Si le nom de Buichi Terasawa ne vous dit rien, ce n'est peut- être pas le cas de l'une de ses oeuvres majeures : Cobra. D'abord parues sous forme de manga (bande dessinée japonaise), les aventures de Cobra furent adaptées en série télévisée par la société Tokyo Movie Shinsha. C'est Osamu Dezaki ("Lady Oscar", "Rémi sans famille") qui dessina les personnages, son style étant resté fidèle au manga. Devant le succès du dessin animé, un long métrage fut produit. De nos jours, les cassettes vidéo de la série sont commercialisées en grande surface (AK Video) et l'on trouve des copies pirates sous forme de fichiers MPEG. Si cette oeuvre est restée aussi populaire, c'est grâce au savant mélange d'action et de science-fiction, ainsi qu'au charisme du héros. Pour résumer cette oeuvre, un seul mot : MYTHIQUE !
Nous sommes au XXIVème siècle et un fléau ronge l'univers : les Pirates de l'Espace, une puissante organisation du crime et de la corruption, fait fléchir les gouvernements les uns après les autres. Bientôt, la plupart des planètes et des peuples doivent se soumettre à leur autorité. Même la police intergalactique s'avère être impuissante. Un seul homme peut s'opposer aux pirates, il se fait appeller Cobra et lui aussi, c'est un pirate. Accompagné par son fidèle robot Armanoïde, il parcourt la galaxie à bord de son vaisseau, le Psychoroïde. Doté d'une force et d'une résistance hors du commun, il reste insaisissable grâce à son arme secrète : un rayon delta (psycho-gun en anglais). Il s'agit d'une arme psychique cachée dans son avant-bras gauche, sa précision et sa puissance sont redoutables. Doté ainsi d'une sacrée réputation, Cobra est constamment recherché par les Pirates de l'Espace ainsi que la police. Mais un jour, fatigué de lutter en vain, il décide de se rendre sur Terre afin de se cacher. Il se fait effacer la mémoire, on lui modifie le visage et son fidèle robot Armanoïde disparaît de la circulation.
Jusqu'au jour où, voulant se relaxer, Cobra entre dans une boutique spécialisée dans les rêves virtuels. Il demande à faire un rêve agréable et, au lieu de se retrouver entouré de jolies jeunes filles, Cobra revit une partie de son passé. Le voici reparti pour de nouvelles aventures !
La première partie de la série télévisée concerne l'histoire des trois soeurs. Cobra est à la recherche d'un trésor perdu un peu particulier. En effet, la carte de ce trésor est tatouée sur le dos de trois soeurs. Les aventures mouvementées que va vivre Cobra l'emmèneront sur des planètes étranges, dirigées par des pirates sans scrupules. On y rencontrera deux ennemis jurés de Cobra : l'homme-végétal, qui contrôle le corps de ses victimes en y plantant sa semence par voie orale, et l'indestructible homme de verre (Crystal Boy, en anglais). L'une des trois soeurs, Dominique Royal, qui est par ailleurs la seule qui survivra à la fin de cette partie, travaille pour les forces de l'ordre. C'est elle qui accompagnera notre héros lors de ses aventures intergalactiques.
La seconde partie, la plus célèbre, se déroule sur Ralou, une planète contrôlée par les Pirates de l'Espace. C'est sur cette terre hostile que se déroulent les matchs de rudebowl, un sport ultra-violent hybride né du croisement du football américain et du base-ball. Les règles du rudebowl sont très simples : gagner à tout prix ! Cobra participera à plusieurs championnats pour le compte de Dominique. Son but est de lui fournir des preuves de l'existence d'un important réseau de trafic de drogue. Grâce à son génie et à ses capacités physiques, notre héros mènera à bien sa mission.
La troisième et dernière partie met en scène le redoutable et mystérieux Salamandar. Son objectif est double : réunifier tous les Pirates de l'Espace afin d'en prendre le commandement et neutraliser Cobra. Après la mort de Dominique et la destruction d'Armanoïde et du Psychoroïde, Cobra se sent bien seul et n'a qu'une seule idée en tête : la vengence. La tête de Salamandar doit tomber. Mais les épreuves qui l'attendent sont telles qu'il choisit de faire appel à ses vieux amis d'antan : Cargo, Canos et Palmas.
Malheureusement, le manga original de Cobra est presque introuvable dans nos contrées. C'est dommage puisqu'il offre quelques explications sur le rayon delta et sur Armanoïde, et l'on découvre que l'Homme de Verre joue un rôle bien plus grand que dans la série. D'autant plus que les aventures de Cobra ne s'arrêtent pas à la destruction de Salamandar...
