savoir ce qui est plaisant à collectionner, par exemple dans de gros livres des timbres usités dont certains pourtant valent une fortune. Car il faut bien le dire, le tuning est une passion souvent coûteuse. Bien qu'il y en ait pour toutes les bourses, et pour tout les goûts. Des simples enjoliveurs en plastique ABS à 400F aux jantes alliage léger à 4000F, du pommeau plastique à 50F au modèle alu à 250F, le tuning n'est pas une question de moyens, c'est avant tout une philosophie de l'automobile. C'est pour cela qu'elle engendre souvent un comportement reconnaissable.

 

EXTREME OU SOFT ?

La voiture du tuner est sa fierté. Gare à la critique. Il y a souvent à ce sujet un esprit de compétitivité qu'on pourrait qualifier de macho. Dans le tuning extrême, c'est à qui a la sono la plus puissante (la qualité entre peu en ligne de compte), qui a les plus gros pneus, qui a la caisse la plus rapide, qui c'est qui va le plus vite... Finalement cet état d'esprit, puéril, diminue l'efficacité de cette passion dont les aspirations sont à l'origine des plus légitimes. On ne comprend pas ce qui peut pousser quelqu'un à mettre 1000W de sono dans sa voiture par exemple, alors qu'on peut très bien comprendre la recherche d'une qualité d'écoute optimale. Il faut dire que les constructeurs de matériels Hi-Fi embarquée proposent des articles qui stimulent l'imagination au niveau du rapport puissance/durée de vie des oreilles. Bien sûr, on peut aussi aborder les couleurs étranges adoptées, les surbaissements qui interdisent l'accés à certains chemins ou le franchissement de dos d'ânes, et l'installation de tout ce qui peut aider moteur et échappement à faire un maximum de bruit. De plus, le tuner est souvent enclin à conduire dangeureusement, convaincu de ses talents de pilote émérite et décidé à les faire reconnaître. Doubler sans se faire doubler, telle est la gageure. Surtout que ces tuners préfèrent un volant 'racing' à l'airbag, et les harnais aux prétentioneurs de ceintures... (toute modification du système d'airbag et de ceinture à prétentioneur étant interdite par le constructeur) Toutefois, le tuning 'soft' est nettement plus raisonnable. Le tuner modéré en effet ne modifie que ce qui lui tient particulièrement à coeur, et n'investit pas tout son argent dans sa voiture. Le véhicule demeure alors très reconnaissable et les installations visent à une bonne efficacité plutôt qu'à la quantité.

 

VOITURE DE COLLECTION : LE DRAME DU TUNING

Certains journaux spécialisés s'inquiettent. Car les premières mythiques 205 GTI entrent potentiellement en collection. Et oui, la "bombinette" de Peugeot a 15 ans. Or, la mageur partie de ces véhicules ne sont pas de premières mains et sont tombées en plein dans la mode tuning. Aileron modifié, toit ouvrant, jantes, ailes, jupes... toute modification altère énormément la valeur d'une voiture côtée. Alors, va-t-on vers une pénurie et à un embrasement des prix ? Certains le pensent, peut-être avec raison. Toutefois, les 205 GTI, pour préserver notre exemple, restent très courantes. Hors c'est précisément du fait de la grande majorité de véhicules 'retouchés' que ceux qui sont restés 100% d'origine ont une côte plus importante... mais plus difficile à établir. On ne peut pas en effet se référer au nombre de 205 GTI encore en circulation, puisque la plupart n'ont plus de valeur en tant que voiture de collection. D'autre part, il faut bien se dire que la plupart des voitures actuelles modifiées ou non n'entreront jamais en collection. La sportive qui devait officiellement remplacer la 205 GTI, la 106 GTI, ne bénéficie pas de l'aura de son prédécesseur, et sera certainement beaucoup moins recherchée. Ce qui est plus inquiétant, c'est que des véhicules voués dès aujourd'hui à devenir voiture de collection, comme la 406 coupée, se voient eux aussi gagnés par le tuning. On trouve ainsi bon de modifier cette carroserie réalisée par Pininfarina, société de designers qui signent les dessins des Ferrari. Il est difficile de cautionner une telle démarche, mais est-il question d'empêcher quelqu'un de faire ce qu'il veut de son véhicule ?

 

Toutefois, il n'est pas question d'aller dans le sens des médias qui n'exposent dans le tuning que les faces les plus révoltantes, comme les "runs", c'est à dire des courses de voitures modifiées, qui ont lieu sur des bretelles d'autoroute à plus de 200 km/h. En effet, on peut tout scandaliser. Il suffit de se remémorer la suspition collective envers internet suite à la traque aux sites pédophiles, ou encore aux jeux de rôles, de la musique techno... une foultitude de chasses aux sorcières médiatiques, dont le point de départ est toujours de s'inquiéter des passions des jeunes et de la dérive d'une infime minorité.