La série télévisée, composée de 31 épisodes de 20 minutes, fit son apparition pour la première fois sur Canal+ en 1984. Petite anecdote : les paroles du célèbre générique ont été écrites par Paul Persavon, qui n'est autre que... Antoine de Caunes ! Par la suite, la série fut diffusée sur Antenne 2 en automne 1985 et elle reçut un grand succès.
Cette interview a été réalisée pour le supplément BD du Journal du Dimanche et s'intitule "Buichi Terasawa, l'auteur Multimédia".
Propos recueillis par Marc Jallon pour le supplément BD du Journal du Dimanche
Remerciements à A-Girl Co Ltd, Tokyo et Carlo Lévy
Qu'est-ce qui vous a amené à devenir dessinateur de manga ?
A vrai dire, ce n'était pas mon but. J'ai commencé une carrière de dessinateur afin de me procurer l'argent nécessaire pour... tourner un film. En effet, j'ai toujours eu une grande passion pour le cinéma. J'ai donc commencé par dessiner sous un pseudonyme, des oeuvres destinées à un public plutôt féminin. Puis, je suis rentré comme assistant au studio d'Osamu Tezuka.
Comme Space Adventure Cobra, votre premier grand succès, vos autres oeuvres sont-elles aussi orientées Science Fiction ?
Pas tout à fait de la même façon. En fait, Cobra se déroule dans l'espace, avec tout ce que cela entraîne (vaissaux, planètes...) et c'est pour cela que l'aspect SF est très visible. Mais dans le reste de mes oeuvres, qui restent toujours dans le registre du fantastique, j'aime jouer avec le temps en introduisant dans une époque donnée des objets venus d'un autre temps ou d'un autres lieux. Soit des objets futuristes en plein moyen-âge (comme dans Takeru et Kabuto) soit des objets anciens dans un futur lointain (Cobra, Midnight Eye Goku), ou des éléments de décoration, des meubles... J'appelle ça le "Culture Mixing" et "l'Era Mixing".
Vos oeuvres récentes sont très particulières pour le Japon, car elles sont en couleur. Comment travaillez-vous pour obtenir ces résultats impressionnants ?
Il y a plusieurs années que j'ai commencé à travailler sur ordinateur, et l'évolution de la technologie permet aujourd'hui de créer des effets magnifiques, tant au niveau des couleurs que du rendu. Beaucoup d'autres artistes japonais, en voyant mes travaux, commencent à s'intéresser à ce type de création. Malheureusement, elles réclament beaucoup de temps et beaucoup de moyens, ainsi que des connaissances spécifiques.
Selon nos informations, vous touchez à plusieurs types de média (jeux, vidéo, animation, manga). Comment parvenez-vous à gérer tout cela ?
Désormais, avec mon studio (dans lequel travaillent trois assistants, à deux pas du studio personnel de Mr Terasawa), nous créons pour chaque oeuvre un univers entier sur ordinateur. Les personnages, les bâtiments, les lieux, les objets. Ensuite, il nous est possible de les utiliser dans n'importe quelle situation. Les lieux peuvent être modifiés selon divers angles, en entier ou par morceaux... Cela donne une grande liberté de création pour la suite, et cela permet une passerelle très efficace vers l'animation ou le jeu vidéo.
Ce sont là des domaines qui vous ont toujours intéressés, avez-vous des projets de ce genre en cours ?
A vrai dire, il y a déjà eu plusieurs de mes oeuvres adaptées en série TV, films ou jeux vidéo, jusqu'à très récemment... et cela continue. Je travaille parfois aussi comme designer ou consultant pour ce type de projet. Actuellement, je planche sur un nouveau personnage évoluant dans un univers SF, mais c'est top secret !
Que pensez-vous de la BD franco-belge et du comics américain ?
La BD américaine ne m'intéresse pas beaucoup. Pour ce qui est de la BD européenne, j'avoue que je ne m'y connais pas bien, faute de temps. Mais suite aux nombreuses conventions auxquelles j'ai participé (notament Angoulême, en Janvier 1991, NDT), je crois qu'elle est plus proche du manga à cause d'un élément essentiel : elle ne se limite pas à un public d'enfants ou d'adolescents car elle vise souvant un public adulte, tout comme le manga. Tout comme au Japon, la lecture d'une BD est un phénomène culturel, tout à fait acceptable. Par contre, aux USA, il s'agit pour l'essentiel de produits destinés aux plus jeunes.
Certains reconnaissent aussi un peu de Jean-Paul Belmondo dans Cobra. Est-ce un hasard ?
C'est tout à fait volontaire. J'aime beaucoup les acteurs ayant une forte personnalité, et Belmondo dispose de cette caractéristique qui m'a semblée convenir à Cobra, qui est au fond un brigand au grand coeur.